Chapitre 1 : La peur des Olympiens (Partie 1)

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Ce jour là, tout bascula. Lorsque Zeus, roi des dieux de l'Olympe, entendit les pleurs d'une enfant s'éveillant au monde, il sut que son temps était compté. Du haut de la montagne où était bâtie la cité des dieux, les battements de son cœur se mirent en concordance avec ceux du nouveau-né. Ce fut comme s'ils ne faisaient plus qu'un.

Zeus naissait une seconde fois. De nouveau, il ressentit ce lien qui les avaient unis, cette présence envahissante qui lui rappelait chaque instant son erreur passée. Une haine s'éveilla en lui ; une haine tue depuis des temps immémoriaux.

— Ilithyie ! hurla-t-il.

Des éclairs zébrèrent le ciel ; le Mont Olympe s'ébranla. En toute hâte, la fille de Zeus vint se présenter devant son père, dans la salle circulaire des douze trônes imposants. L'immense pièce vide avait cet étrange pouvoir d'exercer un poids sur celui ou celle qui s'y trouvait, tel qu'elle s'en sentit mal à l'aise. Ilithyie se réveillait à peine dans ses appartements quand son père l'avait appelée. Attentionnée et loyale, elle avait toujours estimé sa mission noble et belle : donner la vie.

— Que puis-je faire pour vous ? demanda-t-elle solennelle, un genou au sol.

— Sais-tu combien d'enfants sont nés aujourd'hui ? interrogea Zeus sans prêter attention à elle.

Le roi des cieux observait la vue que donnait la terrasse de la salle des douze trônes sur la cité des dieux. Tout était si calme. Le soleil venait de poser ses rayons sur tous les pavillons de marbre blanc, organisés en damiers. Sur la place centrale, l'eau de l'immense fontaine érigée par Poséidon luttait pour ne pas se figer en glace. Les arbres dépourvus de feuilles se couvraient d'un manteau de neige. Au palais, le feu d'Hestia, déesse du foyer, maintenait la chaleur qui rendait supportable la vie dans ces hauteurs. Les étranges rais de lumière blanche que produisaient les murs, déjà présents lorsque les dieux avaient découvert la cité, brillaient plus fort que jamais : un des plus anciens secrets qui demeurait, après tant d'années passées dans cette ville au mystérieux bâtisseur. Il était inconcevable qu'un jour toute cette splendeur puisse disparaître.

— Le nombre d'enfants nés aujourd'hui ? répéta Ilithyie, à moitié endormie. Peut-être bien un millier, hésita-t-elle.

— Appelle Thanatos et Macaria, l'interrompit Zeus. Il faudra tous les mettre à mort.

La foudre s'abattit à nouveau dans le ciel sans nuage, suivie d'un long silence.

— Garçon ou fille, peu m'importe, continua-t-il. Une âme se réincarnant ne fait pas la différence. Cette chose ne doit pas s'en sortir vivante.

Ilithyie resta un instant clouée au sol, choquée, horrifiée. Elle se risqua à demander :

— Mais père, qui... ?

— Les cendres, répondit-il froidement. Leur mère s'en revient. Elle doit cesser d'exister.

Mâchoire serrée, Zeus reprit après un affreux grincement de dents :

— À présent, elle s'est réincarnée quelque part sur Terre. Je le sais, je l'ai senti. Je ne me trompe jamais lorsqu'il s'agit d'elle.

Aucune hésitation, aucun tremblement, aucun regret : sa voix ne frémit pas. Des mots simples pour une tâche simple. L'ordre du roi des dieux ne souffrait pas d'objection.

— Je voudrais pouvoir éviter ça, ma fille, poursuivit Zeus d'un ton qui se voulait plus compréhensif. Tous les enfants nés aujourd'hui risquent d'être elle. Je n'ai pas le choix. Combattre la Mère des Cendres, c'est accepter de faire des sacrifices.

ALTHÆA - T.1 - La Mère des CendresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant