Partie 1 - Carl

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Carl ouvre le four, et sort le plat brûlant qu'il dispose devant Emma. Elle est assise en face de lui, au comptoir de la cuisine, le regardant faire en silence...

Elle ne semble plus essoufflée mais son coeur bat encore d'émotion à l'intérieur.

Voir ce garçon s'affairer, de façon si normale, si posée en apparence, l'aide à se calmer, à se dire qu'elle a encore rêvé, que rien de ce qui s'est produit, de ce qu'elle a fait, n'est réel. Que le sang noir qui sèche déjà sur son tee-shirt n'est pas réel.

Elle le regarde faire. C'est tout. Il l'a regardée entrer dans la maison alors qu'il posait la lettre d'Enid sur le comptoir. Il n'a rien dit à ce sujet, la laissant s'asseoir sur la chaise haute. Elle a bien vu le papier mais ne l'interroge pas du regard, ne lui demande rien. Elle ne veut même pas savoir, puisque cela ne la regarde a priori pas. Il se confiera s'il a envie de parler. Elle ne brusque rien.

Elle, elle a juste envie de lui dire merci. C'est le seul mot qu'elle a envie de prononcer, qu'elle éprouve le besoin de prononcer. Le reste de sa vie n'a pas besoin de mot.

Depuis qu'elle est ici, Emma a rompu avec la solitude qui faisait tout son quotidien depuis des semaines. Dorénavant, elle se contente, elle se nourrit, d'observer les gens vivre autour d'elle et elle les suit en silence. Eux s'accommodent de son mutisme, ou pas. Soit ils finissent par l'ignorer, par ne pas l'intégrer ; soit ils font, pour la majorité d'entre eux finalement, naturellement la conversation. C'est humain de remplir le silence par des mots. C'est humain d'accueillir les gens venus de l'extérieur, de se sentir utile et bienveillant envers autrui. C'est toute la philosophie de cette communauté : recueillir les autres, veiller sur eux. Et leur offrir une vie normale, la même que celle d'avant. Celle d'avant les murs.

Depuis qu'elle a rencontré Carl, elle s'est rendue compte que c'est le seul à ne pas se sentir mal à l'aise en sa présence, au premier abord, à ne pas se sentir obligé de remplir le vide entre eux. Le silence lui va bien aussi. Ainsi, ils peuvent rester de longs moments sans prononcer un mot, sans exprimer quoi que ce soit. Si ce n'est d'être là, ensemble. Il sait qu'elle est là, biensûr ; comme elle est consciente de sa présence proche.

Carl est déjà bien plus grand qu'elle, long et fin, même si ses épaules promettent une belle carrure. Parce que ce n'est déjà plus un enfant, depuis longtemps. Parce qu'au travers de lui, de ses cheveux longs, de son corps qui a poussé trop vite, elle ne peut s'empêcher d'imaginer sa fille, son enfant à elle, ce qu'elle serait sans doute devenue si elle était restée.

Mais ce garçon la fascine. Biensûr, elle n'a pas connu sa mère, et elle ne peut s'empêcher de se dire que ses cheveux sombres et souples ne tiennent pas de Rick, mais plutôt de Daryl... ! Elle sait pourtant bien que c'est impossible, mais c'est amusant, non ?! Tout comme son côté taiseux lui fait infailliblement penser au chasseur taciturne. Tout deux aiment le silence. Et Emma, elle, les aime eux. Tous les deux. Même si elle sait qu'elle ne fait pas partie de leur groupe et encore moins de leur famille.

Emma a vu arriver le groupe de Rick à Alexandria avec une envie, à première vue évidente, de s'intégrer à la communauté qui les a accueillis à bras ouverts. Mais en réalité, rapidement, elle s'est aussi aperçue qu'ils sont finalement restés entre eux. Et elle ne leur reproche nullement. Ils ont bien suivi les règles de Deanna, avec ses véritables entretiens d'embauche individuels et obligatoires, qui sont si peu accueillants à son sens. Chacun a fait mine de trouver sa place, avec chacun une occupation bien définie, bien rassurante. Mais dans le fond, elle a bien vu qu'ils se sont installés tranquillement, faisant aussi entrer le chaos avec eux.

Emma a bien vite vu que Rick, Carl, Carol, Daryl, Maggie et Glenn constituent le noyau dur. Elle a bien vite vu que ce groupe forme une véritable famille, unie, solide, complète, fermée.

- Tiens, mange un cookie. Carol ne t'en voudra pas. Tu as vraiment besoin de te remplumer, lui dit le garçon gentiment en lui présentant un biscuit.

Elle le remercie d'un hochement de tête et d'un petit sourire, avant de croquer dans la pâte moelleuse. Ça aussi, sa fille aurait pu le lui dire... elle est persuadée que ce gamin lui ressemblerait beaucoup. Même si sa fille était beaucoup moins mâture. Sans doute parce que, grâce à Dieu, elle n'avait pas eu à vivre l'apocalypse.

- ...Et puis Enid est partie...

Le garçon lâche l'information comme s'ils tenaient une conversation quelconque, légère. Mais elle savait que le morceau de papier blanc sur le comptoir pesait très lourd sur le coeur de l'adolescent. La relation naissante entre Carl et la jeune fille ne lui a pas échappée, alors qu'elle semblait être avec Ron depuis des semaines avant son arrivée. Emma n'est nullement intervenue et s'est contentée d'observer les regards qui se sont échangés devant ses yeux. De plus, aucun adulte ne semble se préoccuper des trois jeunes gens. Alors comme le reste des membres de la communauté, elle se contente d'observer. Chacun grandissant à son allure et se heurtant à ses propres écueils.

Mais que Carl lui confie sa peine, du moins son inquiétude, telle que, lui donne subitement le sentiment d'être utile à quelqu'un, d'être là, d'exister à nouveau au monde.

Emma sursaute en entendant la porte d'entrée s'ouvrir subitement, se retournant en suivant le regard de Carl qui se raidit lui aussi.

Carol était plantée là, silencieuse, essoufflée, fixant Emma de son regard d'acier. 

Faire envie aux affamés - TWD - [TOME 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant