24 Loin

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Le bus dans lequel je me trouve roule les fenêtres ouvertes, le vent s'engouffre dans mes cheveux qui volent dans tous les sens. Nous sommes au tout début du mois de mai, j'ai enfin pu troquer mon gros manteau contre une légère chemise à carreaux. Ici le printemps est plutôt chaud.
J'enfonce mes écouteurs dans mes oreilles et remonte mes pieds sur le siège d'à côté. Je ne veux personne à côté de moi, c'est pas compliqué, et puis comme on dit, il vaut mieux être seul que mal accompagné.

Cela fait deux jours que je fais de la route, j'en pouvais littéralement plus d'Atlanta. J'ai trouvé un sac à dos dans lequel j'ai mis le minimum vital, et je me suis barrée. Contrairement aux idées reçues, je n'ai pas su défaire les attaches que j'ai avec cette ville. Tous les souvenirs qu'elle renferme sont devenus si lourds à porter que j'ai décidé de m'en aller.
Je dois commencer une nouvelle vie, et c'est pas en restant là que les choses vont bouger. Deux jours, et je viens tout juste de quitter la Géorgie. On passe devant le panneau qui nous indique que désormais nous nous trouvons en Alabama et je souris en me replongeant dans ma musique. Je me sens bien, pour la première fois depuis longtemps je me sens légère. Comme si j'avais enfin réussi à semer mes vieux démons, qu'ils n'étaient plus un poids lourd à porter au quotidien. Je change de vie, je ne veux plus être la Nina d'avant, je veux commencer à vivre, et c'est en partant que j'ai commencé à apprendre.

Je m'arrête manger dans la ville d'Auburn, et mon voyage continue jusqu'à Florence. Il n'est pas moins de vingts heures quand je sors du bus, mais la température est toujours aussi élevée.
Je trouve un petit hôtel pas très cher dans lequel je passe la nuit, et au petit matin je monte dans un nouveau bus et mon bout de chemin continue. En une semaine j'ai déjà traversé le Tennessee, le Missouri et me voici aujourd'hui à El Dorado, le siège du comté de Butler situé au Kansas.

Je voyage pendant certainement un mois en espérant oublier. Je fais tout un tas de motels, d'auberges, d'hôtels en tout genre. Je veux tout oublier, me détacher de tout ce qu'il s'est passé ces derniers mois. J'ai l'impression de m'être perdue en chemin, d'avoir oublié qui je suis. J'allais à l'encontre de toutes mes convictions et je n'aimais pas ça. Cela me faisait peur.

Et puis j'ai réalisé que la vie que je menais désormais n'était pas la vie palpitante dont je rêvais. C'était sympa au début cette petite escapade, mais ce vide en moi me criait de rentrer. Il me disait clairement que je n'avais rien à foutre là, que ma place n'était pas là. J'ai recommencé à mal dormir, la solitude s'est lentement engouffrée en moi. Et puis le manque a fait son apparition. J'ai ignoré tout cela, jusqu'à cette nuit ou je me suis réveillée en chialant sans aucune raison. Je me suis rendue à l'évidence, Ian me manquait terriblement, alors j'ai décidé de faire la chose la plus appropriée selon moi. Et j'ai refait tout le chemin que j'avais parcouru en sens inverse.

Il est quelque chose comme deux heures du matin, nous sommes désormais au milieu du mois de juin. Je suis de retour à la maison, j'ai pris le taxi et ai indiqué l'adresse au chauffeur. Je pose ma tête contre la vitre et le regarde le paysage défiler sous mes yeux. Cette ville m'a manqué, et rien qu'à l'idée d'être enfin de retour, une douce chaleur apaisante se répand dans tout mon corps. Je reconnais enfin le chemin, et mon cœur bat un peu plus vite à chaque secondes.
Je frappe à la grande porte dressée devant moi, et j'attends impatiemment. J'entends les cliquetis m'indiquant que la porte est déverrouillée, et enfin elle s'ouvre. Le sourire que j'arbore illumine très certainement mon visage, mais pour le coup je suis vraiment heureuse, et à mon plus grand bonheur, c'est réciproque on dirait. On se regarde longtemps, le sourire jusqu'au oreilles et les yeux brillant avant de finalement, dans un élan similaire, se sauter dans les bras. Candice pousse un petit cris de joie et me serre avec une force considérable. Elle s'empresse de me faire entrer, m'assurant que Paul n'est pas là. Elle me conduit jusqu'au salon, et puis s'éclipse le temps de me servir à boire.

Loving at last (NIAN)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant