Life is a rough draft. [terminée]

Bonus 2

Ma jambe tressaute et si je continue de mordre ma lèvre comme je le fais depuis tout à l'heure, elle va finir complètement rouge et gercée. Ça fait longtemps que Tom attend ce moment, je le sais. Depuis qu'Emilie est morte, il n'arrête pas de me dire que je devrais profiter de la vie, que je ne devrais pas déprimer dans mon coin, que je peux faire mon deuil mais qu'elle n'aurait certainement pas voulu que je passe mon temps à penser à elle, à nous. Elle aurait voulu que je refasse ma vie, je le sais, il n'a pas besoin de me le répéter comme il le fait, mais c'est dur. Enfin, ça l'était. Il est vrai que j'essayais de ne pas trop m'apitoyer sur mon sort, et depuis que j'ai rencontré Cam' je dois avouer que je me sens vraiment mieux. Il a agi comme un pansement sur mon cœur et ça fait un bien fou.

La sonnette de la porte d'entrée retentit dans l'appartement et je me lèvre rapidement pour aller ouvrir. C'est mon meilleur ami, aussi ponctuel que toujours : il vient me rendre visite tous les mercredis après-midi, et nous jouons généralement à des jeux vidéo comme quand on était petits. J'aime beaucoup ça, franchement, même si ça nous rend parfois nostalgiques du « bon vieux temps ». Qu'est-ce qu'on a l'air bêtes à dire ça, comme si nous avions quatre-vingt ans...Il s'installe – s'affale – sur le canapé et je fais un détour par la cuisine. Jeux vidéo et coca zéro, c'est presque devenu notre mantra. Je m'assieds ensuite à côté de lui alors qu'il prend déjà sa manette, et tente de me concentrer sur le jeu qu'il lance sur la console. Cela fait deux semaines que nous bloquons au même endroit, et je crois bien qu'il est décidé à gagner cette fois. Seulement, il ne le sait pas encore mais j'ai quelque chose à lui annoncer. Je suppose que ça va lui faire plaisir, et pourtant je ne sais pas vraiment comment lui dire. Alors qu'un garde nous attaque par derrière, je mords ma lèvre avant de me lancer.

« Je... J'ai rencontré quelqu'un.

- Ah oui ? C'est bien ! Elle s'appelle comment ?

- Camille. »

Ce n'est pas un « elle » mais je ne sais pas comment rectifier cela, et... Bon sang, son prénom est tellement ambigu, aussi. Ça peut prêter à confusion quand on ne l'a pas en face de soi. Et je dois dire que si j'ai un peu peur de la réaction de Thomas quand je le lui présenterai vraiment, je me dis que ça peut aussi être marrant. En attendant, je tue le garde et nous nous enfuyons dans une autre direction.

* * *

Je marche silencieusement à côté de Camille, et je sais qu'il sent que je suis nerveux. Je marche d'un pas raide et désordonné, à la fois rapide parce que plus vite ce sera fait, plus vite je serai débarrassé de mes inquiétudes quant à la réaction de mon meilleur ami, mais je ralentis aussi inconsciemment, sans doute parce que je redoute ce moment. Je veux dire... Jamais il ne m'a vu avec un garçon, je n'y avais même jamais pensé avant de rencontrer Cam' et puis j'ai bien d'abord pensé que ce n'était qu'un ami... Je lève les yeux en sentant la main de Camille frôler la mienne : il sait que je veux y aller en douceur, que tout ça me fait peur et je le remercie silencieusement pour son soutien, aussi discret soit-il.

Thomas est assis à la terrasse du café où je lui ai dit de nous retrouver, et je sens presque littéralement mon ventre se nouer. Mon rythme cardiaque s'accélère et ma gorge se serrer.

« Ça va bien se passer. »

Il y a de la douceur dans la voix de Camille et quelque part, ça m'apaise. Pourtant, je sais qu'il s'inquiète autant voire plus que moi, j'ai cerné son caractère et il a beau paraître décontracté je sais qu'il est stressé. Je lui ai beaucoup parlé de Thomas, mais il ne le connaît pas. Puis parfois, on croit qu'on connaît les gens, et ils réagissent de manière totalement... surprenante, et pas toujours positive. Alors j'espère de tout mon cœur que mon meilleur ami va m'accepter comme je suis. Il se lève en nous voyant arriver, et je lui serre la main avant de les regarder se saluer. Bordel, il n'y a plus de retour en arrière possible, là. Nous nous asseyons, et je triture mes doigts.