II

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-Vite, vite, vite,vite, viiiite ! S'écrie Marine en slalomant entre les voyageurs.

-Mais May du calme on a le temps! Ne te presse pas.

Je tente désespérément de la rattraper alors que Edward traine encore des pieds à l'arrière. Il a l'habitude alors il n'essaie même plus de marcher à nos côtés. Pour la petite histoire nous ne somme absolument pas en retard mais May a peur qu'on n'ait pas le temps d'enregistrer nos bagages. Comme elle est arrivée dans la file bien avant moi, je passe sous la ligne de démarcation, ignorant les protestations des autres passagers et essayant de paraître le plus discrète possible aux yeux de la sécurité.

-T'étais vraiment obligée de te presser comme ça ?

-Mais on allait être en retard ! Rouspète-t-elle.

Je me retourne et balaie du regard les quelques passagers au nombre de trois, je précise, juste derrière nous.

-Mouais, c'est vrai qu'on en a dépassé du monde la.

Marine lève les yeux au ciel. Elle sait que j'ai raison mais je la connais, elle ne sera pas sereine tant que nous n'aurons pas atteint le guichet.

-Puis c'est pas de ma faute si on est en retard tu sais? C'est à cause d'Edward. Je dis pour me justifier. D'ailleurs même pas! C'est votre faute à tous les deux ! T'as oublié ton passeport tu te rappelles ? Et heureusement que je t'ai demandé si tu l'avais sinon tu t'en serais aperçue devant l'hôtesse et on aurait eu à se retaper tout le trajet.

J'aime beaucoup embêter mon amie du coup j'ai complétement ignoré l'air agacé qu'elle a pris tout au long de mon discours, mais très vite la culpabilité me ronge. J'avais oublié pour Glenn... Elle se sent vraiment mal par rapport à lui, même si elle fait tout pour le cacher.

Notre tour arrive et après enregistrement nous prenons le temps de nous arrêter dans un Relay histoire de voir s'il y a des livres susceptibles de nous intéresser. Non parce que mine de rien Paris-Séoul c'est une sacrée trotte ! Ed reste à l'entrée, lire ce n'est pas vraiment son truc comme pas mal de choses d'ailleurs excepté la danse.

Je trouve une petite merveille de Maxime Chattam, c'est vraiment un auteur que j'adore. Puis je cherche May pour lui montrer ma trouvaille mais je la vois finalement plongée dans son téléphone. J'espère que ce n'est pas ce que je pense... Je m'approche d'elle et c'est à peine si elle remarque ma présence tant elle est absorbée par ce qu'elle lit.

-Tu as trouvé quelque chose d'intéressant ?

Au son de ma voix elle lève immédiatement les yeux et range son téléphone dans la poche arrière de son jean en affichant un sourire gêné. Et elle pense que c'est naturel...

-A qui tu parlais ? Je demande sur un ton de reproche.

-Glenn vient de m'envoyer un message...

Oh non pitié... C'est exactement ce que je craignais.

-Et il t'a dit quoi ?

-Qu'on devrait peut être reconsidérer la chose, qu'il s'excuse de m'avoir jetée si brusquement et qu'il aimerait qu'on continue de se parler.

-Il a utilisé le mot "jetée"?

-Heu... Ouais ?

Je suis prise d'un rire nerveux, ce garçon me plaît de moins en moins. Mais je décide de lui poser une dernière question :

-Et qu'est ce que tu lui as dit toi ?

-Je comptais lui dire que je lui pardonne mais je n'ai pas encore répondu.

-Lui pardonner ? Lui pardonner ça implique quoi ? Me dis pas que tu es d'accord pour "reconsidérer la chose" ?

-Non pas ça...

-May le gars te parlait même plus ! Pendant des jours tu es restée sans nouvelles et puis un jour comme ça il réapparaît avec un "tu sais je pense que ça ne fonctionnera pas", deux jours plus tard avec un " je pense qu'on devrait reconsidérer la chose" et toi tout ce que tu trouves à faire c'est lui pardonner ? Mais encore à la limite lui pardonner ok parce que tu es comme ça mais reconsidérer la chose ? Ça va pas ?! Et puis qu'on mette bien les choses au clair, VOUS vous êtes mis d'accord en disant que cela ne fonctionnerait pas.

-Oui bon il ne m'a pas vraiment laissé le choix non plus.

-Non mais May ! Tu te rends bien compte que ce n'est pas possible? Tu me l'as dit toi même. Et puis je comprends que tu sois triste mais pense à tous les BG que tu vas rencontrer en Corée ! On part pour deux ans je ne sais pas si tu te rends compte que c'est comme commencer une nouvelle vie ! Glenn sera à New York ça ne mène à rien tu le sais.

Elle sourit malgré elle lorsque j'évoque les BG qui courent les rues en Corée du Sud. Elle sait que j'ai raison de toute façon, il faut juste qu'elle arrive à se détacher de lui une bonne fois pour toute, progressivement. Mais évidement ça ne va pas aider si ce con continue de lui envoyer des messages !

Je me mets sur la pointe des pieds pour voir Ed qui s'impatiente à l'entrée puis me tourne de nouveau vers May qui, s'étant retournée pour chercher un livre me permet d'avoir accès à sa poche arrière. Je récupère alors l'objet d'un geste rapide.

-Ça, je garde.

Elle se retourne, outrée.

-Non mais, mon téléphone Kali s'il te plaît.

-Non je le garde. Ce n'est pas en lui parlant que les choses vont avancer. Tu vas passer à autre chose et arrêter de te torturer.

-Laisse moi au moins lui répondre ! Insiste-t-elle.

-J'en vois pas l'utilité. Plus vite il comprendra que tu n'en as plus rien à faire de lui, mieux ce sera.

Elle bascule la tête en arrière en soufflant puis, dernière tentative, elle tend son bras en ma direction, la paume de la main tournée vers le plafond prête à recevoir l'objet.

-Kali rends le moi, je ne lui parlerai pas promis mais rends le moi.

-Je ne te crois pas, et toi non plus d'ailleurs tu ne te crois pas.

Je range le téléphone dans mon sac ( puisque oui moi comparée à elle je ne pars jamais les mains vides) et poursuis :

-Si tu as besoin de téléphoner et que c'est important le mien est à ta disposition. Si tu veux faire des photos, l'appareil est juste là, je dis en montrant l'objet à l'intérieur de mon sac encore ouvert.

Elle souffle, jette un dernier coup d'œil au livre entre ses mains puis le dépose soigneusement malgré toute son aigreur et se dirige vers la sortie.

-Tu ne le prends pas?

Elle se retourne pour me répondre :
-Non, j'ai plus envie de lire. Je regarderai des films. Mais toi va payer toi, je t'attends devant.

Si elle finit par me laisser son téléphone sans insister plus que ça, c'est qu'au fond d'elle elle sait qu'il le faut. Je récupère le livre qu'elle avait à l'instant dans les mains, lis rapidement la quatrième de couverture puis, voyant que c'est un ouvrage qui lui correspond, je décide de le prendre. Je suis persuadée qu'elle le voulait. Je m'avance jusqu'à la caisse et paie les deux articles avant de les mettre rapidement dans le sachet. Si May voit que je lui ai acheté, elle va me frapper alors je lui donnerai plus tard, lorsqu'elle sera plus calme et que je pourrai lire l'ennui sur son visage.

Seulement la nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant