Life is a rough draft. [terminée]

Chapitre 1

Il y a plusieurs catégories de personnes, dans la vie. Je ne pourrais pas toutes les citer parce qu'on y serait encore dans un siècle, mais il y en a quelques-unes que je connais bien : par exemple, ces personnes qui ne peuvent pas être négatives, comme ma meilleure amie. Quelle que soit la situation, jamais elle ne se laisse écraser par la négativité. Une mauvaise note à un contrôle continu ? Pas de problème, on fera mieux la prochaine fois, ce mode d'évaluation est fait pour qu'on puisse se rattraper. Une fuite d'eau chez le voisin du dessus qui ruine totalement le salon chez ses parents ? Parfait, il fallait refaire la décoration. Une jambe cassée suite à une semaine de vacances aux sports d'hiver ? On passera devant tout le monde à la cafète, avec mes béquilles. Elle trouve toujours de quoi remonter le moral, et ce de façon si naturelle que c'en est presque déconcertant. Léna est un vrai rayon de soleil. J'ai d'ailleurs fait des recherches là-dessus un jour où je me demandais comment il était possible qu'elle soit aussi positive et toujours pleine de joie : son prénom est dérivé de « Hélène », qui vient lui-même du mot grec « helê » et qui signifie « éclat du soleil ». Je crois que cette définition lui correspond tout à fait, car on ne peut pas mieux la résumer : Léna est un éclat du soleil.

« A quoi tu penses, Casanova ?

- Pour la millième fois, arrête de m'appeler comme ça ! je râle, comme toujours.

- D'accord, d'accord.

- Tu dis toujours ça, et tu finis par recommencer.

- Chassez le naturel et il revient au galop, non ? »

Son clin d'œil ne peut que me faire craquer. En bon rayon de soleil, il est impossible de rester ne serait-ce que deux minutes en colère face à Léna. Une seule de ses folles mimiques suffit à dérider n'importe quelle personne, alors ce n'est pas moi qui vais lui résister.

« Trêve de plaisanterie. Qu'est-ce que tu vas mettre ce soir ?

- Je t'ai déjà dit que je ne viendrais pas.

- Mais Cam', t'es pénible ! Tu vas pas encore rester enfermé chez toi ! Il faut que tu sortes un peu, que tu t'amuses, que tu profites de la vie !

- Tu sais très bien que c'est pas mon truc.

- Ça l'était, pendant un moment. »

Je ne prends même pas la peine de répondre, elle sait qu'elle a touché un sujet sensible. Je n'ai aucune envie de parler du passé, du garçon qui m'a brisé le cœur et de qui j'essaye tant bien que mal de me remettre. C'est vraiment stupide de toute façon, ça fait des années que tout ça s'est passé, et pourtant... J'y pense beaucoup plus souvent que ce que je voudrais bien admettre. J'ai toujours l'impression que c'était mieux, à cette époque, que tout était plus facile. J'étais entouré, je me sentais aimé... Et si Léna a réussi à me tenir la tête hors de l'eau, j'ai parfois bien envie d'y replonger.

« Tu pourrais... Tu pourrais rencontrer quelqu'un à cette soirée, tu sais. »

La douceur de sa voix me fait soupirer, et je hausse légèrement les épaules.

« Ça ne m'intéresse pas, Léna. »

Je plonge les mains dans mes poches, et m'appuie sur le rebord du pont. J'aime bien venir ici, c'est un endroit que je trouve apaisant malgré le bruit de la circulation. Je sors un paquet de cigarettes entamé de la poche intérieure de ma veste, et Léna secoue doucement la tête.

« Un jour, tu te rendras compte qu'il ne te méritait pas. Et que quelque part il y a un garçon bien, qui n'attend que toi. »

Je ne peux m'empêcher de lever les yeux au ciel même si c'est malpoli. Léna ne me le fait pas remarquer de toute façon, je crois qu'elle a l'habitude après deux ans passés à mes côtés. Nous nous sommes rencontrés quand elle est venue faire son master dans ma ville natale, Lyon. Elle avait fait sa licence en Bretagne avant ça, et elle était plutôt contente de ne pas avoir de pluie ou de temps gris six jours sur sept ici. Elle me parlait souvent de ses amis, mais il semblerait qu'ils aient tous pris des directions différentes selon elle. Loin des yeux, loin du cœur, comme on dit. Ce proverbe ne s'applique pas toujours, évidemment, mais il faut croire que la distance renforce tout de même ce sentiment d'éloignement.