Bonus 1

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Je me souviens de la première fois que j'ai rencontré Camille : j'allais entrer en master et je ne connaissais personne sur Lyon. Nous étions des centaines dans un grand amphithéâtre et... quelles étaient les chances de tomber l'un sur l'autre parmi toutes ces personnes ? Aucune idée, mais toujours est-il que c'est arrivé. J'étais déjà assise au milieu du rang et il s'est avancé avant de se laisser tomber à la place d'à côté. En fait, j'ai compris dès ce moment-là qu'il fallait qu'il se passe quelque chose entre lui et moi. Quoi, je ne le savais pas, mais j'ai eu envie de lui parler. Il était habillé d'un sweat à capuche bordeaux, portait un jean foncé, les mains dans les poches, et il a retiré ses écouteurs en soupirant. Comme s'il se forçait à être là alors qu'à notre niveau, nous sommes censés avoir le choix. Je ne me souviens plus de ce que je lui ai dit pour l'aborder mais s'il a d'abord rechigné à répondre, notre échange a semblé lui paraître plus intéressant que les deux heures de présentation de nos filières. Il s'est avéré que par chance, nous avions choisi les mêmes parcours et les mêmes options, mais j'ai très vite appris qu'il n'était là que pour faire plaisir à sa famille et qu'il ne savait pas vraiment quoi faire de sa vie.

Je ne sais pas exactement comment nous sommes devenus amis mais je crois que ce genre de chose ne se calcule pas : ça arrive comme ça, on est content de trouver quelqu'un dès le premier jour, on s'échange nos numéros histoire de pouvoir s'entraider au début et puis le reste se fait de fil en aiguille sans y penser. Les semaines de cours ont passé, le temps a filé, et il a fini par abandonner. Je me rappelle lui avoir suggéré de donner des cours de soutien scolaire au détour d'une banale conversation et il a suivi mon conseil, se découvrant une passion pour ce qui est de transmettre son savoir. Malheureusement, il ne pouvait pas changer de filière en cours d'année et je crois qu'il avait simplement perdu la motivation, qu'il n'avait pas envie de retourner en cours en tant qu'élève, etc. Ses parents lui en ont voulu d'abandonner ses études quelques mois après avoir commencé un master mais ils ne lui en ont pas tenu rigueur trop longtemps : après tout, c'est sa vie, ce sont ses décisions et s'il a galéré au début, je trouve qu'il ne s'en est pas mal sorti.

De mon côté, j'habitais en colocation avec quelques personnes mais cela ne se passait pas très bien et j'ai finalement changé pour m'installer avec une fille de ma classe qui cherchait elle aussi un nouvel appartement. Cela a duré deux ans et demie, avant qu'elle ne trouve un travail dans une autre partie de Lyon et qu'elle préfère habiter avec son copain : c'est là que j'ai eu la merveilleuse idée d'inviter Camille à la remplacer. C'est sûrement là aussi que j'ai réalisé que c'était une idée aussi bonne que mauvaise, surtout pour moi. Depuis quand je ressentais ça ? Je ne sais pas. Peut-être depuis le premier jour, qui sait ? Il y a bien une qui décrivait à la perfection ma situation, et pourtant je me trouvais si bête. Je savais bien qu'il ne changerait jamais, pas même pour moi. Je n'étais que sa meilleure amie, et je le suis encore aujourd'hui.

Ça a été dur de le voir flirter avec quelques garçons sans qu'il ne se passe jamais rien de sérieux, car j'avais envie de lui crier que j'étais là, juste sous ses yeux, que je n'attendais que lui, mais bon. Combien de fois ai-je souhaité être un garçon, juste pour lui ? Je n'ai pas compté. Et puis il a rencontré Timothée. Je crois que j'ai tout de suite compris, là aussi, qu'il allait se passer quelque chose entre eux. Tim n'avait pas l'air d'être du même bord, comme on dit, mais leurs regards ne trompaient personne – certainement pas moi, en tout cas. Camille l'a d'abord croisé à une fête d'Eva, où j'avais enfin réussi à le traîner, et je m'en suis maudite lorsqu'il a commencé à ne plus parler que de cet inconnu. Je crois que ça a été encore pire quand il lui est tombé dessus au supermarché. J'en ai entendu parler pendant des jours et des jours entiers, j'ai cru devenir folle. Et si je m'étais déjà tout de même fait une raison, j'ai compris que cette fois plus rien ne le ferait changer. Il avait cette lueur dans le regard que je ne lui connaissais pas, que je n'avais jamais vue en plus de deux ans. Tim a su toucher son cœur et le réveiller de la torpeur dans laquelle il était entré.

Life is a rough draft. [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant