X ● Comme si l'une des voix prenait le contrôle.

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L'infirmière sortit de la chambre en claquant la porte. Le docteur s'assit à sa place, en face de Louis, sur la petite chaise de bois. Il sortit son petit calepin de la poche de sa blouse. Et comme à chaque fois que Louis le voyait en tête à tête, les voix se firent tout de suite beaucoup plus présentes dans sa tête.

L'essaim d'abeilles tueuses était de retour.

Tue-le.
Tu en as les moyens.
Il ne t'apporte que des problèmes.
Allez, vas-y Louis, tu iras mieux après.
Tu pourras sortir.
Retrouver Maman.

Ses mains tremblaient autour de ses genoux. Il se sentait mal. Comme s'il allait vomir. Les voix avaient pris un ton terrifiant. Il ressentait comme un mal de mer... sauf qu'il n'était pas dans un bateau.

Les voix riaient. Elles répétaient des phrases horribles, lui susurraient d'un ton doucereux et suave de tuer le docteur. Jamais elles n'avaient dit de choses pareilles. Elles lui faisaient peur, incroyablement peur.

Si tu te débarrasses de lui, tu seras libre.
Libre comme l'air.
De toute façon, ils ne font pas attention à toi.
Le docteur, Maman, ils font tous semblant.
Tu le sais ça, hein Louis ?
Plus personne ne s'intéresse à toi.
Ils disent que tu es ici pour aller mieux, mais ils s'en foutent.
Ils ne veulent que ton malheur.
Ils te bourrent de médicaments pour que tu ailles de plus en plus mal.
La preuve, c'est ce qui se passe, n'est-ce pas ?
Je suis sûr que tu te rends compte de ta descente aux Enfers.
Ton état se détériore de jour en jour.
Tu ne manques pas à ta famille, Louis.
Ils t'ont abandonné pour que tu sois malheureux.
Ils se réjouissent que tu deviennes fou.

– Dites moi Louis, dit le docteur. Comment vous sentez-vous aujourd'hui ?

Louis ne répondit rien.

Il ne mérite pas que tu gâches ta salive pour lui parler.
Concentre-toi sur Maman.
Où est-elle ? Que fait-elle ? Pense-t-elle à toi ?
Elle est venue te voir hier.
Ou peut-être était-ce le jour d'avant ?

– Je vois, reprit le docteur. Vous ne voulez pas me parler de ce qu'il s'est passé cette nuit ? Vous rappelez-vous de quelque chose ?

Louis leva la main pour toucher son front. Il avait mal, le sang battait sous ses doigts. Et il ne voulait pas lui en parler. Il ne s'en souvenait même plus clairement.

Tu es devenu fou.
Comme d'habitude.
Maman.
L'hôpital.
L'abandon.
Elle t'a abandonné.

Louis frissonna et ferma les yeux.

– Cauchemar, dit-il simplement.

Il serra les dents. C'était la voix de quelqu'un d'autre qui venait de s'échapper de ses lèvres, pas la sienne. Plus grave. Plus rauque. Un ton presque animal. Comme si...

Comme si l'une des voix prenait le contrôle.

– Cauchemar ? Vous avez fait un cauchemar ?

Tu ne devrais pas lui en parler.

Louis hocha la tête. Lentement. Son cou douloureux se mouvait difficilement, comme s'il était totalement rouillé. Il avait mal partout, du cuir chevelu au bout des orteils.

– Vous m'avez déjà parlé d'un cauchemar, plusieurs fois. Est-ce le même ? Pouvez-vous m'en dire un peu plus ?

Il... Il voulait qu'il lui parle du rêve ? Il ne pouvait pas. Il n'en avait pas le droit. Les voix le tueraient s'il lui en parlait. Elles ne voulaient pas qu'il parle à qui que ce soit. Même pas à Maman. Il ne pouvait pas faire ça.

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