XXV ● Trou noir.

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Le claquement résonna dans la petite chambre. Louis garda les yeux fixés sur la porte close, le tête inclinée sur le côté.

Que venait-il de se passer ? Claire avait eu un long moment d'absence, comme ceux qui lui arrivaient et que lui décrivait Maman parfois.
Claire aussi entendait-elle des voix ?

Non. Non, c'était impossible, complètement impensable. Elle était simplement perdue dans ses pensées, voilà tout. Il n'y avait que lui qui entendait des voix. Il n'y avait que lui qui était anormal.

Louis s'allongea sur le dos, les mains croisées derrière la tête, et attendit que les minutes défilent, lentement.

La porte de sa chambre finit par s'ouvrir et se fermer de nouveau dans un claquement sonore. Lorsqu'il tourna la tête, le docteur Asimov se tenait là, debout devant le lit, et le fixait de ses habituels petits yeux froids. Louis pouvait y lire un mépris sans fin, il en était absolument certain.

Sans un mot, le jeune homme se redressa en position assise et se leva. Ses jambes tremblaient sous son poids, il peinait à se tenir debout sans tomber à la renverse.
Il ne devait pas penser à de mauvaises choses, surtout pas avant le rendez-vous avec le docteur.

- Je vois que c'est une bonne journée ! lança d'ailleurs ce dernier en esquissant un sourire.

Louis ne parvint pas à savoir si son enthousiasme était fein ou non. Il haussa les épaules et se contenta de suivre le médecin hors de la pièce en silence.

Asimov le mena à travers les longs couloirs de l'hôpital, jusqu'à une petite pièce calme, dans laquelle ils avaient l'habitude de s'entretenir une fois par semaine, en plus des petites entrevues dans sa chambre.
Louis s'assit dans le petit canapé, placé sous la fenêtre, et prit le temps d'observer son environnement.

Il avait beau venir ici chaque semaine, à chaque fois qu'il pénétrait dans cette pièce lors d'un jour clair, il avait l'impression de la redécouvrir pour la première fois.
Il n'y avait pas beaucoup de place pour les meubles, mais l'endroit était plutôt décoré avec goût. Il était assis sur un canapé bleu, sur lequel pouvait sûrement tenir assises deux ou trois personnes. Face à lui, un petit fauteuil assorti. C'était là que s'asseyait le docteur Asimov pour lui poser des questions.
Contre le mur à sa gauche, il y avait une grande bibliothèque presque vide, qui montait jusqu'au plafond. Au pied du fauteuil, une petite table sur laquelle le docteur posait souvent ses papiers et toutes les notes qu'il prenait lors des séances.
Enfin, posée sur le rebord de la fenêtre, une plante verte avec une grosse fleur orange en son cœur. Louis fixa la fleur pendant de longues secondes, comme hypnotisé par cette vive et joyeuse couleur.

- Êtes-vous prêt, Louis ?

Le docteur s'était installé, et attendait patiemment le feu vert pour commencer. Louis hocha la tête et se cala confortablement contre le dossier moelleux.
Asimov sourit et se racla la gorge.

- Comment vous sentez-vous aujourd'hui ? Je vous sens plus en forme que d'habitude.

- Bien.

C'était loin d'être la vérité, évidemment. Mais Louis savait très bien que c'était ce que le docteur voulait entendre.
« Faire semblant d'aller bien », se disait-il en permanence. « Faire semblant d'aller bien même si tout va mal. Leur donner ce qu'ils veulent. Ils croiront que tu vas mieux, et ils te laisseront partir. Ils te laisseront rentrer à la maison. »

- Les voix ne sont pas là aujourd'hui, ajouta-t-il.

« Leur donner ce qu'ils veulent. »

- Je m'en doutais, cela se voit à votre visage. Vous semblez plus apaisé. C'est une bonne chose.

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