6ème mois - partie 2

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J'étais tétanisée. Jamais je n'avais vu mon père dans une telle colère. Ses paroles me choquaient, me touchaient au plus profond de mon cœur. J'entendis à peine ma fratrie arriver.

-Qu'est ce qui se passe? On entend papa hurler de la rue. Demanda mon frère en ôtant son manteau.

-Il se passe que votre conne de sœur est enceinte.

Sophie et Louis venaient d'arriver. Ils étaient en avance. Je n'avais pas prévu que l'annonce soit aussi éprouvante et j'avais décidé d'enchaîner toute la famille...mais pas ensemble. C'était au-dessus de mes forces. Et la réaction de mon père n'avait fait qu'accroître ce besoin d'y aller petit à petit. Voir plus du tout...Mais on ne revient pas en arrière.

-Oui, vous avez bien entendu. Votre conne de sœur est enceinte et elle ne connaît même pas le père. Un garçon de passage, parait-il. Elle va nous donner un bâtard. Un putain de bâtard dans notre famille.

A ce moment, je détestai mon père. Je le haïssais au plus profond de mon âme. Ses propos me choquaient tellement que j'en restai muette. Mettre Eric sur le tapis n'était certainement pas une bonne idée. J'avais peur de ce qu'il pourrait dire. Un homme qui accepte de se mettre en couple avec une femme déjà enceinte de cinq mois, il y avait de quoi colporter des ragots, et je ne supporterai pas qu'il se mette à le juger, à le dénigrer.

-Bravo les enfants, bravo. Je vous annonce qu'après avoir eu droit au suceur de bite, on a le droit à la salope de service.

Ma table basse se brisa en deux sous le poids de mon père. Choquée, je mis un temps à comprendre ce qui venait de se passer. Mon frère agita sa main droite dont les phalanges étaient désormais rouges. Il n'avait jamais été violent, du moins envers notre père. Je restais pantoise, ne sachant si je devais me sentir reconnaissante ou horrifiée. Mon père se releva, prêt à répliquer quand Sophie s'interposa:

-Papa, ça suffit! Rentre chez toi, s'il te plaît.

Notre paternel obtempéra par je ne sais quel miracle et claqua la porte de mon appartement derrière lui. Je fus instantanément soulagée. D'une part car sa présence commençait à m'oppresser, et d'autre part car j'avais peur de la tournure que tout cela allait prendre. Mais ma sœur avait toujours eu le don de le radoucir, même enfants. Quand on faisait des bêtises, il suffisait qu'elle lui parle pour que son ton redescende. Je n'ai jamais su comment elle faisait, mais je lui en étais toujours reconnaissante. Et aujourd'hui, je l'étais plus encore. Le silence qu'avait laissé son départ était à la fois pesant et réconfortant. Ma mère relâcha son étreinte et essuya ses larmes.

-Je vais y aller aussi. Fais attention à toi ma chérie, je suis si heureuse que tu me donnes un petit enfant. Puis elle rajouta d'une voix incertaine, ton père...Il...Il va se calmer. Mais je...il faudra qu'on discute, toutes les deux. Élever un enfant seule ce n'est pas...

-Je ne serai pas seule maman. L'interrompis-je sans pour autant en dire plus.

Je l'embrassai et lui murmurai à l'oreille qu'elle allait avoir un petit fils. Ses yeux baignées de larmes s'illuminèrent alors, me donnant un peu de baume au coeur. Après avoir embrassé ses deux autres enfants, elle s'en alla rapidement, nous laissant ainsi le soin de discuter. Alors je leur racontai tout. Tout depuis le début, mes doutes, mes craintes, mon choix, Eric....La journée avait été épuisante. Je sentais la tension redescendre doucement. Je me levai afin d'aller chercher une carafe d'eau dans la cuisine. Mon cœur continuait de tambouriner dans ma poitrine. Il me faisait mal, me brûlant les entrailles. Ma vision se troubla tandis que mon corps s'alourdissait. Mes jambes étaient comme du coton. J'avais l'impression de voler....



*



J'entendis un murmure qui s'intensifia au fur et à mesure que je reprenais conscience.

-Elle a fait une belle chute de tension et une forte tachycardie. Il lui faut du repos mais ne vous en faites pas, cela peut arriver durant une grossesse.

-Merci Docteur, on a vraiment eu peur.

La porte d'entrée claqua une fois de plus. Je me relevai péniblement, m'étonnant que ce médecin ne soit pas resté jusqu'à mon réveil.

-Coucou toi. Comment te sens-tu? Me demanda ma sœur en s'asseyant à mes pieds.

-Tu nous as fais une de ces peurs. Enchaîna Louis en s'installant à côté Sophie.

-Ca va, ça va...Leur répondis-je d'une voix rauque.

Après m'avoir expliqué ce que j'avais déjà entendu, mon frère entreprit de me changer les idées...Et quoi de mieux pour ça que de nous parler de ces plans cul homosexuels...Du moins, des derniers en dates car d'après ce que le jeune homme disait, il avait récemment fait une rencontre qui pourrait lui aussi le stabiliser. Je profitai alors de ces confidences entres frère et sœurs pour leur parler d'Eric. Au bout de plusieurs heures, Sophie s'en alla. Elle avait des impératifs l'empêchant de rester plus longtemps, mais ils se mirent d'accord avec Louis pour qu'il reste à veiller sur moi cette nuit.

Dans mon lit, je songeai alors aux derniers événements, me repassant en boucle les paroles de mon père. Mon portable clignota et je remarquais avoir reçu deux messages. Alice et Eric me demandaient comment la confrontation s'était passée. Je ne me sentais pas capable de leur faire un débriefing ce soir et décidai donc d'attendre de les voir en face. Je restai alors un long moment allongée à regarder le plafond. Je n'étais vraiment pas fière de moi. A moi seule, j'avais réussi à briser une famille...ma famille.

9 mois |Terminé|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant