Chapitre 33 - Ultime mission

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La nuit recouvre la ville comme un voile que percent les étoiles. Les lampadaires à économie d'énergie répandent une lumière blafarde qui peine à éclairer les rues étouffantes de pollution. Dans mon costume, un cartable de cuir à la main, je me faufile comme un voleur dans les zones d'ombres, la main sur le métal froid de mon arme. Mon maquillage me gratte mais je me retiens de ruiner le travail d'Océane.

A l'approche de l'Hexagone Balard, les réverbères sont plus puissants, comme pour souligner la prestance du lieu et de ses multiples facettes. J'avance vers le centre névralgique, où se regroupent tous les chefs d'état-major. L'entrée n'est plus très loin quand un garde entre dans mon champ de vision. Inspirant profondément, je me concentre sur ma démarche de gradé.
« Hey ! Vous ! »
J'hésite à m'arrêter mais je suis visiblement seul dans la rue. Ça ne peut être que moi. Je m'approche donc de l'homme qui m'a interpelé.
« Colonel Lepine. »
Je tends ma carte falsifiée pour appuyer mes propos car je doute que ma voix de vieillard enrhumé suffise à le convaincre. Un coup d'œil à la photo, un autre à ma perruque.
« C'est bon. Vous pouvez circuler. »
Je le remercie d'un hochement de tête et continue mon chemin d'une démarche un peu tendue. On mettra cette raideur sur le compte de l'arthrose !

J'arrive devant l'immense entrée de l'Hexagone. La porte est enchâssée dans un mur d'au moins dix mètres de haut. Un grand « Ministère de la Défense » est inscrit en capitales et surmonté d'un drapeau français. Le gigantisme de l'endroit en est presqu'écrasant. Jugeant que rester planté devant ce chef-d'œuvre d'architecture serait suspect, je me concentre de nouveau sur mon objectif. Deux gardes sont postés de part et d'autre des portes coulissantes. Je réitère mon petit numéro et ils me laissent entrer. C'en est presque trop facile. Le moment est venu d'enclencher la deuxième phase de l'opération.

« Je suis à l'intérieur.
Ok. »

La réponse d'Haddock dans mon talkie ne tarde pas et je souris à l'idée de ce qui va bientôt se passer. En attendant le signal, je continue de marque d'un pas tranquille vers la porte de la Zone. J'ai tellement étudié le terrain que je n'ai même pas besoin des panneaux pour m'y repérer. Au détour d'un couloir, une silhouette se dessine. Un homme frêle qui s'avance vers moi avec enthousiasme. Je sens l'angoisse monter quand la première détonation résonne.

Eugène vient de faire exploser sa première bombe et elle est bientôt suivie par des dizaines d'autres. Je me fige, comme tout le monde, attendant les ordres. Ceux-ci arrivent bien vite, accompagnés d'une alarme stridente.
« Tous les gardes qui ne sont pas à un poste de niveau 4 sont attendus à l'extérieur du bâtiment. Je répète, tous les gardes... »

Je ne prends pas la peine d'attendre la fin de l'annonce microphonique pour m'élancer vers ma cible. Les couloirs se remplissent d'hommes et de femmes aux dents serrées par l'angoisse et dans le brouhaha, personne ne remarque le petit grand-père qui court à contre-sens.

Plus je m'approche de la Zone, plus le silence reprend ses droits. Le bruit des pas précipités se sont tus et je me retrouve bientôt seul. Ce n'est que quand je vois mon objectif qu'une ombre se dessine au sol. Ecrasée par la lumière jaune et artificielle, elle est pourtant la preuve que la porte est toujours gardée. Je le savais. Sans laisser de pensées envahir mon esprit, je sors mon arme, lève son canon et tire. Quatre fois. Pour être sûr. Le doigt toujours sur la détente et le cœur battant au rythme effréné de mes tirs, je vois les muscles de l'homme se relâcher. Il s'effondre au sol sans un bruit, ou peut-être est-ce le bruit des balles qui m'a assourdi.
« La voix est libre. »
Ma voix est hachée et je ne prends pas le temps d'écouter une potentielle réponse. Mon temps est compté.

La porte est grise, comme le mur. Je la pousse sans problème pour arriver dans un sas. Le claquement derrière moi déclenche le système d'identification.
« Bienvenue dans la Zone Très Secret Défense n°4, veuillez choisir votre profil. »

Genève 8 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant