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Ayant l'activité débordante d'un bibelot posé sur une étagère, je me mis à penser... La première fois que ma mère me vit embrasser une fille, c'était avec Élisa. Je me souvenais très bien de quelle façon son visage avait pâli, ses yeux s'étaient écarquillés, sa bouche grande ouverte, ne sachant, et pour une fois, momentanément quoi dire. Nous descendions pour qu'elle puisse reprendre son bus et profitant du petit espace clos de l'ascenseur pour se chauffer vulgairement, elle ne portait qu'un shorty et un petit haut fin, moi en jogging, autant dire que nos mains se baladaient autant que nos langues se caressaient. Là l'ascenseur s'ouvrit au rez-de-chaussée, nous prenant au dépourvu, nous n'eûmes pas le temps de nous séparer que nous faisions déjà face à ma mère qui revenait de ses courses hebdomadaires. C'est ainsi qu'elle sut que sa fille était lesbienne. Elle ne siffla mot sur le coup mais je savais en voyant sa mine, montant à notre place (après avoir fait une grimace de dégoût), que j'allai en entendre parler en rentrant, ce qui me fis stresser tout le long du chemin, à l'aller comme au retour, et les paroles réconfortantes d'Élisa ne changeaient rien. Je l'embrassai vraiment du bout des lèvres, ce qui fit qu'elle partie déçue, mais n'en fit pas d'histoire.

Elle m'envoya même un SMS qui me disait de ne pas stresser... J'aurai voulu la voir à ma place... Ces parents étaient cools, ils acceptèrent sa « différence » mais ma mère elle ! Elle était encore plus vieux jeu que le pape et son clergé réunis. Je ne me hâtais donc pas pour rentrer, je n'étais pas pressé de prendre un savon. Je pensais informer ma meilleure amie de ce fait, puis me ravisa, Jessica ne serait pas toujours là pour me conseiller et c'était à moi de prendre les choses en main, de tenter d'expliquer à ma mère que les garçons ne me faisaient aucun effet. J'étais déjà dans l'ascenseur quand j'arrivais à cette conclusion, et, rassemblant tout mon courage en inspirant profondément, j'appuyais sur le bouton du septième étage. Contrairement à la descente, la montée ma parut durer des dizaines de minutes, je sentais la force de ma résolution diminuer, an regardant l'affichage blanc à cristaux sur fond bleu, au fur et à mesure que les étages grandissaient. 4... 5... 6... 7...  « Septième Étage » fit la voix de robot féminine de la machine. Je me retrouvait sur le pallier, pris à gauche et aller entrer lorsque la porte s'ouvrit brutalement. Ma mère se trouvait en face de moi.

« Entre ! M'ordonna-t-elle d'un ton sec, on a à parler toutes les deux. »

Je passais rapidement le pas de la porte, n'ayant aucune envie que cette « explication » se fasse sur un pallier raisonnant.

« Je ne veux plus jamais voir cette petite dépravée chez moi ! » lança-t-elle une fois la porte close. Je n'eus même pas le temps d'enlever mes baskets. J'entrai dans la cuisine, espérant boire un verre d'eau avant de me mettre à crier, Élisa et moi avions partagé une cigarette avant qu'elle ne monte dans le bus et ma gorge était encore endolorie par la fumée. Je me saisis d'un verre, le remplis avec l'eau du robinet et le bus d'un trait. Nous avions, dans un petit débarras entre la salle et la chambre de ma mère, de l'eau minérale, mais je ne voulais pas passer une nouvelle fois devant ma mère en furie.

« Depuis quand tu te donnes en spectacle dans les ascenseur ? Ou tu le fais aussi ailleurs ? C'est donc vrai ce que l'on dit sur toi, tu es.... »

Elle laissa sa phrase en suspend, ce fut à mon tour d'élever la voix. « Lesbienne ! Oui, je suis lesbienne. Vas vite prévenir le reste de la ville ! Ta fille est une traînée d'homo ! »

Les larmes me montaient aux yeux, je n'avais pas l'habitude de crier sur ma mère, mais cette fois, c'était un cas exceptionnel. Dépravée avait-elle dit, qui se donne en spectacle ! Avais-je bien entendu ? En me répétant ces mots, les larmes laissèrent place à une vague de colère qui se traduisit par une onde de chaleur inondant mon visage, j'étais prête à exploser.

Lesbienne et Heureuse: Estelle (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant