6ème mois - Partie 3

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« In the dark
And I'm right on the middle mark
I'm just in the tier of everything that rides below
The surface... »

Dans l'obscurité
Je suis juste au milieu
Je suis au niveau de tout ce qui passe sous
La surface

Ce n'était peut-être pas tout à fait ce que je ressentais, mais ça s'en approchait pas mal. J'avais l'impression de couler depuis l'altercation avec mon père une semaine plus tôt. Eric et Alice faisaient tout pour me remonter le moral et me changer les idées, mais parfois, seule la solitude peut nous aider à faire le point.

Couchée dans mon lit, casque sur les oreilles, je contemplais le plafond en chantant tout ce que je pouvais, ruinant mes cordes vocales sur Dream d'Imagine Dragon., faisant sortir ce que je taisais depuis des mois maintenant. Mes mains parcourant mon ventre maintenant bien arrondi, je me demandai ce que j'allais faire. Je n'avais plus parlé à mon père depuis notre confrontation, et je ne comptais pas lui reparler un jour. Ma mère avait essayé de le raisonner en vain. Ils s'étaient alors disputés et, ne supportant plus la façon dont mon père dénigrait leurs enfants, elle avait prit la décision de le quitter. Cette décision nous avait tous surpris. On savait que notre mère cachait en elle un caractère fort, nous en avions souvent fait les frais, enfants, quand on n'obéissaient pas, mais jamais on ne l'avait vu se confronter à son mari.

Quand on lui a fait part de notre étonnement, cette dernière avait éclaté de rire, nous faisant remarquer qu'on ne connaissait d'elle que ce qu'elle voulait bien nous montrer. Ainsi, on apprit qu'au départ, c'était son caractère fort qui avait attiré leur père, qu'il ne se passait pas un jour sans qu'ils se disputent pour un oui ou pour un non, que le fait d'être avec une personne sachant tenir tête à l'autre avait été un des pilier de leur couple. Mais que tout avait changé quand elle était tombée enceinte. Le stress de leurs disputes avaient eu des incidences sur Sophie qui avait plusieurs fois failli naître prématurément, et à un degré plus terrible, ne pas naître du tout. Ma mère avait commencé à avoir des contractions dés le début du deuxième trimestre. Ainsi, afin de préserver leur unique enfant à l'époque, elle avait commencé à prendre sur elle et à accepter les réprimandes de son mari.

Après la naissance de Sophie, le caractère de ma mère n'avait fait que s'effacer. Elle avait d'abord tentée de s'affirmer de nouveaux, mais les disputes rendaient leur fille anxieuse, et elle se mettait à hurler dés que nos parents levaient le ton. Quand je suis née, mon père avait été déçu de ne pas avoir de garçon, et c'est pour cela qu'ils avaient réessayer. A la naissance de Louis, leur quotidien s'est alors grandement améliorer. Ma mère nous a alors expliqué qu'il était devenu soudainement très zen, un mari et un père aimant malgré son éducation à la dure. Il voulait le meilleur pour ses enfants, tout simplement. Mais l'annonce de l'homosexualité de Louis à ses treize ans avait été un gros coup pour notre paternel qui voyait déjà s'éteindre son nom. Et plus les années passaient, plus il devenait odieux envers nous. Elle nous remémora alors les fois où nos notes n'étaient pas assez élevés pour lui, ou que le sport que l'on choisissait n'était pas assez gratifiant à son sens. Elle nous dévoila également que, souvent, il lui reprochait d'avoir été trop laxiste envers nous. Qu'elle aurait dus serrer les vis plutôt que de nous féliciter pour des travaux qu'il jugeait à peine passable, ou des tâches qui, selon lui, n'étaient que du bon sens et ce peu importe l'âge. Le reste d'amour qu'elle pouvait alors éprouver s'était amenuisé d'année en année. Et quand on avait tous quitté la maison, qu'ils s'étaient retrouvés seuls à devoir trouver d'autres occupations que nous élever, elle avait compris qu'elle ne l'aimait plus déjà depuis bien longtemps.

Et la réaction de notre père face à l'annonce de ma grossesse avait été la goutte d'eau faisant déborder le vase. Ma mère avait alors demandé le divorce et était partie vivre chez Louis. Elle y avait rencontré Maxence, le nouveau copain de notre frère. Et d'après ce qu'elle avait pu voir, bien que Louis n'en ait rien dit, c'était du sérieux entre eux. J'étais contente pour mon frère, et j'espérais que leur relation allait durer.

