Je te pardonne

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Imaginez vous ne plus rien ressentir, ne plus rien aimer.
C'est exactement ce que je ressens. Un jour, la haine, la tristesse, la joie et même la peur m'ont abandonnée. En un instant j'ai tout perdu.
Ma vie, mes émotions, Mon quotidien...
Combien de fois est-ce que je me suis demandé pourquoi ça m'arrivait à moi? Combien de fois ai-je faillis abandonné ?
En comptant aujourd'hui bien sûr.

Ce qui se passe en moi c'est compliqué et simple à la fois.
Pour imager, essayez de visualiser un volcan. Un volcan énorme. Un volcan que tous considère comme inactif voire même mort.
Maintenant rappelez vous de l'histoire de Pompeï.
Et bien dites vous que lorsque je ressens enfin quelque chose, ça explose. Comme à Pompeï.

Je me prends à tout le monde. A n'importe qui et à n'importe quoi. Si je vous blesse ou vous insulte la seule explication est que vous n'aviez qu'à pas être là, au mauvais endroit, au mauvais moment.

Je hais ce monde pourri jusqu'à la racine. Je hais mon lycée, cet endroit où tout le monde s'amuse à blesser son prochain. Je hais ces gens qui se moque de moi. Si ils savaient à quel point je les méprise, à quel point je me suis retenue de leur faire bouffer leurs dents.
Ils s'habillent pareils et se sentent supérieurs aux autres alors qu'ils ne savent pas écrire une phrase sans faire de fautes d'orthographe ou de français.

Bande de crétins.

Je hais le moment où je dois rentrer chez moi. Je hais quitter ma maison le matin. Triste ironie.
Je hais me rendre compte que ce matin encore je ne ressentirai rien. Peut-être jusqu'à la fin de ma vie?
Lorsque je pleure, c'est par désespoir. Pourquoi ? J'ai vraiment mériter ça?  Je hais repenser aux bons moments rares de mon existence. Je hais me rappeler que ça n'arrivera jamais.

Je hais pleurer.

Je hais quand mon père m'appelle pour me remonter le moral. Je hais me dire que sans moi il irait peut-être mieux. Je hais me réveiller trop tard le matin. Tout comme je hais me lever tôt.

Je hais ma vie. Mon existence.

Mais est-ce que ça servirait d'énumérer tout ce que je déteste? Non.
Le matin je réprime mon envie de me jeter par la fenêtre. Je m'habille, me coiffe et bois un verre d'eau. Je ne mange jamais le matin pour la simple et bonne raison que si j'ingurgite quelque chose de solide, dans la matinée je le vomis durant mes crises d'angoisse.
Super non?

Maintenant la bonne question est : pourquoi est-ce que j'en arrive là?  Comment j'en suis arrivée là?
La réponse est : ma mère. Ne pensez pas que je suis une de ces adolescentes rebelles et stupides qui se drogues et se mutilent à la moindre difficulté. J'aurais aimé...

Non je suis une de ces adolescentes qui sont assez intelligentes pour se rendre compte de sa situation. C'est comme se faire opérer consciemment sans rien sentir pour autant.
Je sais comment m'en sortir. Tout comme je sais quelle est la cause de ma souffrance.

Ma mère.

Son putain de harcèlement moral me rend folle. Elle me frappe, me méprise, me rabaisse pour redevenir une bonne mère au dernier moment. Celui où je suis sur le point de craquer.

Et c'est triste de se dire qu'elle n'est pas redevenue gentille à temps. Elle n'est pas redevenue cette bonne mère manipulatrice.
C'est plutôt marrant de se dire que ce que je dis sont mes dernières pensées. C'est marrant de voir leurs visages effrayés et choqués.

Elle est là. Je suis en haut de ce bâtiment, ce bâtiment qui aurai pu me sauver. Celui de mon église.
Mon père et mes soeurs sont absents. Je ne voulais pas qu'ils me voient comme ça. Je les ai assez fait souffrir.

C'est la soirée des adolescents à l'église, comme toutes les deux semaines. Il y a celui que j'aime et qui m'as quitté car il ne supportait plus de me voir m'autodétruire.
Il y a les autres, mes amis de l'église. Ces adultes qui n'ont pas réussis à me sauver s'en rappelleront toute leur vie.

J'ai appelé ma mère il y a quinze minutes. Je lui ai dit que j'allais sauter. La voilà qui arrive. Je voulais qu'elle me voit et que le peu d'humanité restante en elle se fasse détruire par mon action. Je ne partirai pas sans la faire souffrir. Jamais.
Il me regarde, me crit de ne pas bouger, qu'il arrive.

Trop tard mon amour.

C'est mes derniers mots. Ma dernière phrase.
Ma mère hurle. Pleure. C'est agréable. Maintenant elle sait ce que c'est de ne plus rien ressentir à part un sentiment constant de vide.
Je souris à cette vue. Ils hurlent. Certains ont détournés le regard, d'autres me fixe sans s'arrêter. Je les aimais bien dans le fond. C'est eux qui m'ont fait comprendre la douceur de l'amour d'une mère et de celui d'un homme.

Ma dernière pensée c'est celle-là : je te pardonne. Je vous pardonne tous autant que vous êtes.

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