Nous eûmes des nouvelles de Daniel le mercredi, en rentrant du travail Jessica me sauta dessus, son agenda à la main me montrant, trop vite, tous les rendez-vous que nous avions jusqu'au jour J : essayages,dégustations, entretiens, répétitions... Fallait-il vraiment faire tout ça pour un mariage de vingt personnes ? Nous en discutâmes au lit. Il y avait toujours Luc, sa femme et ses fils, nous arrivions à vingt-six. C'était encore trop peu. Nous n'avions pas d'autre solution, il fallait se faire de nouveaux amis. Le vendredi qui suivit, j'allais voir ma mère. En arrivant dans la cité je vis une femme au loin, entrain de jongler entre une poussette et un gros chien. Le mal qu'elle se donner pour pousser l'un et faire obéir l'autre me fit rire intérieurement, tout en me traitant de méchante. Elle criait sur l'animal qui ne bougeait plus, la queue entre les jambes, je reconnus immédiatement sa voix : Christelle ! De toutes les filles de la cité, il fallait que je retombe sur elle. De plus, nos chemins allaient se croiser. Je changeais de trottoir, je n'allais certainement pas lui faire la bise... Quoi que nous cherchions des invités pour notre mariage, non ? Elle me reconnut aussi à une dizaine de mètres et me cria :
« Hé broute-minou, c'est plus chez toi ici à ce qu'on m'a dit.
-Non c'est chez ma mère. T'as eu un gosse ? T'es tellement insignifiante qu'on m'a rien dit. »
Elle me fit un doigt et nous nous croisâmes, la route qui nous séparait semblait s'être rétrécie à un chemin de campagne, je pouvais sentir son parfum, une eau de toilette au rabais, sûrement achetée cinq euros au marché. Je regardais droit devant moi pour ne pas la voir même si elle était passée. Je vis Luc passer au loin, le siffla, il me vit et me fit signe. Derrière moi j'entendis aboyer et crier :
« Reviens espèce de con ! Arrête clébard de merde ! »
Un bruit de chute. Je me retournais et vis Christelle assise sur le sol, l'air encore plus bête que d'habitude, son chien trottinait vers moi, la poussette aussi, sans comprendre pourquoi tout de suite, lorsque je vis, sous l'éclairage publique, la laisse du labrador attachée à la poignée de la poussette. « Mauvaise idée pétasse » me dis-je, puis entrais dans le hall de mon ancien immeuble. Ma mère me rappela les rendez-vous du mariage, elle avait religieusement tout noté sur son calendrier des pompiers, jusqu'au jour J. Elle tournait les pages au fur et à mesure de ce qu'elle me citait, je vis un gros trait de marqueur noir à la place du quatre août. À mon tour, je lui parlais de notre intention d'inviter notre ami Luc et sa famille, l'informant au passage que nous voulions une trentaine de personnes au repas. Elle pensa à mes collègues de travail, c'était une mauvaise idée, elle le savait mais tenta quand même le coup. Elle eut la réponse qui se devait : Ils seront au vin d'honneur, mais aucun ne restera, et je n'inviterai pas Éric, c'était certain. Lorsque le sujet du mariage fut terminé, elle se dirigea vers la cuisine et commença à sortir les Tupperwares contenant ce qu'elle m'avait préparé la veille. Je lui demandais d'attendre un peu, je devais voir Luc pour lui annoncer la nouvelle. Je sortis de mon bloc et allais chez mon ami. Il m'accueillit à bras ouvert, comme toujours, m'offrit une bière et nous discutâmes de ce qui s'était passé un peu plus tôt dans la soirée avec Christelle.
« Mais il est de qui son gamin ?
-Personne ne le sait, dit-il, tu la connais, ça pourrait être la moitié d'Auchel.
Je ris de bon cœur.
« La moitié seulement, ça va alors ! Si elle veut je peux lui filer l'adresse de mon labo, on fait aussi des tests de paternité. »
Il rit avec moi. Sa femme vint nous rejoindre, nous traitant de moqueurs et j'eus droit à une nouvelle bière. J'expliquais la raison de ma présence, le mariage. Luc fut surprit et nous informa que ça serait son premier mariage de lesbiennes. Je lui parlait aussi du problème du nombre d'invités. Ils réfléchirent tous les deux quelques instant puis Luc regarda sa compagne, Véronique, qui lui fit non de la tête.
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Lesbienne et Heureuse: Estelle (terminé)
RomanceJe m'appelle Estelle, je vis aux Provinces, une cité d'Auchel, petite ville du Pas-de-Calais. Aujourd'hui je suis heureuse d'être lesbienne, mais tout n'a pas toujours été ainsi...