Je fus arrachée à mes souvenirs par l'insistance de la sonnette de mon appartement. Une femme d'une soixantaine d'années, les cheveux grisonnant, les traits tirés se trouvait face à moi.

-Bonjour madame Belune. Que se passe-t-il?

Je la fis entrer tandis que l'appréhension commençait à me gagner. Les visites de la propriétaire étaient rares, et ces dernières n'auguraient jamais rien de bon. Je vis dans son regard une pointe d'hésitation tandis que ce dernier jonglait entre mon visage et mon ventre. Je la laissai entrer tandis qu'elle se tordait les mains, me rendant de plus en plus anxieuse.

-Ecoutez mademoiselle Grégoire. Je...C'est assez délicat. Voilà, je n'ai pas une grande retraite et les loyers couvrent à peine mes frais. Vous êtes une locataire très sympathique mais....

Je restais silencieuse. Je savais ce qu'elle allait m'annoncer. Sa façon de se tenir, la façon de tourner autour du pot. Elle n'était évidemment pas là pour flatter mon égo ni pour nouer une quelconque amitié. Il n'y avait donc qu'une raison à sa venue.

-Le loyer n'a pas été versé ce mois-ci et...j'ai évidemment appelé votre garant afin qu'il se charge de réguler votre situation. Mais...

Mon coeur s'accéléra tandis que je comprenais où elle voulait en venir. Ce n'était pas la première fois que j'avais du retard dans mes paiements et madame Belune avait pris l'habitude de directement voir avec mon père afin de débloquer la situation. Mais ce dernier m'ayant coupé les vivres depuis peu, je n'avais pas besoin que l'on me fasse un dessin pour comprendre.

-Je suis désolée. Mais je ne peux me permettre de perdre plus d'argent. Un couple est en attente de logement et ils seraient prêts à emménager la semaine prochaine...

-Attendez, la coupai-je, effarée, vous êtes en train de me dire que je n'ai qu'une semaine de préavis avant de devoir quitter les lieux, c'est bien ça?

-Hé bien, compte tenu de votre situation, je peux éventuellement vous prêter un local durant quelques jours, le temps que vous trouviez un nouveau logement, mais comprenez-moi mademoiselle, je ne peux me permettre...

-Je sais, j'ai compris. Merci pour cette...généreuse proposition mais je vais me débrouiller.

La colère montait en moi tandis que la vieille dame s'en alla. Je ne pouvais demander à Alice de m'héberger. Elle vivait dans un deux pièces avec Arnaud, et si je devais cohabiter avec lui, je suis persuadée qu'il y aurait un meurtre. La garçonnière de Louis n'était vraiment pas des plus alléchantes. Bien sur, m'héberger ne le dérangerait pas, mais je n'avais pas spécialement envie d'être témoin de ses activités lubriques. Depuis qu'il m'avait surpris au lit avec un de mes camarades de lycée il y a quelques années, il m'avait prévenu. Puisque j'étais désormais capable de comprendre les plaisirs charnels, il ne se cacherait plus pour bécoter ses partenaires devant moi. Ainsi, le jeune homme avait commencé à me parler de ses histoires frivoles, et à l'entendre, il attendait le moment propice pour me rendre la pareille. Non merci.Quand à Sophie, je préférais éviter tout simplement. J'aimais beaucoup ma sœur. A petite dose. Mais rien que l'idée de l'avoir sur le dos vingt-quatre heures sur vingt-quatre m'épuisait.

Je réfléchissais tandis que je faisais défiler ma liste de contact. Le numéro d'Eric apparut alors et je me mordis la lèvre, hésitante. On sortait ensemble depuis un tout petit mois. C'était bien trop tôt pour décider d'emménager ensemble. C'était une étape importante, un engagement qui disait explicitement au monde entier qu'entre les deux personnes, la relation était sérieuse. Nous nous donnions certes une chance, mais est-ce que cela signifiait-il vraiment que notre histoire était sérieuse?

Je n'avais de toute façon pas beaucoup d'option. J'appuyai alors sur le bouton afin de lancer l'appel. Une part de moi espérais qu'Eric accepterait tandis que l'autre priait pour qu'il ne décroche pas. Au bout de quelques sonneries, sa douce voix se fit entendre. Je pris une bonne inspiration avant de me lancer, une nouvelle fois sans aucune bouée à laquelle me raccrocher.

-Allo, Eric, c'est Marion...

9 mois |Terminé|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant