Chapitre 24 - Nouveau QG

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Quand le TEL s'arrête je capte le regard bleu azur d'Océane. Elle me salue de la main et je m'empresse de la rejoindre. Dès que je suis à sa hauteur, je passe ma main dans ses boucles noires et l'attire vers moi pour l'embrasser. Notre baiser craquèle mon angoisse et je m'autorise à sourire. Je ne vais pas à des funérailles. C'est ce que je me suis répété pendant tout le trajet, comme un mantra. Pour me convaincre moi-même que nous ne sommes pas ici pour lui rendre un dernier hommage. 

« Tu verras, c'est assez... différent, m'avoue Océane quand nous nous détachons pour quitter la gare.
— Différent de quelle manière ?
— Je peux juste te dire que nous ne sommes plus sous terre. Le reste, tu le verras toi-même. »
Je hoche distraitement la tête, plongé dans mes souvenirs pour imaginer ce qui m'attend là-bas. Une petite auberge de campagne. C'est le paysage le plus doux qui me vienne à l'esprit. A vrai dire, je suis heureux de ne plus m'enfermer dans une cave, je la verrai partout. 

En sortant, je suis accueilli par la place coquette d'un village plutôt fleuri. Ma compagne me distance et s'arrête devant une voiture bleue. Elle s'apprête à s'assoir côté conducteur, ce qui me surprend un peu :
« Tu as le permis ?
— Non, c'est trop cher ! Mais tu sais, avec la conduite automatisée, ça roule tout seul.
— Et où est-ce que tu as trouvé la voiture ?
— C'est celle d'Eliott. Il l'a repeinte et a changé la plaque pour être sûr que la police ne le reconnaisse pas. »
J'acquiesce doucement, perdu dans des réflexions d'une intensité rare. J'essaie de trouver d'urgence un bon prétexte pour prendre le bus, en vain. La jeune femme s'impatiente alors je m'enfonce dans mon siège et boucle ma ceinture. Malgré l'intelligence artificielle, les routes de campagnes sont les plus dangereuses. Finalement Océane se révèle bien plus habile que je ne l'aurais cru. Sans expérience elle a pris tous les virages sans nous envoyer une seule fois dans le fossé. Il faut que j'arrête de sous-estimer mon entourage sous prétexte que je ne me sens pas capable de faire ce qu'ils réussissent. 

Le soleil se reflète sur le pare-brise mais j'aperçois tout de même la silhouette floue d'un grand bâtiment. Il semble posé sur la falaise que nous longeons depuis maintenant plusieurs kilomètres. L'air qui passe à travers la vitre devient plus salé à mesure que nous avançons. Cet effluve marin qui me rassurait me rappelle maintenant le pire de mes cauchemars. Les vagues qui s'écrasent sur les roches me susurrent son dernier ordre. Fuyez ! Ce mot me poursuit comme un spectre. Il me traverse et s'insinue dans mes veines. Mon sang se glace. Un frisson me secoue. Les sens saturés par ce simple murmure, je remonte brusquement ma vitre. Océane se tourne vers moi :
« Ça va ? »
Je n'en suis pas sûr. Je grommelle tout de même un « oui » maladroit. La jeune femme n'insiste pas, elle ferme sa fenêtre à son tour. 

Le silence s'installe dans l'habitacle, mon regard est fixé sur la villa qui se dessine maintenant. Ses murs blancs sont presque aveuglants., je plisse les yeux pour en découvrir les formes. Les contours de cubes et de pavés empilés et encastrés s'esquissent au-dessus du vide. Sympa le pied à terre à l'architecture biscornue !
« C'est à qui ? »
Ma question semble détendre l'atmosphère.
« Un couple de mécènes. De riches retraités qui n'ont plus la force de venir jusqu'ici tous les week-ends. Si quelqu'un nous pose la question, nous nous ferons passer pour de la famille. »
Décidément, que ferions-nous sans ces généreux donateurs ? Et dire que nous ne les connaissons même pas... 

Des détails m'apparaissent peu à peu. Une véranda luxueuse, de vastes balcons et même un verger sur l'un des toits plats de la demeure. Un rayon de soleil mal orienté fait cligner les yeux d'Océane et seul un coup de frein un peu brusque nous permet d'éviter Haddock. Le capitaine se tient droit sur le bord de la route et affiche un sourire malicieux. Le cœur battant un peu trop fort, j'entrouvre la portière. Je suis prêt à sortir de la bulle protectrice de la voiture et affronter la houle qui me hante. Pourtant, ce son est remplacé par les basses d'un morceau populaire. Le volume de la musique est trop fort et notre chef peine à la couvrir :
« Bienvenue dans le Zéphyr Enaël ! Tu as fait bon voyage ? »
Sa légèreté m'étonne. Je m'attendais à croiser un regard noir, luisant de colère, je trouve des yeux éclaircis par le temps estival. Cette bonne humeur sonne faux et ne fait qu'attiser mon mal-être. Je réponds à peine, cela ne semble pas le gêner. Il me propose même de me faire visiter. Une petite voix en moi me souffle qu'il ne sait faire que ça. Je maudis mon amertume et la fais taire pour suivre mon supérieur dans la villa. 

Genève 8 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant