Guinée 2005
Réveillée par les chants persistants des coqs du village de Saliba, Assy se leva avec beaucoup de peine.
Elle toussota et cracha sur le petit pot déposé prés du lit avant d'ouvrir la porte de la chambrette qu'elle occupait depuis qu'elle avait rejoint Louncény, son époux.
Enceinte jusqu'aux oreilles, elle avait les pieds enflés et son ventre était assez énorme. La jeune femme avait pris beaucoup de poids et elle ne pouvait se mouvoir sans gémir. Ses coépouses la taquinaient très souvent.
- J'espère que ce bébé sera un garçon, disait Arwa la première épouse de Louncény le féticheur.
Assiétou ne répondait pas mais souriait en pensant à la venue de cet enfant qu'elle aimait de toutes ses forces.
Elle a su garder son secret ; elle n'en a même pas parlé à Ousmane. Elle n'avait pas eu le temps de lui dire qu'elle portait son enfant.
Le mariage a été célébré dans une grande effervescence. Tous les amis, parents de la famille d'Alpha Barry (père d'Assy) étaient conviés. Louncény immola plusieurs bêtes de son troupeau de bœufs et de moutons. Worokia, la maman d'Assiétou, en épouse dévoué à son homme respecta tous les us et coutumes. Elle honora sa belle-famille qu'elle couvrit de cadeaux très chers. C'est certain qu'elle a du dépenser la totalité de ses économies pour satisfaire la famille Barry et leurs amis.
Les griots, les bucherons et les forgerons, tous amis de longue date du père de la mariée, étaient venus féliciter mais surtout prendre leur part (des cadeaux). Une fois servis et comblés, ils déclamaient les plus belles notes de poésie et les plus belles chansons qu'on avait jamais entendues.
Worokia telle une reine, était richement vêtue d'une camisole indigo et portait un foulard savamment noués autour de la tête. Elle avait sorti ses beaux bijoux en or de Sabadola. Elle avait les mains et les pieds joliment décorés avec un tatouage à base de henné.
Alpha Ousseynou Barry, père d'Assy et époux de Worokia était au centre de toutes les attentions. Il s'était installé au milieu de la cours de son immense domicile. Cette dernière était composée de plusieurs concessions.
Alpha en véritable guinéen, avait fait servir aux invités du lait caillé concocté par ses femmes et ses employés.
Assis sur une natte entouré des ses proches, il secouait la tête de bas en haut, en écoutant religieusement Dialy Fama, son griot personnel, chanté ses louanges et celles de ses aïeux.
Djaly Fama disait : « Ah, Barry fils de Oumarou, Oumarou Barry, fils de Mabineta, Mabineta fille de Ngoré Dia, Ngoré le vaillant guérrier de Cheikou Amadou ».
« Cheik Ahmadou avait donné une canne en or à ton ancêtre. Nous connaissons tous l'histoire de cette fameuse canne. La canne en or de ton aïeul était aussi dangereuse que n'importe quel fusil des occidentaux. Hé Alpha, tu es un digne fils de Bambara et de Poular. Chers invités, regardez cette belle demeure, regardez ces belles femmes, regardez tout ce que notre hôte nous a servis. Ah, Barry je suis content, je suis aux anges ».
L'assistance applaudit et chacun voulut être le premier à récompenser le griot. Worokia donna une liasse de billet de banque à Soda, sa griotte attitrée.
Celle-ci, se dandina jusqu'au milieu de l'assemblée et leva la main en brandissant fièrement l'argent et dit :
-Oh Worokia, digne épouse de notre ami Alpha, tu ne nous as jamais fait honte. Worokia tu es une véritable princesse du mandingue. Ton mari t'as honorée devant la terre entière et tu veux lui rendre la pareille.
-Djaly Fama, dit la griotte.
-Ma sœur Soda, je suis ici, répondit Djaly.
-Djaly Fama, tu as honoré Alpha, l'époux et le père exemplaire. Aujourd'hui, c'est Worokia qui te couvre de ces billets de banque.
-Oh ma sœur, ce n'est ni la première, ni la dernière fois que Dame Worokia agit de la sorte. Elle est coutumière de faits. Elle est notre reine ici. Une femme aussi dévouée ne peut avoir que du bien dans son foyer. Worokia, Worokia, Worokia !!! Je t'ai appelé 3 fois ! Dame de fer, reine de la famille Barry, ne craint rien nous tes griots sommes tes talismans, nous sommes tes gris-gris. Que les jaloux et les envieux se tiennent bien car rien de mauvais ne peux t'arriver.
La maison des Barry était pleine à craquer. Tout le monde voulait assister à cette fête et être le témoin de ce qui se s'y passait. Une seule personne voulait être loin de tout ce brouhaha, de cette ripaille. Cette personne n'était personne d'autre qu'Assiétou, la mariée.
Dans sa chambre de jeune fille, elle était couchée sur son petit et semblait perdue dans ses pensées. Aucune larme ne coulait sur ses joues, aucun signe de colère ne se dessinait sur son beau visage. Elle portait une magnifique robe en bazin blanc avec un foulard de la même couleur. Sa mère lui avait remis les bijoux qu'elle portait le jour de son mariage avec le père d'Assy. Assy était belle comme le jour mais triste comme le crépuscule.
En effet, son esprit était à un millier de kilomètres de cette fête organisée en son honneur. La jeune femme pensait à son Ousmane Demba, son amour. Ousmane le père de ce petit être, qui de jour en jour, se développait dans son ventre.
« Où est-il ? », « que fait-il ? », « pense-t-il à moi ? » se demandait Assy.
Depuis leur dernière conversation téléphonique, Assy n'avait plus de nouvelles de son amoureux. Et ce dernier lui avait semblait très froid lorsqu'elle lui a annoncé son mariage avec le féticheur. Ousmane lui avait dit qu'il « ne voulait pas être une source de discorde » entre Assy et ses parents. Il avait aussi fait savoir à Assy qu'il n'avait pas beaucoup de temps.
« Assy, il faut essayer de parler avec tes parents. Ils pourront t'édifier et certainement t'expliquer pourquoi ils ont pris cette décision. Maintenant, je dois raccrocher. Tu sais, ma mère est souffrante et je dois rester à ses côtés. Bye ! Je t'aime »
Assy ne savait plus sur quel pied danser, elle ne savait pas si Ousmane disait la vérité à propos de l'état de santé sa mère. Elle ne savait plus si Ousmane tenait réellement à elle.
A 17 heures passées de quelques minutes, Assy entendit les hommes revenir de la mosquée et féliciter Worokia.
C'est à ce moment que son père fit irruption dans la chambre pour lui annoncer la nouvelle.
-Ça y est ! Assiétou, ma fille, te voila devenue la femme de Louncény. Tu rejoindras le domicile de ton époux cette nuit.
(A suivre)
J'espère que cette partie vous a plu. Si oui, laissez quelques commentaires ! Bisous.
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Celle Que Personne N'aimait
General FictionKen est aujourd'hui une épouse et mère épanouie. Mais, sa vie était loin d'être simple il y a 10 ans. Elle venait de sortir son premier roman et avait fait la rencontre de la sulfureuse Fari et du jour au lendemain sa vie avait complètement changé...