Blanc

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Qu'est-ce que je fait? 

Pourquoi je suis là déjà?

 Quel âge j'ai? 

Comment je m'appelle? 

Qui suis-je?


Le plafond est blanc. Le ciel est bleu. L'herbe est verte. Je crois. 

Je suis toute seule. Des fois elle vient me parler, elle me dit des mots gentils mais je comprend pas tout. Je suis seule. J'ai froid en permanence. 

Toute seule. C'est la première phrase qu'elle m'a dite, elle a enchaîné sur le fait que je ne m'en sortirais pas. Mes draps sont en papiers, la fenêtre est petite et recouverte de barreaux. Le plafond est blanc. Les murs sont blancs. La porte est blanche. Mes mains sont blanches. Mes vêtements sont blancs. Tout est blanc. Même le ciel. Le miroir est triste. Je le vois et tout les jours, il me retranscrit ses paroles. Ses paroles à elle. A nous...

Mes cheveux sont blonds, presque blancs. Mes yeux sont gris, presque blancs. Tout est blanc. Elle me parle à travers le miroir tout les jours. Ce qu'on a pu rigoler toutes les deux. Il y a un petit scalpel à côté de mon matelas. Il est gris. Il est joli, il me parle lui aussi. Alors des fois on joue tout les deux. On joue seulement quand elle dort. Sinon elle me dispute tellement fort que j'en ai mal au ventre, au cœur et à la gorge. Alors on joue. 

Une fois par jour on me demande de sortir. Je me lave, mange et sort dans la cour. Je respire quand je suis dehors. Les autres jouent ensembles eux aussi. Ils ne veulent pas de moi parce qu'ils savent, ils savent ce que j'ai. 

Le sang est rouge. Je le sais ça parce que le scalpel me le montre tout les jours à la même heure. Quand elle dort. De temps en temps je vois flou et ma tête tape fort. Si fort que je hurle jusqu'à ce que la porte s'ouvre et qu'on vienne m'aider. Je ressens une sensation de plénitude et je m'endors. Le matin, je me réveille sur mon matelas, la chambre est propre et le sang a disparu. C'est toujours comme ça. Toujours

Je revis la même journée en boucle. Et ça recommence. Encore et encore. Sans s'arrêter. Sans montrer un signe de fin. J'en ai marre, je veux m'en aller. Je veux partir loin. Je veux découvrir ce qu'il y a autour de moi. Je veux voir le ciel bleu. Je veux voir l'herbe verte et douce. Je veux avoir chaud. Je veux courir. Je veux qu'elle s'en aille. Je veux être seule. Vraiment seule. Sans voix avec moi qui tambourine dans ma tête. Je veux faire ce que je veux. Je ne veux plus avoir envie de vomir en permanence, je ne veux plus. Tout ça c'est de sa faute à elle. Pas à moi. Ils n'ont pas arrêté de dire que j'étais la seule fautive et que j'étais deux. Qu'on devait nous interner. J'ai compris que j'allais devoir  vivre le restant de mes jours avec elle. Je ne veux pas, je ne veux plus.

Etre seule. Comme les autres, eux ils y arrivent bien. Pourquoi pas moi? Pourquoi pas nous?

Seule,seule,seule. Toute seule. Je ne suis pas folle. C'est elle qui est folle pas moi. Pas moi.


La neige c'est blanc. Les nuages c'est blanc. Le vent c'est froid. La pluie c'est froid. Etre moi c'est froid, blanc et triste. C'est ennuyeux, c'est nul et c'est pénible. Personne ne me croit, personne ne m'écoute. Moi pas elle. J'ai compris que je n'avais plus aucune chance d'être seule quand j'ai frappé des gens sans réelle raison. Le truc, c'est que je suis saine d'esprit. C'est juste que j'ai craqué et qu'elle est venue au mauvais moment de ma vie. Je suis capable de faire comme avant, de chanter et de faire des mathématiques. Comme avant. Tout pareil. 

Elle, elle en est incapable. Tout simplement parce que la seule chose qu'elle sait faire est d'être moi. Je me sens comme enfermée dans une bulle froide et instable quand elle se réveille. 


Un jour je la tuerai et je sortirai de là. Un jour le sang rouge recouvrira le plafond, les murs et même le ciel. La neige deviendra rouge et les nuages aussi. La vie qu'elle a en elle, en nous, disparaîtra et deviendra froide et triste. Le silence s'en ira et moi aussi. Je me sentirais partir et tout ce qui m'entoure ne sera plus. Et je ne me réveillerai pas dans une chambre identique à celle de la veille. Je ne recommencerai plus les mêmes choses, les mêmes gestes et actes.

Un jour je serai seule. Seule face à mon miroir et il ne parlera pas. Il ne bougera plus puisqu'il sera rouge comme le reste. Je crois que j'aime cette couleur plus que je n'aime être seule. 

J'attend sagement le moment où le scalpel me parleras pour me dire de le faire. Pour me donner le courage que je n'ai pas. Je me mettrai face au miroir pendant qu'elle dormira et je la tuerai. Je serai seule. 

Toute seule. Définitivement seule. Seule comme je ne l'aurais jamais autant souhaité. 


Toute seule, toute seule, toute seule. 


Et là on pourra me dire folle d'avoir craqué. Ou peut-être que la folie aura craqué et aura agit à ma place. 

J'attend, j'attend. A demain, journée identique à hier et aujourd'hui. 

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