A la fin de la semaine, je suis de retour dans le verger aérien de la villa, face à un Eliott exalté et pendu à mes lèvres :
« Julie Partseck était honnête. »
Et encore heureux complété-je pour moi-même, vu le dénouement de notre rencontre.
« Pour la sécurité, je veux bien le croire, m'accorde mon camarade, encore que les risques restent élevés. Par contre, son amnésie est plus que douteuse.
— Au contraire, c'est parfaitement cohérent. Elle a parlé d'un contrat, alors je l'ai cherché. Comme ce genre de données est rarement convoité, je l'ai facilement obtenu. Après vérification des contrats de ses collègues, on arrive à la même conclusion.
— Et ? »Ce n'est pas encore aujourd'hui que j'aurais des remerciements pour mon travail nocturne. Devant l'empressement de mon ami, je laisse tomber la partie hacking pour arriver à l'essentiel :
« Et elle a accepté de se faire implanter un dispositif cérébral pour le moins... Particulier ! Ils appellent ça un ABN, Réseau Cérébral Artificiel. L'explication est rapide mais je n'ose même pas imaginer comme ce bijou de technologie a été conçu !
» Pour faire simple, quand elle entre dans la Zone Très Secret Défense, une neurotoxine se répand dans son cerveau et empêche toute nouvelle connexion neuronale de s'établir. Un réseau artificiel, composé de câbles nanométriques, prend alors le relai en se déployant dans son crâne. Il relie les neurones et est capable de transporter les messages cérébraux. Les connexions ainsi formées sont gardées en mémoire, ce qui lui permet d'apprendre. Quand elle ressort, tous les câbles dendritiques se rétractent en une bille microscopique. Tous les souvenirs s'envolent. Avec les compétences. »
Un véritable bijou de technologie ! SI je l'avais découvert dans d'autres circonstances, j'aurais loué ses créateurs. Aujourd'hui, je les hais. Si Julie Partseck avait pu nous décrire la Zone, nous n'aurions peut-être pas eu à la tuer. Nous aurions pu laisser rayonner la vérité sans attendre. Sans avoir à se cacher d'un double meurtre.
Eliott interrompt mes réflexions par une question circonspecte :
« Mais... Elle a dû tout réapprendre dans la zone ? Parler, marcher ?
— Non, les anciennes connexions sont toujours présentent, seules celles qui sont créées là-bas sont sauvegardées dans l'ABN. Ce n'est en fait qu'un complément. Comme si tu apprenais des dates dans une salle mais que cette information t'était inaccessible n'importe où ailleurs.
— Donc tu penses qu'elle a dit la vérité sur ce point ? Ok. Mais pour entrer dans la Zone ? Si on l'écoute, on risque de se retrouver dans l'impasse, parce qu'elle nous aura bernés !
— Cette femme aurait tout fait pour ses enfants. En nous répondant, elle n'espérait pas uniquement sauver sa peau, auquel cas la loyauté aurait pu prendre le dessus. Non, là elle voulait protéger sa famille... Et son bébé. »
Ce dernier mot me fait mal et je vois que mon camarade tique aussi.
« Qu'elle nous donne ou non la bonne réponse, nous ne pouvions pas vérifier.
— Nous l'avons laissée penser que nous étions tout un groupe. Elle a alors cru à des représailles. Et puis, dans la panique, je ne pense pas qu'elle ait été aussi calculatrice. C'est un risque à prendre. »Songeur, Eliott cueille une figue et croque distraitement dedans. En l'attente de son verdict, je l'imite et plante mes dents dans le fruit. Les centaines de petites graines sucrées se répandent dans ma bouche mais je n'en ressens pas de satisfaction. Tout comme la caresse du soleil sur mon visage, cette sensation me laisse indifférent. Je ne pourrai plus vivre tant que la vérité n'aura pas éclaté au grand jour. Les preuves s'accumulent mais certaines ont été détruites et la plus importante de toutes, la clé de voûte, se trouve là-bas, dans cette Zone. Quand Eliott me répond, j'ai l'impression qu'il peut lire dans mes pensées :
« Ok. Allons voir les autres alors. Il n'y a pas de temps à perdre. »
D'un hochement de tête, j'approuve sa décision et jette le reste de ma figue pour le suivre au rez-de-chaussée. Une réunion s'impose.Alors qu'Eliott file vers la bibliothèque qui sert de salle de tir, je me dirige vers l'atelier improvisé. Un salon huppé du rez-de-chaussée a été vidé pour laisser place aux établis. Contournant les lourdes chaises qui encombrent le couloir, je retrouve ma compagne et son vieil acolyte. Océane s'avance et dépose un léger baiser sur mes lèvres.
« Réunion dans le bureau j'imagine ? me demande-t-elle, sans surprise. »
Je lui confirme, un peu tendu à l'idée de parler devant toute l'équipe. La jeune femme doit sentir mon trouble puisqu'elle me prend la main avec un doux sourire.
« Bon, les tourtereaux, on y va ? s'impatiente Eugène. Et ne t'inquiète pas gamin, ça va bien se passer. Avec l'autre jeunot surexcité, on vous suivrait jusqu'en enfer. »
Il accompagne ses encouragements d'un clin d'œil mais sa remarque ne fait que m'angoisser encore plus. Savoir que nos camarades reposent sur nous est bien trop lourd à porter.Dans le bureau, Romain et Haddock discutent déjà alors que le trio de tireurs se tient un peu en retrait, appuyés contre la baie vitrée. Après un dernier murmure, Océane va s'assoir dans mon fauteuil à roulettes. Eugène, quant à lui, se hisse avec difficulté sur un bureau non loin de notre capitaine. Nous voyons tous son visage balafré se crisper de douleur mais aucun n'ose intervenir, de peur de le vexer. Quand tout le monde est installé, Eliott me rejoint. Même si c'est moi qui parlerai, sa présence me rassure.
« Euh... Bonjour. »
Je ne sais pas commencer mon discours et mes bégaiements ne m'aident pas à me sentir plus à l'aise.
« Comme vous le savez déjà, notre mission de mercredi a été menée à bien sans trop de problèmes. Ceci dit, tuer une gradée a eu des conséquences... Disons gênantes. C'était prévisible mais c'était notre meilleure solution pour obtenir des renseignements et...
— Du coup, il faut agir maintenant, me coupe Eliott.
— C'est ça. »
Alors que j'explique de nouveau le fonctionnement de l'A.B.Network, je prends enfin confiance en moi.« Et donc maintenant il faut trouver le moyen de passer une reconnaissance faciale, un scan rétinien, une analyse d'empreinte digitale et un code ! résume Haddock.
— Voilà !
— Et, tu aurais le fichier des gradés habilités à entrer dans la zone ? demande Gaspard.
— Ça se trouve, affirmé-je.
— Dans ce cas, je peux t'arranger ça avec mon imprimante 3D ! Ça prend quelques heures mais c'est ultra précis. »
Le capitaine le félicite de son idée et les propositions vont bon train pour résoudre le reste de nos problèmes.Il est rapidement décidé qu'Océane ira acheter du maquillage et une perruque pour donner les traits d'un gradé à celui qui entrera dans la Zone. Sans qu'elle soit experte dans le domaine, il semblera moins suspect que ce soit une femme qui se charge de ce genre de courses.
Pour le code, le piratage est mon ami. Il est probable qu'il soit plus dur à cracker que pour les simples laboratoires mais je suis confiant. De toute façon, je ne peux pas le deviner et je suis prêt à parier qu'il n'en existe pas la moindre trace sur internet ou même les ordinateurs du gouvernement. Il doit être communiqué à l'oral ou sur papier.
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Genève 8 [TERMINÉ]
Fiksi IlmiahDans ce monde, la guerre n'existe plus ! Cinquante ans après nous, en 2070, les armes à feu ont été définitivement bannies de la planète. Une bonne nouvelle pour l'humanité qui a enfin décidé d'arrêter de s'entretuer ! Maintenant, tout se joue par o...