Genève 8 [TERMINÉ]

Chapitre 13 - Le feu vert !

Après ce dimanche des plus apaisants, j'ai vite été ramené sur Terre en jetant un œil à mon téléphone dès le lendemain matin. J'avais reçu un message tardif d'Océane qui m'indiquait que Romain avec capté une conversation téléphonique très importante entre les présidents de la France et du Canada et que nous étions tous convoqués le dimanche suivant. Le texte était écrit en abrégé et de nombreuses lettres avaient été ajoutées dans les mots, sûrement pour éviter d'attirer l'attention des analyseurs de mots clés utilisés sur les réseaux. Evidemment, cette réunion n'était pas obligatoire mais vivement recommandée et je savais que je devais y être. De toute façon, je n'avais rien d'important de prévu.

Me voilà donc aujourd'hui au milieu de l'équipe du Zéphyr au complet qui fait face à Haddock et Romain dans la salle informatique. Nous sommes un peu à l'étroit mais personne ne pipe mot et l'atmosphère est très solennelle.
« Bonjour moussaillons, nous salue le capitaine dans son éternel cosplay malgré le sérieux manifeste de la situation. De nouvelles informations ont été captées par notre ami Romain, notre génial Traîne-L'oreille, et je pense que c'est le signe que nous devons redevenir actifs. Je sais que notre première tentative a été un cuisant échec et je pense l'un de ceux qui en ont le plus souffert mais il est temps de nous relever et d'affronter le danger pour remplir notre mission. »
Sa voix est grave et profonde et je sens instinctivement que j'assiste à un tournant majeur de la vie de l'organisation. Puis, Haddock recule légèrement et laisse la parole à Romain pour qu'il nous délivre ces informations si précieuses :
« En bref, j'ai écouté dimanche dernier la conversation tenue le jeudi de la même semaine entre le ministre de la défense français monsieur Girard et son homologue canadienne madame Desjardins. Il était question de notre alliance contre les Alaskains. Si vous n'êtes pas au fait de ce conflit, sachez que la France aide le Canada depuis maintenant trois ans pour prendre le contrôle de ce territoire indépendant qui jouxte les terres canadiennes mais qui appartenait autrefois aux États-Unis. »
Jusque-là, je n'apprends rien de très nouveau. Étant militaire, je suis parfaitement au courant des divers conflits, tensions et alliances.
« En échange de notre soutien et dans son propre intérêt, le Canada a décidé d'envoyer quelques-uns de leurs plus grands chercheurs pour soutenir la recherche militaires française et améliorer la Monnaie, poursuit-il. De ce fait, un nouveau laboratoire va être créé dans les anciens bâtiments du campmilitaire de Canjuers. Rendu inutile par la nouvelle convention, ce camp a été réaménagé pour devenir un centre de la recherche médicale. L'un des nombreux hangars a été réservé à la recherche militaire mais n'était pas utilisé jusque-là.
— Et c'est là que nous intervenons, complète Chevalier avec assurance. Nous allons infiltrer ce nouveau laboratoire.
— Il devrait être fonctionnel dans deux semaines, ajoute le mathématicien. Il n'aura qu'à être aménagé selon les vœux de des canadiens. Ceux-ci devraient d'ailleurs arriver le lundi suivant ces travaux.
— Nous pourrons donc agir dans trois semaines, conclut notre supérieur. Le délai est un peu court mais il ne faut pas que nous traînions : nous avons déjà trop attendu. »

J'ai l'impression de percevoir dans le ton sombre de sa voix un besoin de vengeance, comme si son objectif n'était pas uniquement d'assouvir son désir de vérité mais aussi d'obtenir réparation pour un méfait que j'ignore. Je pense un instant à cette personne qui n'est pas revenue et à la souffrance qu'il a évoqué et je me demande ce qu'il s'est vraiment passé ce jour-là. Pourtant, je n'ose pas poser la question et je hoche simplement la tête comme les autres en signe de mon assentiment.

« Enaël, m'apostrophe ensuite Haddock, me faisant sursauter légèrement. Serais-tu prêt, si l'on t'y préparait évidemment, à prendre part à cette expédition ? »
Je reste figé de stupeur face à cette proposition tout à fait absurde. Pourquoi me demande-t-il cela à moi ? Connaît-il déjà la position de tous les autres ? Dans tous les cas, je ne me sens pas vraiment prêt à m'engager dans une opération d'une telle envergure.
« Je comprends qu'il te soit compliqué de répondre tout de suite, intervient mon supérieur quand il voit mon désarroi. J'aimerais juste connaître ta position car nous avons besoin d'un deuxième pirate pour accompagner Emilie. Elle sera à l'intérieur et toi à l'extérieur pour la guider.
— Mais Romain est bien plus expérimenté que moi... murmuré-je presque, jetant un regard désemparé au quarantenaire.
— Je suis désolé Enaël, je ne peux pas le faire, m'explique-t-il. J'ai une femme et deux enfants, je ne peux pas me permettre de risquer la prison. Je leur mens déjà chaque fois que je viens ici, je ne peux pas plus les trahir en mettant en jeu notre vie de famille. »
Il est sincère et je comprends le dilemme auquel il fait face. Je crois que je lui en voudrais de prendre le risque de laisser ses deux enfants sans père et leur mère seule comme l'a été la mienne. Sa décision me met dans une situation délicate mais la sienne est pire. Il va tout de même falloir me prononcer et le regard fixe des autres sur moi ne m'aide pas. Je me sens oppressé, sous la pression du jugement de ces gens que je connais à peine.
« Pouvez-vous me laisser réfléchir jusqu'à midi ? demandé-je finalement, considérant qu'au vu de l'enjeu, Chevalier me doit au moins ça.
— D'accord, marmonne-t-il, visiblement déçu alors que je ne demande que quelques heures pour prendre une décision qui pourrait faire basculer ma vie. Vous pouvez donc disposer et reprendre vos occupations. »