4. Skate et flaque de sang

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J'ai l'impression que cet appel a duré 5 minutes. En vérité, il en a duré 26,43 précisément. Je n'oublierais jamais ce FaceTime. Discrètement, j'ai fais quelques screenshots, en souvenir.
Chloé et moi nous regardons, émerveillées, mais conscientes que nous somme encore faces à des inconnus, illuminées pas une lampe torche de téléphone et la bouche grande ouverte.
Nous nous retournons pour finir notre goûter, remballons nos affaires et filons vers le vélo de Chloé. Elle embarque toujours un skate de secours vu que sa bécane déraille en permanence, et je dois avouer que j'adore monter sur ce genre de skate. C'est celui de son père; il est assez large, en bois clair et date des années 70.
Nous décidons de passer chez moi pour avoir des nouvelles de ma mère concernant le voyage, et ensuite de passer chez Chloé. Je ne me fais pas de faux-espoirs, ma mère dira non d'un ton sec, nous nous disputerons, je monterai les escaliers, énervée, je claquerais ma porte et je pleurerai pendant un mois en me goinfrant de gaufres au sirop d'érable. La mère de Chloé dira sûrement la même chose, et on nous appèleras les « zombies girls » pendant trois mois. Triste réalité.

Oh non. Oh non non non. Non non non non non !
Là, devant, à l'arrêt de bus !
Rich, mon ex et son pote, Joe ! Oui, cela peut paraître cliché, mais la personne, là, en face, m'a fait souffrir énormément.
Je me retourne vers Chloé (qui est derrière, comme d'habitude) et lui lance un regard apitoyé :
- On fait demi-tour, maintenant.
- Mais il y'a une voiture derrière et on est presque arrivées !
Je lui montre Rich du regard et elle reprend :
- Ceci dit, on pourrait commencer à passer par la forêt ! Ça nous fera faire un petit peu de sport !
- Quelle bonne idée ! J'avais oublié que je vivais dans un trou pommé !
On laisse la voiture passer et on fait demi-tour mais j'entends un sifflement et un rire moqueur dans mon dos.
- Hé ben Rich, j'comprend pas pourquoi t'es sortie avec elle ! Elle a l'air sacrément chiante !
- C'est à dire qu'à l'époque, elle traînait avec des gens mieux !
Chloé me regarde et lève les yeux au ciel.
- Heureusement que son visage est pas dégueu !
- C'est con, personne peut en profiter vu qu'elle aime un mec imaginaire !
Ok, c'en est trop. Je descend du skate, le prend sous mon bras et m'approche des deux imbéciles.
- Si t'étais pas aussi hypocrite et débile que ça, t'aurais peut-être eu une chance de rester avec moi !
- Ça y est ! Madame nous balance des mots compliqués ! Si je ne suis pas resté avec toi, c'est parce que t'es une traînée !
La colère bout en moi. Mes pommettes me brûlent et je suis prise d'une folie ardente de lui fourré mon poing dans la tronche (pour être polie). Je pose le skate par terre. Mes yeux se ferment et des larmes en sortent. Je ferme mes poings jusqu'à entendre craquer mes os. Il n'y a plus rien autour de moi, pourtant je peux encore entendre les moqueries des garçons. J'entends aussi des pas, oui, c'est Chloé qui se rapproche pour me ramener chez moi et me dire que, ne t'en fais pas, tout ira bien maintenant. Mais c'est incontrôlable. Mon poing droit se lève, et, toute ma force, j'assène à Rich un violent coup dans la mâchoire. Quand je réouvre les yeux, Chloé est à côté, les deux mains devant sa bouche béate, comme paralysée. Rich au sol, une flaque de sang sur toute la partie gauche de son visage et de son tee-shirt et Joe, désemparé.
Je n'ai jamais frappé personne.
Je me tourne vers Chloé, qui hoche la tête, je ramasse le skate et accourons vers le vélo. Une fois sur la route Chloé me rassure :
- Il le méritait absolument. Il n'avait pas à te quitter sous prétexte qu'il ne m'aimait pas. Quand on aime vraiment quelqu'un, on accepte ce qu'il y a autour. Ceci dit, Lina, la violence n'arrange pas tout.
Je regarde ma main. Elle est blanche, pleine de sang, seules mes phalanges semblent avoir reçues l'impact étant donné leur aspect rouge vif. Je ne sais pas si c'est le mien ou le sien mais il fait nettoyer ça au plus vite, j'ai affreusement mal.
- J'ai mal à la main.
- C'est normal ! Avec le pain que tu lui as mis, il va avoir un bleu au visage pendant au moins deux mois !
- Seulement deux mois ? Pff, j'espèrais lui faire plus mal que ça.
- Lina, abuses pas; on sait toutes les deux que tu as agit par colère et pas par volonté, tu ne sais pas te battre.
- C'est pas vrai, je sais très bien me battre !
- Ceux qui savent se battre n'ont aucun regret et aucune douleur.
- J'aurais quand même le droit de mettre des glaçons ?
- Mais bien-sûr, et tu auras même droit à une grenadine.
- Yes !
Même si je hais cette personne, il faut avouer que ça m'a fait beaucoup de mal (pas que physiquement) de l'avoir blessé.

L'effet papillonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant