La semaine a été difficile. Garder mes angoisses pour moi n'a jamais fait partie de mes aptitudes. Si Ludovic lit si bien en moi c'est parce que je n'ai jamais appris à camoufler mes émotions, mais plutôt à les exprimer. Chez moi, retenir ses larmes n'était pas une preuve de virilité et j'ai été encouragé à communiquer. Autant dire que garder en moi un secret aussi important et inquiétant que le Zéphyr est une torture constante. Surtout avec la pression de monter de grade la semaine prochaine... Même prendre ma pause-café le matin avec mes collègues devient un véritable calvaire ! Ils sont tellement insouciants, inconscients, ignorants. Je pourrais trahir Chevalier et son équipe. Ce n'est pas son accueil froid qui m'en a réellement dissuadé. Cependant, je commence à croire en cette cause et, même si je n'approuve pas les méthodes de son leader, je ne souhaite pas la mettre en péril. D'autant plus que, depuis dimanche, ma propre sécurité dépend aussi de ma confidentialité. Il ne vaut mieux pas commettre de bévue. Croiser Haddock lors de réunions, dans le hall ou dans son bureau ne me facilite pas la tâche. Il a beau rester très professionnel et ne rien laisser transparaître, je ne peux m'empêcher de le voir d'un autre oeil. Vu le nombre de regards que je lui jette à la minute quand il me parle en compagnie de mes collègues lieutenants, ils vont finir par croire que le vieil homme m'attire... Ce qui serait assez malsain.
Pour ne rien arranger, j'ai reçu un appel de ma mère qui m'invitait avec enthousiasme à passer le dimanche à la maison. Refuser n'a pas été très dur car je n'ai pas du tout envie de me retrouver face à celle qui me connaît le mieux au monde sans pouvoir lui confier mes craintes. J'ai aussi pu éviter de lui faire face dans une semaine puisqu'il s'agit de mon week-end jeu de rôle. Cependant, le déjeuner a été repoussé à la semaine d'après et je sais que je n'y échapperai pas.
Enfin... Mon traitement pour lequel je me suis réapprovisionné à la pharmacie, ma course régulière en revenant du travail et la reprise de la méditation m'ont permis de tenir jusqu'à aujourd'hui, samedi soir. Le week-end étant enfin arrivé, je peux passer ma soirée couché sous ma couette entouré de mes boules de poils préférées à lire du fantastique dans une ambiance de Metallica et de ronronnements félins. Un long moment de détente qui me permet de m'endormir serein en oubliant temporairement ce qui m'attend demain.
Pour une fois, je suis réveillé avant Brahms et c'est avec plaisir que je me lève pour prendre mon café. Je redescends cependant de mon petit nuage en découvrant une flaque d'eau sur le carrelage clair de ma cuisine, juste sous la fenêtre grande ouverte. Évidemment... À force de la laisser béante pour les chats, il fallait que cela arrive un jour. Inquiet à l'idée que mes matous aient passé la nuit sous l'averse, je sors le paquet de croquettes pour les appâter avant même de réparer les dégâts. Je suis finalement soulagé de les voir apparaître de la porte menant au salon. Ils avaient dû s'y réfugier et ne pas bouger en me voyant passer, trop paresseux. Les félins nourris, reste le sol à sécher. Je n'ai plus qu'à me rendre dans la salle de bain en quête d'une serpillère. Je passe dix minutes accroupi pendant lesquelles je m'évertue à éponger l'eau de pluie et à essorer mon bout de tissu déjà pas mal rapiécé au-dessus de l'évier, le tout en essuyant les appareils ayant reçu quelques gouttes. Finalement, je peux enfin faire fonctionner ma cafetière sans risque d'électrocution ! Ma journée commençait bien pourtant... Une fois l'élixir avalé et la douche bouillante prise, je suis prêt à partir. Je me demande ce que je vais devoir faire aujourd'hui et cette part d'inconnu m'inquiète. Je déteste les imprévus.
Au moins aujourd'hui, le bus m'emmène jusqu'à l'arrêt le plus proche et je n'ai qu'à dépasser trois immenses serres de litchis et de bambous pour arriver devant la grange, légèrement en retard. Non, je ne pouvais pas être en avance deux fois, cela aurait sûrement créé un paradoxe spatio-temporel terrible... Mieux vaut garder les bonnes habitudes, c'est plus sûr. Par contre, une fois seul devant la grande porte, je me rends compte que je n'ai pas de pass ! Timidement, je frappe donc contre la tôle résonnante. Pourtant, et cela était prévisible, personne ne m'ouvre. Il faut dire que s'ils sont au sous-sol, ils ne risquent pas de m'entendre ! Je donne des coups plus puissants et réguliers mais mes mains deviennent douloureuses avant que mon acharnement ne porte ses fruits. En désespoir de cause, je décide d'attendre dehors en espérant que l'un des membres soit plus en retard que moi. L'attente est longue et me laisse tout le loisir de penser à ma promotion imminente et d'appréhender cette étape fatidique dans ma carrière.
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Genève 8 [TERMINÉ]
Science FictionDans ce monde, la guerre n'existe plus ! Cinquante ans après nous, en 2070, les armes à feu ont été définitivement bannies de la planète. Une bonne nouvelle pour l'humanité qui a enfin décidé d'arrêter de s'entretuer ! Maintenant, tout se joue par o...