XII ○ Louis ne guérira jamais.

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Claire se réveilla en sursaut le lendemain matin. Son réveil n'avait pas sonné, et il était déjà huit heures trente ; fort heureusement, elle avait tout de même une horloge interne plutôt efficace.

Elle se dépêcha de se préparer, avala en deux temps trois mouvements une barre chocolatée pour tenir debout jusqu'au déjeuner, et sortit de son appartement sans même prendre le temps de dire au revoir à Achille.

Ce n'est qu'une fois garée sur le parking de l'hôpital – avec seulement dix minutes de retard – qu'elle vit la date inscrite sur son tableau de bord. Samedi. Elle ne travaillait pas.

Avec un soupir, elle laissa tomber sa tête en avant contre le volant de sa voiture tout en se maudissant sur au moins quatre générations. Était-il réellement possible pour un être humain de se montrer aussi stupide ? À force de s'y taper le front, elle finit par déclencher le klaxon, ce qui fit sursauter un chat errant qui sommeillait non loin de là sur une pierre chauffée par le soleil matinal. Le félin s'enfuit en courant, les poils de son échine hérissés, alors que Claire faisait lentement le point sur sa situation.

Elle venait de se dépêcher comme jamais elle ne l'avait fait, pour essayer d'arriver à l'heure au travail, et cela alors qu'elle ne travaillait même pas. Elle souffla une nouvelle fois. Tout allait bien, ce n'était pas la fin du monde. Elle aurait au moins l'occasion de bien profiter de sa journée.

Elle s'apprêtait à remettre le moteur en route pour rentrer chez elle lorsqu'elle remarqua, dans un coin du parking, sur un bout de muret, un corps frêle replié sur lui-même et parcouru de sanglots. Claire plissa les yeux pour l'identifier. Était-ce... Muriel ?

La jeune femme retira ses clés du contact et sortit de sa voiture.

– Muriel ? tenta-t-elle en s'approchant.

L'autre femme releva la tête. Il s'agissait bien de la mère de Louis. Ses larmes étaient intarissables. Ainsi assise, elle semblait aussi fragile qu'une enfant, et en même temps beaucoup plus âgée que deux jours auparavant.

Claire s'installa à ses côtés sur le muret.

– Vous voulez parler de quelque chose ?

– Ils ne veulent pas me laisser le voir, articula difficilement Muriel entre deux sanglots. Je ne peux pas aller voir mon fils...

Claire pinça les lèvres. Louis était donc toujours en chambre d'isolement, depuis l'incident de la veille. Après un court instant d'hésitation, elle posa une main réconfortante sur l'épaule de la mère de famille.

– On m'a dit qu'il avait agressé un médecin, continuait cette dernière, ses yeux larmoyants naviguant entre le visage de Claire et le macadam à leurs pieds. Comment est-ce possible ? Comment... Comment...

Ses sanglots reprirent de plus belle. Claire raffermit sa poigne sur sa maigre épaule. Elle avait l'air presque endeuillé. Claire comprit avec amertume qu'elle avait l'impression d'avoir perdu son fils, pour de bon.

– Il reviendra, se surprit-elle à prononcer. Il s'en sortira. Il apprendra à vivre avec ses démons, s'il ne peut pas les vaincre. Je suis certaine qu'il en est capable. Il reviendra à la maison, Muriel. Tout s'arrangera, je vous le promets.

Elle n'était elle-même pas sûre de croire à ces paroles, et au regard désespéré que lui lança Muriel, elle n'y croyait pas non plus. Regard désespéré tout de même accompagné de l'ombre d'un sourire triste et forcé. Et... Était-ce une lueur d'espoir qui brillait, cachée dans le fond de ses yeux ?

– Rien ne sera plus jamais comme avant, murmura Muriel en regardant droit devant elle. Je sais très bien qu'il ne redeviendra jamais le petit garçon enjoué qu'il était il y a quelques années...

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