Tout n'est que souffrance

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Elle s'est jetée par la fenêtre, en un instant tout était fini. Terminé. Lapidé. Elle a atterrit sept étages plus bas. La colonne vertébrale écrabouillée. Personne n'aurait pu prévoir son geste irréparable.

Tout était pourtant décrit dans son journal intime. En quelques instants, elle avait achevé son plan de suicide prévu depuis des mois. Elle y décrivait ses pensées et ses tendances suicidaires tout comme elle y décrivait la façon dont elle souhaiterait mourir. Elle s'était d'ailleurs bien renseignée car elle avait précisé que quitte à se défenestrer, elle se jetterai en arrière, histoire de ne pas se casser le nez et avoir mal. Choquant me diriez-vous? Loin de là. Elle voulait mourir, pas souffrir plus que ce n'était déjà le cas.

C'est sa mère qui a retrouvé le petit cahier. Il n'était pas vraiment caché, il était là où il avait toujours été, dans son tiroir de bureau.

Mais pouvons-nous blâmer une femme meurtrie par le geste, l'acte de son enfant? Non. Bien sûr que non. Il faut quand même noter le fait que son tiroir était transparent. Tout le monde aurait pu le lire et la sauver. Absolument tout le monde. Tout le monde.

Elle avait fait exprès, espérant que quelqu'un le trouverai avant qu'elle ne passe à l'action. Malheureusement pour elle, ça n'a pas été le cas. Tragique n'est-ce pas?

La première page de son carnet parlait de son quotidien à première vue banal et tout à fait supportable. La seconde aussi. Ce n'est qu'à partir de la troisième que les choses se sont corsées. Voilà ce qui est écrit encore aujourd'hui :


" Cher journal, 

Aujourd'hui je me suis disputée avec mon amie Lara. Au début je me suis dit que ce serait vite résolu et oublié, qu'au bout de quelques heures on en parlerai plus. Je me suis donc isolée pour pouvoir apaiser les tensions. Sincèrement, si j'avais su ce qu'il m'arriverait, je ne serai jamais restée seule. Oh ça non! 

Cela faisait déjà deux bonnes heures qu'on ne se parlait plus, je commençais à trouver le temps long donc j'ai décidé de lui faire mes excuses, tant pis si je ne trouvais pas que c'était réellement de ma faute. Je pouvais mettre ma fierté de côté puisque c'était pour retrouver une amie importante.

Sachant que tout est partit d'une bêtise sans réelle raison. Bah oui! C'était un truc vraiment stupide! 

Je lui ai prêté un gilet il y a déjà deux semaines alors je lui ai réclamé gentiment parce que moi aussi je voulais le porter. Elle a rétorqué que je pouvais bien attendre encore un peu, je lui ai donc dit que puisqu'elle l'avait sur elle, elle pouvait me le passer à la fin de la journée, on était pas non plus à quelques heures près.

Mais c'est là que ça a dégénéré, elle a été vraiment hautaine et blessante dans sa façon de parler. Je lui ai fait remarqué et elle s'est énervée. Elle a fait sa crise puis elle est partie en me faisant la tête. Je me suis retrouvée un peu penaude à ce moment-là et puis moi aussi ça ne m'avait pas plu qu'elle me parle comme ça!

Du coup, je voulais lui faire mes excuses malgré tout , je me suis approchée d'elle et de ses autres copines. Elle m'a rejeté et m'a poussé par-terre. On était tous seuls, ses amies et même quelques garçons de la classe. Je me suis relevée et m'apprêtais à partir mais elle m'a retenue et les autres m'ont encerclée. J'étais toute seule et eux plus de cinq! Je pouvais rien faire alors je me suis laissée tabasser et insultée. C'était dur et ça m'a fait mal, aussi  bien physiquement que mentalement. Je me suis vraiment demandé si c'était de ma faute et en ai conclu que ça devait être réellement le cas. 

Quand maman m'a vue blessée et toute salie, elle s'est inquiétée. Je lui ai dit que j'étais tombée et que je n'avais plus mal. Je suis allée à la douche et me suis couchée sans manger.

Il est actuellement quatre heures du matin et je n'arriva pas à dormir alors j'écris. Je ne veux pas retourner en cours, j'ai peur. Je ne veux pas."


Tout est écrit. Prouvé. Démontré. Et ça ne s'est pas arrêté là, loin de là.  Les pages suivantes parlent à peu  près de la même chose, de son harcèlement. Elle ne s'est jamais défendue. Elle était trop gentille pour ça. Elle explique d'ailleurs qu'elle n'en veut pas à son "amie". Et personne n'est venu à son secours. Personne ne l'a aidée. Personne ne l'a aimée. 

La suite, plus dure et violente, a été écrite à peu près deux mois après que ses problèmes n'aient commencé. Elle parle dedans de la cruauté qu'à pu avoir son petit-ami auprès d'elle. Il l'a violée, mise enceinte et obligée à avorter. 


"  Cher journal,

J'ai mal au ventre depuis environ trois jours. J'ai beau prendre du Spasfon et du Doliprane, ça ne passe pas. J'ai vomi toute la nuit. J'ai peur que je sois...Enceinte. Depuis qu'il m'a touchée je ne dors plus et ne mange quasiment plus. Il n'a pas été doux ou gentil. Il a été violent et méchant.

Je m'attendais à ce qu'il me le demande au moins pour ma première fois.  En fait, non, il devait me le demander. Mais il était trop fort, trop puissant, trop dur avec moi. Je n'ai pas pu lutter.

 Il m'a violée. 

Il m'a détruite de l'intérieur. Littéralement. Affreux, cruel, infâme. Je ne trouve pas les mots. C'est un monstre. 

J'ai peur de lui dire que je suis enceinte. J'ai peur de me faire frapper encore une fois. Je ne veux plus qu'il me touche. Je ne veux plus. Je vais avorter. Je n'ai pas le choix. 

Je n'en peux plus. Je veux mourir. Comme cette chose en moi. Cette chose qui lui ressemblera si je la laisse grandir. Je ne peux plus, je ne peux pas procréer une nouvelle version de lui. Hors de question. 

Laissez-moi mourir je vous en prie. Laissez-moi m'en aller. "


Une nouvelle fois, on voit sa vie s'émietter petit à petit. Encore et encore. Sans jamais s'arrêter. Lui faisant vivre mille et une souffrances. Elle n'avait que dix sept ans. Tout s'est arrêté si vite, si brusquement. Encore plus violemment que son viol. A votre avis, comment auriez-vous réagit à la place de sa mère qui a découvert encore brusquement cette horreur qu'est sa vie? 

Eh bien elle n'a pas été plus loin dans sa lecture. Elle n'a pas lu que sa fille s'est droguée et qu'elle a vue ses amies mourir sous l'effet de l'ecstasy. Elle n'a pas lu que sa fille s'est mutilée et qu'elle a tenté de prévenir sa mère de son suicide imminent. Elle n'a pas lu tout ça. Elle est partie dans l'émission journalistique la plus répandue du pays et les as tous dénoncés un par un.


Résultat? Ils n'ont plus de vie et ont tous étés détruits chacun leurs tours. Mademoiselle a gagné. Mademoiselle a vaincu.

Morale? Si bous souhaitez vous suicider, dénoncer tous ceux qui vous ont fait du mal, ils souffriront aussi. Et peut-être qu'il subiront plus que vous...







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