Chapitre 11

3.9K 211 3
                                    

Un roi n'est pas un roi sans ses sujets, il en va de même pour un chef: sans ses hommes il ne vaut rien.

7h15, il bailla pour la troisième fois depuis qu'il s'était levé et déposa une capsule dans la machine à café tout en regardant ses messages. Aujourd'hui il avait une sorte de réunion avec les meilleurs hommes de ce quartier: ils devaient décider s'ils attaqueraient le gang rival ou non. En réalité il était plutôt stressé, c'était un jour important où il avait l'opportunité et montrer ce qu'il valait comme chef et pas seulement avoir les honneurs grâce à son père. Ici les gens étaient différents: ils ne vous accordaient leur confiance que si vous le méritiez et leur respect était la récompense ultime pour tout dirigeant.

Alex arriva quelques minutes plus tard, l'interrompant dans sa réflection, elle se servit un café et nourrit Max dans un silence tendu. Elle semblait totalement différente de la veille, ses cernes étaient toujours présentes mais il y avait autre chose que la fatigue dans son regard, il y discerna de l'appréhension mêlée à de l'inquiétude. Ou pas, c'était peut être la sienne qui se reflétait le cuivre de ses yeux..

« Tu viens en même temps que moi sur le lieux de rendez vous où tu y vas avant? Demanda-t-il.

- Avant, Yanis et ses hommes s'occupent déjà de boucler l'entrée à la halle, même si il n'y a pas de marché des gens y vont pour squatter. Répondit-elle.

- Très bien, j'y serais à huit heure pile. Déclara-t-il en l'observant boire son café.

- Si je peux te conseiller une dernière chose: ne prend pas le respect de tes hommes pour acquis, tu n'as pas celui de tous. Finit-elle en déposant sa tasse vide dans le lave vaisselle puis sorti de la cuisine sans plus de précisions.»

Il resta sans voix, elle lui avait bien fait comprendre par la même occasion qu'elle ne le voyait toujours pas comme son chef, cette fois ci il ne rêvait pas. Il y pensa sur tout le chemin qui le conduisait jusqu'au lieu de rassemblement, sa confiance en lui et son moral avaient dégringolé, s'imaginant un coup monter par sa colocataire, peut être qu'elle voulait reprendre son poste. Seul dans sa voiture, il serrait son volant à s'en blanchir les jointures de ses mains tatouées, il avait vite compris que la Alex de la veille, ne se manifesterait pas aussi souvent qu'il l'aurait voulu. Aujourd'hui elle le traitait comme le jour de leur première rencontre, elle ne le respectait pas et si il se souvenait bien des mots de son père: le plus âgé n'était pas sûre lui-même qu'elle le respect malgré tout ce qu'il avait fait pour elle. Ici il était chez elle, il l'avait bien compris mais un nouveau chef était arrivé en ville et il n'allait pas se laisser marcher sur les pieds sans se défendre.

Au bout d'une quinzaine de minutes il se gara devant une sorte d'halle de marché couverte, en briques sales et trempées par la pluie de la veille. Plusieurs voitures y étaient déjà, occupant tous l'espace alentour, quelques hommes surveillaient devant les grilles ouvertes et à la terrasse du bar d'en face.
En entrant dans la grande halle où les étales avaient été rangées sur les côtés, il trouva devant lui un groupe d'une trentaine de personnes discutant et fumant ensemble. Il se mit face à eux et commença d'une voix forte son discours, attirant l'attention de tous.

« Bonjour à toutes et à tous et merci d'être venu aujourd'hui, je me suis présenté à vous il y a quelques jours de ça: je suis Emilio Vesari, nouveau chef de cette partie de la banlieue. Déclara-t-il, choisissant ses mots avec soin.

Le groupe devant lui mit soudain un genoux à terre et le salua à la manière des rois d'autre fois, cette tradition avait été reprise par les gangs pour montrer leur respect au chef, chaque membre était un chevalier devant obéissance et protection à son régent. Mais au milieu de ces hommes et femmes, trois personnes restèrent debout à le fixer: le premier était un homme dans la quarantaine aux cheveux blancs et longs, portant une veste en cuir et une cigarette fumante dans la bouche, le second était un jeune asiatique dont un bonnet noir cachait ses cheveux, un sourire en coin plaqué sur ses lèvres. Et enfin, il y avait Alex, celle-ci se tenait droite, ses yeux cuivrés plongés dans ceux azurs de l'italien, ses mains fourrées dans ses poches et le visage sans expression. Tous savaient ce que ce geste signifiait: ceux-là ne respectaient pas leur chef et ne se soumettaient donc pas aux ordres mais ils couraient aussi le risque de se faire jeter de leur gang ou de se faire tuer. Tous n'avaient pas le courage de s'opposer ainsi pourtant cela leur donnait l'égalité et un droit de décision identique à celui du dirigeant, il était indéniable qu'il fallait un certain courage pour cet acte.

- Rien de ce que tu décideras ne sera accepté sans notre consentement, tu n'es pas encore chef Emilio, pas sans nous. Annonça Alex haut et fort, sa voix résonnant dans tout le lieu.

Et il comprit, il comprit pourquoi elle aurait dût avoir sa place en tant que sous chef ici, il comprit pourquoi elle était la seule à pouvoir imposer un tel respect en seulement une phrase ou par un simple regard. Elle avait cette prestance, ce pouvoir qui la faisait être respectée et crainte.
Les autres hommes qui s'étaient agenouillés se relevèrent alors que les trois opposants s'approchèrent de lui. Le plus vieux des trois se planta devant Emilio, écrasa sa cigarette sous son pied et souffla la fumée sur le visage de celui-ci donc le visage se déforma par la colère.

- Écoute gamin, je suis venu juste parce que Alex et ton père me l'on demandé, voir à quoi ressemblait le fils prodige. Je suis Thierry Frankberg, contrebandier sans aucune appartenance à un gang. Alors prend pas mon geste au sérieux gamin, j'espère qu'on pourra faire affaire. Déclara celui-ci en continuant son chemin après avoir saluer la jeune femme de la main.

Il était un peu soulagé, au moins il n'y avait plus que deux qui s'opposaient à lui, c'était toujours mieux que trois. Enfin il tentait surtout de se convaincre alors que le jeune homme au bonnet noir se posta à son tour devant lui.

- Éric Dien, je suis de la police. Annonça le jeune asiatique.

Son sang ne fit qu'un tour et sans réfléchir plus longtemps il sortit son arme qu'il pointa sur le dénommé Éric mais au même moment Alex sortie la sienne et la pointa sur la tête de l'italien.

- Et bien, c'est un rapide lui. S'exclama l'asiatique en regardant Alex qui leva les yeux au ciel.

- Qu'est ce que ça veut dire? Je peux savoir pourquoi tu me vises? C'est un flic! S'écria Emilio en se tournant vers la russe qui ne bougea pas, l'arme toujours tendue vers lui.

- Stress pas, je vais t'expliquer monsieur « Rapido », j'ai un marché avec les Pirates: on s'échange des infos les uns sur les autres. Je vous préviens de ce que la police a prévu de faire contre le gang et vous vous me donner des infos sur d'autres gangs. Facile comme bonjour! Expliqua le policier avec un sourire. »

Toujours méfiant il baissa son arme et le rangea, Alex l'imita. Au moins aucun de ses hommes ne lui manquait de respect à part Elle, mais il savait qu'elle était un cas à part, par contre le geste qu'elle venait de faire: pointer son arme vers lui, ça il ne le lui pardonnerai pas. Puis les paroles de la jeune femme lui revinrent en tête de plein fouet, si elle n'était pas d'accord avec sa décision rien ne serait fait.
Une fois le malentendu résolu, il commença à parler de la raison de leur rassemblement, exposant les possibilités. Il proposa d'abord d'attaquer directement leur QG et de détruire leur organisation mais Alex s'y opposa, faisant remarquer que la zone comprenait trop de civils pouvant être blessés, la plupart des hommes acquiescèrent et se rangèrent du côté de la jeune femme. Puis il proposa la menace, kidnappant un membre de leurs familles mais là encore des exclamations fusèrent et il se fit même traité par sa rivale, lui faisant remarquer que les innocents n'avaient rien à faire dans cette histoire. Il faillit lui sauter à la gorge plusieurs fois mais se retint pour paraître crédible, son sang bouillait de rage à chaque fois qu'elle ouvrait la bouche. Puis elle exposa une idée moins violente et plus réfléchis, conseillant de commencer par mettre tous leurs réseaux téléphoniques HS, bloqués les comptes et leurs couper toutes ressources d'approvisionnement d'armes et de drogues. L'idée plût aux membres du gang dont ceux qui avaient le plus de pouvoirs alors que le chef lui même se promis de lui faire payer son audace même si l'idée était, il fallait le dire, parfaite pour la situation. Le seul problème était que ça venait d'elle et ça il le détestait, il détestait qu'elle ai réponse à tout et qu'elle soit meilleure que lui.

À l'ombre de nos viesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant