Partie 6 - Emma

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Emma parcourt Alexandria à travers les jardins. Elle ne traverse les rues que quand elle est sûre et certaine qu'elles sont désertes, et se précipite derrière le moindre muret, le moindre bosquet, dès qu'elle entend des pas qui battent le bitume. Des petits groupes d'inconnus arpentent les rues au pas de course, et ils se jettent sur les curieux qui osent sortir innocemment de chez eux, ces imprudents, qui croisent leur chemin. Sans explication aucune, les groupes frappent, blessent, tuent, s'acharnent. Emma n'y comprend rien. Pourquoi ? Qui sont ces gens ? Ils paraissent pourtant normaux, habillés comme eux, parlant leur langue, normalement. Mais avec cette détermination implacable à l'élimination de toute personne rencontrée.

Leurs attaques sont aussi implacables qu'elles semblent tout autant désespérées. Ces hommes et ces femmes, même inconnues, sont pourtant identiques aux membres de leur communauté. Ils appliquent leur décision sans hésitation mais malgré tout avec une peur, un désespoir propre à l'instinct.

Les minutes s'égrainent lentement, même si les évènements s'accélèrent à une vitesse fulgurante.

Emma s'éloigne le plus possible de ces groupes, tente de trouver des gens de la communauté qui auraient besoin d'aide, dans la rue, qu'elle pourrait aider à se mettre à l'abri. Mais elle ne trouve plus personne à aider. Les seuls membres de sa communauté qu'elle rencontre sont déjà gisant, morts. Elle arrive à chaque fois trop tard. Autant de coups de poignard dans le coeur, à chaque individu qu'elle identifie. Pour chacun, elle se revoit partager un moment, un sourire, un regard complice ; pas plus tard qu'hier, avant-hier, ou quelques jours à peine.

Des coups de feu se font entendre et claquent plus fort et plus souvent que les cris de panique qu'elle entendait dès le début de l'attaque. L'air porte déjà les odeurs de mort. Cette même odeur qui saturait la clairière. Mais ça, c'était dans sa vie précédente.

Elle sent fléchir sa compréhension du monde qui l'entoure. Tant de chocs qui la percutent en si peu de temps, qui font que son cerveau ne veut qu'une chose : se déconnecter, s'arrêter, faire le silence dans sa tête. Ses pensées ont paniqué, partant dans tous les sens, puis soudain, plus rien. Que du blanc.

Mais elle est toujours debout, avec toujours cette vigilance dont elle n'a même plus conscience. Elle déambule tel un automate.

Puis au détour d'une rue parallèle à celle qu'elle vient de quitter, elle aperçoit quelqu'un qu'elle pense reconnaitre... et il est débout... John ?... Samantha ?... Elle cherche à identifier la personne alors qu'elle s'approche d'elle, sur le trottoir, à découvert, sur ses gardes. Elle veut croiser quelqu'un de connu, quelqu'un de vivant. Elle en éprouve soudain le besoin impérieux. Elle cherche encore alors que la femme enlève sa capuche découvrant ses cheveux courts et gris. Carol ! C'est Carol !

Emma ressent une bouffée de gratitude de croiser ce regard d'acier mais connu ; glacial mais familier. Elle lui sourit de bon coeur alors que tout semble se ralentir soudain autour d'elle - ou s'accélérer, elle ne saurait le dire - tandis que son sourire cordial meurt déjà sur ses lèvres. Emma identifie soudain le W sanglant qui macule le front de la femme venant vers elle. Son sang se fige, la précipitant encore davantage dans l'incompréhension, quand elle réalise cette aberration.

Simultanément, ses yeux sont attirés par un autre mouvement et se portent déjà au délà de la tête de Carol.

Derrière la femme au regard de glace, surgit un nouvel inconnu, mince, mais immense, et aussi déterminé que rapide. Emma est déjà en train de courir vers Carol qui se raidit visiblement en la voyant arriver sur elle alors qu'elles ne sont plus qu'à quelques enjambées l'une de l'autre.

"Cette nana a vraiment un grain", ne peut s'empêcher de se formuler Carol.

Mais la jeune femme l'évite au dernier instant, la contourne en la touchant à peine. Elle n'a même pas le réflexe de se retourner pour la regarder partir que Carol est légèrement bousculée par derrière, sentant subitement quelqu'un se coller à son dos.

Emma arrive à s'immiscer entre Carol et l'homme qui lui arrive par derrière, le bras muni d'une lame brillante déjà levée, prêt à frapper. L'homme marche vite et dans son élan et sa surprise, continuant à avancer, il se retrouve nez à nez avec la jeune femme, qui se retrouve serrée contre lui et contre le dos de Carol derrière elle. Emma n'a pas lâché son objectif du regard depuis le début de sa course. Fixant toujours froidement l'homme alors qu'il baisse enfin son regard sur elle, surpris de la trouver là.

"Qu'est ce que tu fous là, p'tite con....", lui demande-t-il alors que ses mots s'interrompent sur ses lèvres.

L'incrédulité envahit encore davantage le regard de l'homme qui ne quitte plus ces yeux oranges et insensibles. Il ne comprend pas pourquoi elle reste collée contre lui, bougeant à peine son épaule droite. Ce n'est qu'au bout de plusieurs secondes qu'il réalise qu'un froid glacial occupe peu à peu son abdomen.

Emma continue à fixer l'homme, sans même le voir. Toute sa concentration est focalisée dans son bras droit, le long de sa main, de sa lame qui s'enfouit dans les entrailles de l'homme, qu'elle a planté, pointe vers le haut et qu'elle vrille maintenant, encore et encore, minutieusement, attendant qu'il s'effondre enfin. Elle ne sent que la tiédeur de quelque chose qui lui recouvre la main, qui coule le long de son avant-bras, à contre sens de son mouvement de départ. Elle déteste ces chatouilles, comme quand on se lave le visage et que l'eau coule jusqu'aux coudes. Elle n'a qu'une envie : l'essuyer. Mais l'inconnu doit s'effondrer d'abord.

L'homme finit par flancher, tombant à genoux alors qu'elle enlève son couteau d'un geste vif. Elle laisse pendre son bras, inerte, le long de son corps, l'accompagnant du regard.

"T'es vraiment qu'une sale conne...", articule l'homme, mauvais, tête baissée, dans un dernier gargouillis.

Emma fait un pas en arrière, calmement, pour laisser tomber l'homme de tout son long sur le sol, pour ne pas qu'il la touche encore une fois. Puis elle tourne la tête derrière elle pour voir que Carol est toujours là, immobile, vivante, saine et sauve. L'ainée s'approche du cadavre, comme pour assouvir sa curiosité.

"Tiens, prends ça", présentant un petit pistolet noir à Emma, que Carol a sorti du sac blanc qu'elle porte à l'épaule.

Puis elle tire une balle de sa propre arme dans le front marqué d'un grand W du cadavre à leurs pieds. En guise de remerciement, Carol hoche la tête à l'attention d'Emma, avant de reprendre son chemin.

Emma reste immobile un instant, regardant la femme s'éloigner, le temps de reprendre ses esprits. Elle n'entend plus les coups de feu, ni le martèlement de pas sur les routes et les trottoirs. La panique ambiante, oppressante il y a encore quelques minutes semble maintenant n'avoir jamais existée. Ne reste plus que les cadavres, des deux camps, qui jonchent le sol. Emma avance à nouveau, d'un pas lent, lourd, las, sans destination précise. Mais quelques foulées plus tard, elle se retrouve dans sa rue, devant les escaliers de la maison 101. Sans trop réfléchir, elle monte sous le perron. De toutes manières, il n'y a personne qui l'attend dans sa maison. Elle espère soudain trouver Carl et Judith dans celle-ci. Alors, après avoir toqué contre la paroi de bois sans grande conviction, elle ouvre la porte d'entrée et pénètre dans la maison silencieuse.


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Toutes les illustrations que j'ajoute ne sont pas de moi, mais vous pouvez les retrouver sur mon Pinterest (je l'ai mis dans le lien externe mais je ne sais pas où on le retrouve ^^ si vous savez, je suis preneuse :D)


Faire envie aux affamés - TWD - [TOME 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant