Chapitre 1

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J'attachais rapidement mon vélo à la rambarde, comme tous les jours depuis les cinq mois que je travaillais ici. « Je vais encore me faire remonter les bretelles ! » Pensais-je. Et en effet, à peine avais-je passé la porte du restaurant que j'entendis la voix du patron qui m'appelait sévèrement.

- Nalaaah ! C'est ton deuxième retard cette semaine, t'as une explication valable cette fois ?

- J'étais avec ma grand-mère... Me justifiais-je.

- Elle a pas de montre ta mamie ? Ça pourrait t'aider à arriver à l'heure la semaine prochaine !

Je fis la grimace derrière son dos en retirant ma veste et en l'accrochant au porte-manteaux prévu à cet effet. Je travaillais en tant que serveuse dans un restaurant gastronomique excentré de la ville et tout se passait plutôt bien jusque-là. Mais ma grand-mère, avec qui je vivais depuis de nombreuses années, était malade et venait d'être placée dans une maison de retraite. Malheureusement, depuis ce moment-là, son état s'était dégradé et aujourd'hui encore, en allant lui rendre visite, elle ne m'avait pas reconnue à cause de sa maladie d'Alzheimer.

- Dépêche-toi pour la mise en place ! Râla encore le patron qui frottait un verre derrière le bar. Les clients vont plus tarder !

Je remis mes cheveux blonds en place et commençais mon travail, sans cesser de penser à ma grand-mère. Elle m'avait presque élevé alors que mes parents avaient divorcé quand j'étais jeune et aucun d'eux ne voulait s'encombrer de moi. Elle m'avait prise sous son aile jusqu'à la fin du lycée, mais à présent, c'était à moi de subvenir à ses besoins et l'aider à payer la maison de retraite tous les mois. Après plusieurs petits boulots au fil des ans, j'avais trouvé celui-là et même si j'aimerais vraiment fermer le clapet de mon râleur de patron, je ne pouvais pas me permettre de le perdre.

Les premiers clients arrivèrent et les plats, les verres et les numéros des tables défilèrent dans ma tête sans erreur pour une fois, malgré les taquineries d'Antoine, le commis de cuisine.

- Allez Nalah, cours cours !

- Et toi, travaille ! Tu as oublié la sauce pour le magret de canard ! Rétorquais-je en revenant sur mes pas.

Ce fut comme ça tout le service, une soirée ordinaire. Au départ du dernier client, il était presque vingt-trois heures, il me restait encore à débarrasser les tables, faire l'inventaire des bouteilles et récupérer mes pourboires.

- Demain, tu arrives à l'heure Nalah. Me prévient mon patron. Sinon tu sais ce que t'arriveras.

- Vous m'offrirez une bouteille de champagne ?! Répondis-je cyniquement en claquant la porte derrière moi.

Je n'entendis pas sa réponse, mais sûrement était-elle accompagnée d'une insulte salée comme il en avait l'habitude. Je nouais mon écharpe autour de mon cou et mis mon gilet jaune réfléchissant avant de remonter sur mon vélo.

L'air était frais, et j'avais mal aux jambes à force de pédaler. Le vélo était la seule solution pour faire les 4 kilomètres qui me séparaient de la maison, n'ayant pas encore mon permis de conduire. Mais à peine avais-je fait la moitié de la route que j'entendis le « pccccch » caractéristique d'une roue percée. « Nooon »... Eh ben si. Je descendis de la selle pour examiner ma roue, un caillou pointu s'était fixé dans le caoutchouc et l'air s'échappait par la fuite. Je levais les bras au ciel et réfléchis à une autre solution.

« Pas de réseau ! »

Au beau milieu de la forêt, ça ne devrait pas me surprendre, mais ça tombait plutôt mal. Comment joindre Antoine pour qu'il me dépanne ? Ses talents de cuisinier n'auraient servi à rien, mais sa voiture par contre aurait été la bienvenue ! J'étais en pleine campagne, il faisait noir et bien sûr pour achever le tout en plein automne ... C'était bien ma veine. Je fis quelques pas le long de la route, vêtue de mon gilet jaune, pour essayer de capter ne serait-ce qu'un peu de réseau, mais rien... Je regardais ma montre : 23h50, il n'y avait plus qu'à attendre Antoine qui passerait par là une fois qu'il aurait fini de faire la plonge et le nettoyage de la cuisine.Peut-être que s'il ne m'écrasait pas en rentrant, je pourrais retrouver mon lit !

[Eldarya][Valkyon][Terminée] La ProphétieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant