Chapitre 15 Partie 2

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"Vous êtes constamment entrain de lutter contre vos propres sentiments, vous en avez honte.

- Alors finalement vous attendez le jour où je vais céder et où vous pourrez me punir ?

- Seulement si ces sentiments me concernent."

Seuls lui et moi, on ne voit plus personne. C'en est si fascinant que le temps semble s'être arrêté autour de nous. Si près tous les deux, pour la première fois. J'oublie mes rêves, je ne veux plus y croire, je leurs dit 'au revoir' car il est là. Si près, j'attendais de pouvoir enfin le revoir.

Pourtant je sais déjà que rien n'est possible entre nous. A cause de lui je ne crois plus en un Prince inconnu. Comment garder un peu d'espoir alors que je vais le perdre ce soir ?

Jamais il ne retrouvera la liberté et même si je m'évertue à sonder le mal, je veux croire que je suis quelqu'un de bien.

"Pourquoi avoir accepté de me rencontrer ?

- Osez me dire que ça n'arrive pas souvent."

C'est vrai qu'il y a peu de tueurs qui refusent. Je suis leur seul lien social avec la réalité. Ils ont toujours cette essence narcissique qui les pousse à vouloir me parler, espérant m'impressionner et me dominer.

Donc je ne serais qu'une distraction aux yeux de Chris ? Il reprend :

"Il y a une noirceur en vous qui m'intrigue."

Je devrais être gênée et pourtant je me sens soulagée. Je frotte la paume de mes mains sur mes cuisses, son regard est si pénétrant et sa voix me trouble.

"Quand vous êtes entré déguisée au bureau du FBI avec cette pile de dossiers, j'ai su que vous n'étiez pas des leurs." Il semble réellement bien me connaître et surtout s'intéresser à moi.

"Est-ce que vous vous montrerez honnête avec moi ?

- Seulement si vous en faites de même !"

Il sait que je n'ai que trop menti depuis que notre rencontre. Les techniques habituelles ne fonctionnent pas avec Chris Ford. Je vais donc devoir me lier à lui si je veux en apprendre plus.

"Commençons par le début : avez-vous des regrets ?

- Si je vous disais que j'ai très envie de vous embrasser là maintenant."

J'ai un mouvement de recul sur ma chaise. Des frémissements dans le bas ventre, les mains moites et le cœur qui bat intensément. J'ai terriblement chaud mais je frissonne. Je le dévisage sans comprendre. Alors il rit et s'explique :

"D'abord vous êtes choquée parce que la morale vous dit que c'est mal. Mais en même temps c'est si dur de résister. C'est pareil pour moi."

Le mal n'est pas spectaculaire que ça, il a une forme humaine. Il est assis devant moi, il me parle avec des mots doux, il sait me charmer, il sait trouver les mots. Est ce qu'il veut faire de moi sa dernière victime ? Me troubler pour que je tombe dans ses bras et qu'il finisse par m'en punir ?

"On ne peut pas résister indéfiniment à ses envies Anna. Moi j'ai cédé aux miennes."

Même lorsque j'essaie de sonder son esprit, je ne trouve rien. C'est comme s'il ne ressentait rien.

Ou alors c'est un as de la manipulation.

Les psychopathes et les sociopathes arrivent à faire taire leurs émotions aussi il n'est pas rare que je ne ressente rien en face deux. Voilà pourquoi j'aime passer du temps en leur compagnie. Je me sens apaisée, calme.

"C'est mal mais... ça pourrait être si bon que l'on doit essayer et puis recommencer encore et encore."

Je fixe les lèvres de Chris depuis qu'il m'a parlé de ce baiser. Ce contact dont je rêve. J'en ai une terrible envie. Je n'ai jamais eu peur de la morale. Nombreux déjà sont ceux qui critiquent mon mode de vie.

C'est de Chris dont j'ai peur. Car si je l'embrasse, qui me dit qu'il ne me tuera pas à mains nues ? Ses si longs doigts pourraient presser ma gorge jusqu'à m'étouffer.

Tout est une question de possession. Regarder une femme dans les yeux et la voir rendre son dernier soupir, c'est être Dieu.

"Quel a été l'élément déclencheur à votre avis ?"

Mais alors il se renferme. Il fronce les sourcils et se refuse à me répondre. Ça serait admettre sa seule faiblesse. Cette introspection ne servira à rien car dans sa tête Chris est innocent. Ce sont ces femmes qui l'ont provoqué, lui n'avait rien demandé.

Je suis séduite par cet homme courtois et charmant qui se laisse aller à dévoiler une certaine intimité. Chris est un caméléon. c'est précisément ce qui l'a sauvé toutes ces années. Personne n'aura jamais eu l'idée de le regarder étrangement. Alors que toutes les disparitions auraient pu être liées, personne n'a osé soupçonner le bel Apollon, le dernier a avoir vu les victimes en vie.

Son pied glisse sous la table jusqu'à moi. J'ai le réflexe de me retourner et de fixer les tables vides autour de nous.

D'Instinct nous avons envie de croire que le mal a un visage et que les tueurs en séries sont forcément monstrueux. Ainsi nous n'avons pas peur que ça puisse nous arriver car nous saurons les reconnaître.

Les apparences peuvent être mortellement trompeuses. L'homme que j'ai en face de moi est le plus beau que je connaisse.

J'ai souvent repensé à ce qu'il m'avait dit à la BAU. Au fond il ressemble beaucoup à Matt et de nombreuses nuits j'ai essayé de me convaincre que c'est ce qui m'attirait : ce physique proche de celui de mon petit ami.

Mais maintenant que je suis face à lui, que son pied caresse mon mollet, je ne peux plus mentir. Je ne peux plus me mentir. C'est la dangerosité qu'il dégage qui m'excite. C'est la possibilité que je ne sache rien de lui qui m'attire.

J'emprisonne le pieds de Chris entre mes deux jambes. Ça le fait sourire. Je n'ai pas pour habitude d'être quelqu'un de très réservée mais avec lui j'ai peur de chaque geste. Je voudrais fermer les yeux pour mieux sentir son pied remonter le long de ma jambe et pouvoir caresser l'un de ses bras musclés.

Je le laisse faire, comme si nous n'étions pas au milieu d'une prison de haute sécurité. Il est à moins d'un mètre de moi et je ressens son magnétisme : cette force d'attraction exercée par les criminels sur nos âmes. Mais c'est bien sur l'homme que je craque. Pas le tueur.

Depuis longtemps j'ai accepté l'idée que le mal existe, que les choix irréversibles peuvent être totalement assumés par leurs auteurs.

Chris a un libre arbitre : et il a choisi de faire le mal.

La tenue de prisonnier lui va à merveille. Le bleu de l'uniforme est le même que celui de ses yeux, couleur d'un océan de glace, aussi froid et dur que son cœur. La chemise est ouverte sur un débardeur blanc ne laissant que peu de place à l'imagination. Ici il a tout le loisir de se muscler, de faire du sport. Il est rasé et il sent divinement bon. Je voudrais perdre mes mains dans ses cheveux, redessiner l'arrête de son nez et goûter ses lèvres. C'est parce que je ne peux pas l'avoir qu'il me tente tellement.

J'ai l'habitude de laisser mon charme opérer et que les hommes viennent à moi. On se ressemble tellement Chris et moi.

"Vous les laissez tous... Vous toucher." Il dit en remontant son pied entre mes cuisses. Je dois enserrer sa cheville pour qu'il n'aille pas trop loin.

"Est-ce que ça vous dégoûte ?

- Ça devrait en effet."

Au fond je suis curieuse de savoir si je pourrais lui plaire. Sa culpabilité étant déjà établi, je me demande ce que je vais devenir sans lui après des années passées à le chercher ?

Death Battle (sous contrat d'édition HQN)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant