Il existe une histoire macabre sur le fleuve du Loing. Une histoire triste, sanglante et surtout récente. Je le sais, j'ai tout vu quand les gendarmes l'ont amenée. Je me rappelle qu'elle était en train de sourire et qu'une tache marron ornait son haut. Cela doit bien faire cinq ans que je ne l'ai plus vue. C'est plutôt logique quand on y repense mais j'avoue qu'elle me manque. Je parle non pas de la victime mais du coupable. De la meurtrière. Du monstre, comme ils l'avaient tous appelée dans les journaux et dans les ragots. C'était une amie depuis quelques années déjà quand le drame s'est produit. Et jamais je ne l'ai jugée ni incriminée. Au contraire, je la comprenais plus que quiconque. Il est vrai qu'elle avait fait tout ça sans s'en rendre vraiment compte. Paraissait-il même qu'elle ait été folle et que ceci expliquerait cela. Je n'ai rien dit quand on m'a parlé de cette idée scabreuse mais plausible. Je n'ai rien dit car je connaissais la vérité. Et la vérité c'est que, oui elle ne l'a fait que sur un coup de tête, oui elle a agi par excès de colère, oui c'est vrai. Mais il est tout aussi vrai qu'elle l'avait prémédité. Elle avait prévu de la tuer. Je n'ai pas voulu la retenir ou l'en empêcher car dans un sens j'approuvais son geste. J'approuvais le fait qu'elle veuille faire cesser son calvaire. J'approuvais le fait qu'elle le fasse mais pas de façon aussi violente. Non. Je ne suis pas aussi sombre tout de même. Mais j'avoue m'être dit que une fois fait, on n'en reparlerai plus et qu'on pourrai vivre tranquillement. Après tout, moi aussi je voulais que son calvaire s'arrête. Après tout j'étais son amie et je ne pouvais que l'encourager.
Il faisait assez froid ce jour-là. Peut-être est-ce pour cela que la police scientifique a retrouvé le corps en parfait état. L'eau était relativement gelée et toutes les traces du meurtre étaient encore fraîches. Mais il ne faut pas oublier qu'elle n'avait jamais nié son crime.Elle n'avait même pas cherché à le camoufler. Elle s'était débarrassée du corps pour que l'odeur ne reste pas trop présente chez elle et qu'elle puisse tout nettoyer sans trop de soucis. Elle avait aussi dit l'avoir fait quand ses sœurs n'étaient pas présentes car elle les aimait et ne voulait pas les traumatiser. Délicate attention de la part d'une folle n'est-ce pas?
Elle rentrait fatiguée de sa journée. Comme d'habitude, elle monta les escaliers de sa maison pour parvenir jusqu'à sa chambre. Elle avait déposé ses affaires et était redescendue pour pouvoir manger devant la télévision. Jusqu'ici, rien d'anormal. Mais ce calme a été bouleversé par sa mère, râlant encore après elle pour de stupides raisons. C'est parti de là. Tout est parti de là. Elle s'était donnée elle-même la mort, avais-je voulu dire au tribunal lors de son jugement. J'en avais été empêchée par un signe de tête négatif de sa part. Je m'étais rassise et avais continué à regarder la sentence inévitable.
Une dispute s'ensuivit et une baffe tomba. Une misérable baffe. Une énième baffe. Celle de trop. Celle qui avait achevé de la faire passer à l'acte. Elle avait continué à l'insulter de pauvre fille et de parfaite incompétente. La rabaissant encore et toujours. Elle avait hurlé que sa fille n'était qu'une effrontée et que personne ne voudrait plus jamais d'elle, que c'était un bon choix de la part de son ex-petit ami de l'avoir quittée. Sa mère l'avait attrapée par les cheveux en voyant le manque de réaction de sa stupide de fille. Elle l'avait cognée contre le miroir en lui crachant dessus. Elle avait osé dire que même son reflet ne voudrait plus d'elle. Sa fille était partie en courant dans sa chambre, pleurant de tout son soûl.
Je reste persuadée que si sa mère n'avait pas été aussi loin, elle n'en serait pas arrivé là. Je ne dis pas que tout est de sa faute, il doit forcément y avoir un problème chez mon amie, c'est évident. Enfin pour les autres. Moi je la trouve courageuse d'avoir voulu stopper son cauchemar, elle a été l'éliminer à la source voilà tout. Je l'admire pour cela. Je l'admire pour avoir réussi à aller jusqu'au bout. Bien sûr si je l'avais dit, on m'aurait accusée de complicité alors je n'en ai rien fait. Bien que les mots m'aient brûlée tant ils voulaient sortir, bien que je devais l'aider je n'en ai rien fait. A chaque fois qu'on me parlait de cette histoire et qu'on me demandait mon avis, je répondais toujours avec une expression horrifiée et choquée. Je me mordais les lèvres pour ne rien dire et je fuyais aussitôt le sujet. Elle m'en avait parlé du fait qu'on m'interrogerais forcément. Elle m'avait dit de me taire et de ne pas tomber avec elle dans cette sombre histoire. Elle m'avait dit qu'elle ne m'en voudrait pas si je ne la défendais pas et qu'elle préférait même que je me taise car elle aurait déjà assez de problèmes comme ça. Alors à sa demande je me suis tue. Parfois je m'en veux mais je me souviens lui avoir promis de ne pas aller la voir et de ne pas avouer. Alors je ne fais rien, j'attend qu'elle sorte de sa cellule et qu'elle revienne me voir. Qu'elle vienne me voir et qu'on ne se quitte plus. Plus jamais.
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Nouvelles romanesques et fantastiques
Short StoryQuelques petites nouvelles qui me passent par la tête de temps à autre. Signalez-moi si mes histoires sont incohérentes ou mal résumée (fautes, erreurs quelconques...) Votez, commentez mais surtout faites vous plaisir en les lisant ;) #365 dans la...