Chapitre 10 - Un peu de détente dans ce monde d'angoisse

24 3 4
                                    

Finalement, la semaine s'est mieux passée que le premier jour. Le lieutenant Teleios, alias M.Je-suis-parfait-mais-pas-toi, est resté discret et nous nous sommes cordialement évités. Quant aux lieutenants mutés chez nous, ils sont plutôt sympathiques et si nous ne sommes pas encore de grands amis, aucune animosité ne s'est développée pour l'instant. Pour ce qui est de mes nouvelles troupes, je les gère en accord avec le reste de ma cavalerie et nous sommes encore plus efficaces qu'avant. Il faut dire que ce n'était pas vraiment cette petite surcharge de travail qui m'inquiétait, j'ai été formé pour cela, mais plutôt la nouveauté qu'elle impliquait.

Je n'ai cependant pas cessé de penser à ces androïdes, ces quasi-créatures qui hantent toujours mes pires cauchemars, sous des formes variées des plus rutilantes aux plus rouillées. Je ne sais pas si c'est un excès de propagande qui transforme ces machines en véritables démons mais mon esprit me surprend chaque nuit par de nouvelles images mêlant robots et zombies ou mettant en scène des armées gigantesques de cavaliers téléguidés.

Enfin, je suis bien content d'être dimanche et de retrouver mes amis rôlistes ! Justement, alors que je mets la cafetière et la bouilloire en marche, la sonnette résonne et j'ouvre au grand et nonchalant Hugo, toujours le premier arrivé. Il m'accompagne dans la cuisine et pendant que je sors le sachet de croquettes, je souris devant l'apparence paradoxale de mon ami d'enfance.
« Quelque chose te faire rire 'Naël la sauterelle ? me taquine celui-ci en voyant mon demi-sourire.
— Oh juste le contraste tout à fait cocasse de la tasse de thé façon aristocratie anglaise et de la tenue paramilitaire façon voyou bourrin !
— C'est toujours mieux que d'être un freluquet accro aux bonbons acidulés, me fait-il remarquer en riant. »
Avant que je n'ai pu répliquer, Océane et Martin se présentent à la porte. Voir la jeune vendéenne ici me déstabilise légèrement. Conserver le secret de ma double vie est déjà compliqué mais le fait qu'elles s'entremêlent ainsi ne m'aide pas. Sa simple présence me ramène dans les sous-sols et je dois prendre sur moi pour revenir à l'instant présent. Pourtant, les autres n'ont pas remarqué mon trouble et s'activent pour amener le petit déjeuner sur la table du salon.
« Maintenant que nous sommes tous réunis, je voulais vous dire que... J'ai été promu ! déclaré-je avec fierté.
— C'est génial ! s'enthousiasme Hugo. En plus le garage de Giverny va être mis en vente et je comptais justement vous annoncer que j'allais le reprendre ! Il va falloir qu'on fête ça ensemble.
— Félicitations à tous les deux ! nous acclament les deux membres de la famille Funeleau. »
Même si la vendéenne connaissait déjà mon nouveau grade, elle ne le montre pas et se joint à la liesse générale. Sa surprise feinte me sauve un peu : je ne veux pas avoir à camoufler le Zéphyr par des rendez-vous avec Océane. Cela nous mettrait tous les deux mal à l'aise. L'atmosphère étant à la fête, je propose de nous mettre à jouer et d'ouvrir une bouteille de champagne ce soir pour célébrer ces bonnes nouvelles. Evidemment, mes acolytes acceptent avec joie.

Océane enchaîne ensuite en m'interrogeant sur ce que j'ai prévu pour aujourd'hui. A vrai dire, je ne sais pas trop... Une chose au moins est sûre, j'aimerais éviter les organisations secrètes et, par-dessus tout, les armes à feu. Par contre, je n'ai rien préparé dans un autre genre et il va sûrement falloir que j'improvise. Je fais part de mes vœux à mes invités en tentant de paraître naturel mais si mon voisin n'y voit que du feu et que sa cousine approuve sans discuter puisqu'elle connaît mes raisons, mon vieil ami, lui, se rend bien compte que je suis tourmenté. Il me lance alors un regard interrogateur et inquiet, sans vraiment oser me demander plus de précision devant nos deux camarades que nous ne connaissons que depuis quelques mois.
« Ce n'est pas que je me suis désintéressé, avoué-je. C'est juste que je ne me sens pas trop à l'aise ce week-end avec les armes à feu. J'ai vu un film historique sur la Deuxième Guerre Mondiale hier soir, j'invente pour noyer le poisson. Je crois que ça m'a un peu plus chamboulé que je ne le pensais.
— Avec Charlemagne, tu en as toujours vu plus que nécessaire, déplore Hugo. Cela ne m'étonne pas que tu en fasses une overdose. C'est quasiment de la propagande à ce niveau là...
— Il a raison, confirme la jolie vendéenne pour me soutenir dans mon mensonge. Tu devrais peut-être arrêter d'en regarder.
— Et puis, il faut que tu relativises, me conseille Martin, avec sympathie. Ce n'est qu'un jeu, il ne faut pas que ça te fasse du mal. »
Je hoche la tête et fais mine d'être convaincu par leurs préconisations même si je sais bien que pour moi les armes ne seront pas qu'un jeu...
« Si tu veux, me propose le blondinet, je peux aller chercher mon scénar' de fantaisie qui doit traîner dans le tiroir de ma commode. Tu as peut-être été maître du jeu un peu longtemps, tu as le droit de te poser et de te défouler aussi ! »
J'acquiesce, réellement enthousiaste à l'idée de reprendre une place paisible de joueur, encore plus dans l'univers médiéval fantastique de mon voisin.

Genève 8 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant