Chapitre 5

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« Tu as fait quoi ?

- J'lui ai juste dit merci et bonne journée, c'est pas grand-chose, je sais ! »

Je savais aussi qu'en parler à Léna était une mauvaise idée. Mais je n'aime pas mentir, j'avais envie – besoin – d'en parler et puis de toute façon elle soupçonnait sûrement quelque chose parce qu'elle n'a pas arrêté de me répéter que je pouvais lui parler de tout et n'importe quoi, et ce à n'importe quel moment. Alors j'ai fini par craquer et lui raconter.

« Oh, Cam'... T'aurais au moins pu lui faire remarquer que vous vous connaissez.

- Mais on ne se connaît pas !

- Bien sûr que si, tu m'as bien dit que c'était l'inconnu de la soirée d'Eva.

- Oui, c'est lui, mais on s'est adressé à peine trois mots à la soirée... Comment veux-tu qu'il se souvienne de moi ? Et puis il ne m'a vu que deux fois à sa caisse, c'est tout. Sans compter qu'il a tout l'air d'avoir une copine hein, donc d'abord c'est mort parce qu'il n'est pas gay, et ensuite tu sais très bien que je ne suis pas un briseur de couple. »

C'est vrai, je ne ferais jamais ça. Je comprends que les sentiments ne se contrôlent pas et que s'il n'y a plus vraiment d'amour dans un couple, l'un puisse être attiré par quelqu'un d'autre, mais quand les personnes s'aiment et que quelqu'un s'immisce entre eux... Je trouve ça vraiment nul. Ça ne se fait pas, c'est tout. Et si on craque sur quelqu'un qui est en couple eh bien... On prend son courage à deux mains, et on tourne la page.

« Je sais. Cela dit rien ne prouve qu'il n'est pas gay ! D'accord il a apparemment embrassé une fille ce soir-là, mais tu ne peux pas savoir s'ils étaient ensemble ou pas, et puis il y a des tas de gays qui n'assument pas ou qui embrassent leurs amis pour déconner, quel que soit leur sexe... »

Soit, elle n'a pas tort, tout le monde n'est pas au courant pour moi. En fait, il n'y a que mes parents, ma sœur, Léna, Salomé puisqu'elle fourre son nez dans ce qui ne la regarde pas, et peut-être encore deux ou trois personnes qui ont bien dû deviner. A part ça, je pense sincèrement que personne ne le sait, et puis ce n'est pas non plus comme si c'était marqué sur mon front de toute façon. Ça me fait toujours rire de rencontrer des gens qui disent « détecter » les gays à des kilomètres : c'est n'importe quoi. Rien dans l'attitude qu'on adopte ne peut réellement définir notre orientation sexuelle, si on ne le souhaite pas. Évidemment certains jouent dessus, il n'y a qu'à voir les drag queens par exemple, mais c'est loin d'être le cas de tout le monde. Et surtout pas du mien. J'admire les mecs qui se maquillent et se mettent du vernis ainsi que des vêtements moulant et qui se moquent du regard des gens, mais ce n'est pas mon cas. Loin de là. Ça l'était un peu, avant, pourtant.

* * *

« Oh, bonjour ! Comment allez-vous aujourd'hui ?

- Hum, bonjour. Bien, et vous ?

- Très bien, merci. Ça faisait un moment que je ne vous avais pas vu. »

Il vient sérieusement de dire ça ? Le père de Salomé est un vrai con et j'essaye de l'éviter au maximum, alors évidemment qu'il ne me voit pas souvent. Sa mère a l'esprit moins étriqué et des idées moins catégoriques, mais son père... C'est une catastrophe. Plus homophobe, raciste et tout ce qu'on veut, ça n'existe pas. Je me demande parfois comment il réagirait s'il savait, pour moi. S'il était au courant que sa fille chérie prend des cours avec un pédé, avant (ou après) s'être envoyée en l'air avec des mecs plus âgés. Je suis certain qu'il en ferait un infarctus, mais bon, de toute façon je ne souhaite ça à personne. Pas même à lui.

Life is a rough draft. [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant