Ken Bougoul _Signification du nom

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  L'une des réticences à nommer trop tôt un nouveau-né dans les sociétés traditionnelles relève de l'incertitude relative à l'identité de l'enfant

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  L'une des réticences à nommer trop tôt un nouveau-né dans les sociétés traditionnelles relève de l'incertitude relative à l'identité de l'enfant. Une autre raison en est les dangers que comporte la divulgation du (ou des) vrai(s) nom(s) d'une personne : leur connaissance permet d'agir sur cette personne par le biais de la magie ou de la sorcellerie. Aujourd'hui encore, dans les villes du Sénégal, on apprend aux enfants à ne pas appeler quelqu'un par son nom en pleine nuit, ce qui le rendrait vulnérable. Cette discrétion relative au nom est du même ordre que le silence, voire le secret, qui entoure un certain nombre de situations lors desquelles l'individu est particulièrement fragilisé. C'est le cas de la femme enceinte, du nouvel initié, ou encore du nouveau-né, les quels figurent parmi les cibles privilégiées des personnes dites « mauvaises » (sorciers, gens qui ont pactisé avec de mauvais génies...). L'énonciation du nom est aussi nécessaire dans les cas d'« attaques » d'une victime que lors des rituels thérapeutiques ou sacrificiels qui visent à rétablir la paix et la santé d'un individu. 

Elle est tout aussi indispensable lorsqu'il s'agit d'identifier les génies ou les esprits responsables d'une maladie. C'est ainsi que, dans tous les rituels de possession, le premier acte consiste à trouver et à nommer la puissance qui habite ou, selon la métaphore courante en Afrique, « chevauche » le (ou la) possédé(e). J'évoquerai enfin quelques procédés onomastiques précisément destinés à prévenir toute manipulation du nom à des fins qui se révèlent souvent fatales. Le plus connu de ces procédés, et le plus frappant, est celui qui concerne les enfants nés après le décès consécutif de plusieurs de leurs frères ou sœurs aînés. Une femme perd successivement deux, trois, quatre enfants en bas âge – situation malheureusement assez banale dans les sociétés rurales africaines. Lorsque, après cette douloureuse série, naît un autre enfant, on lui attribue un nom de dérision, afin de détourner le mauvais sort, en affectant un détachement absolu à l'égard de ce rejeton réduit symboliquement à l'état de chose. Citons par exemple chez les Mossi, Sagdo : « ordures », « balayures » ; Kügba : « cailloux » ; Laga : « écuelle en terre cuite » ; Kayure : « sans nom » (!) ; Bodgo : « trou », « tombe » ; Kida : « il va mourir» ; Kumyamba : « le captif de la mort »... Ou encore, chez les Mina du Bénin, Egbala : « il mourra encore » ; Jinaku : « né pour la mort » ; Kulek : « la mort colle à la peau » ; Kunevi : « chose morte »... Chez les Joola, on rencontre de même des enfants nommés Holobahan : « on a déjà enterré » ; Buredidyal : « c'est la troisième fois qu'il revient » ; Ekaane : « on n'en peut plus » ; Kakendo : « en attendant (on l'élève) » ; Kaeum : « moitié » ; Ukop : « recoin de fromager » (décharge) ; Karafa : « bouteille », etc.

Chez les Wolof du nord du Sénégal, ce sont les célèbres Ken Bugul (prononcé "Kène Bougoul") : « personne n'en veut » ( Celle_Que_Personne_N_Aime) ; Amul Yakar : « sans espoir » ; Sagar : « chiffon » ; Yegul Ngone : « il n'arrivera pas jusqu'au soir » ; Bafa : « laisse là »... Ces prénoms assortis ou non du patronyme ordinaire, les enfants en question les porteront toute leur vie.

La suite de votre fiction sera bientôt disponible. Merci pour le soutien infaillible !

Rokhaya 

Celle Que Personne N'aimaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant