Chapitre 11

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Je reprends mon récit.

-C'est mon père qui m'a présenté Patrick. Tu devrais voir, il l'adore. Il le considère comme son propre fils. Alors tu penses bien qu'il serait encore plus heureux de le voir entrer officiellement dans la famille.

-En tant que gendre.

-Oui. Mais ça ne risque pas d'arriver.

-Tu ne veux pas te marier?

-Non ce n'est pas ça.

-Tu ne l'aimes pas ?

Il est direct. C'est une des qualités que j'aime chez lui, il ne passe pas par quatre chemins.

-Si je l'ai aimé un jour, je ne l'aime plus aujourd'hui. Je sais que ça peut paraitre étrange mais il y a encore un an de ça, je ne croyais plus en l'amour. J'ai un tempérament solitaire mais ça ne m'empêche pas de me sentir seule. Peut-être que j'avais besoin de quelqu'un pour combler le vide. Au début, Patrick était très gentil, je ne voyais que son côté positif. Il m'invitait au restaurant, m'envoyait des fleurs, en somme il me faisait ouvertement la cour. Le courant passait bien, alors j'ai laissé faire. Au moment où je l'ai rencontré mon travail ne me plaisait plus, j'en avais marre de travailler pour de grands groupes et j'envisageais de travailler dans le secteur public. Mon désir de démissionner a coïncidé avec le début des ambitions de Patrick pour la présidentielle. Un jour où je lui ai dit que je cherchais un autre job, il m'a demandé de venir travailler avec lui, ou plutôt pour lui. Avec l'insistance de mon père, qui avait été mis au courant par Patrick, j'ai accepté. Dans le même temps ma relation avec Patrick avait évolué vers quelque chose de plus...romantique. Sauf que ça n'avait rien de romantique. D'abord parce que mon père se mêlait sans cesse de notre couple. Parfois nous dinions à trois. Je détestais ces diners, parce que j'avais toujours l'impression qu'on jouait à deux contre un, en l'occurrence eux contre moi. Ensuite parce que j'avais le sentiment que notre relation de travail primait sur notre relation privée. J'avais vraiment l'impression d'avoir à faire à un patron, même quand nous n'étions que nous deux. Je devrais parler au présent parce que ces faits sont toujours d'actualité. Avec le temps, ses défauts me sont apparus un par un. C'en était fini de la période où il cherchait à me charmer. Peut-être que nous ne sommes tout simplement pas compatibles. Seulement il n'y a pas que ça, son comportement envers moi... j'ai tenté de m'éloigner mais...

-Mais quoi ?, insiste-t-il.

Dehors le ciel s'assombrit. L'ambiance, elle, devient de plus en plus pesante.

-Un soir j'ai voulu discuter de ça avec lui, de ce qui n'allait pas, et lui suggérer qu'on ralentisse. Il s'est complètement fermé, m'a dit que je déformais la réalité. Le lendemain de notre dispute, il a fait comme si de rien n'était. Notre relation ne s'améliorant pas, j'ai pris la décision de le quitter. Je ne comprenais pas pourquoi lui ne m'avait pas déjà laissé tomber. Au fond je n'avais pas l'impression que je comptais à ses yeux. C'est en parlant avec mon père que je me suis fait une idée de la raison pour laquelle il tenait tant à ce que je reste à ses côtés. J'ai téléphoné à mon père et je lui ai dit que je voulais quitter Patrick, que notre histoire ne menait nulle part, que je ne le supportais plus. Je ne sais pas pourquoi j'ai parlé de mon ressenti à mon père, ma vie sentimentale est bien le dernier des sujets que j'aborde avec lui. Sans doute parce qu'il est impliqué d'une certaine façon, peut-être aussi parce que j'espérais intérieurement qu'il serait de mon côté. Sauf que dans cette ascension politique, mon père considère Patrick comme son poulain et inversement mon père est comme un mentor pour Patrick. Ils sont du même parti après tout, ils se soutiennent mutuellement. Tu sais ce que mon père m'a répondu ?

Une deuxième chanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant