Oh, une otarie

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                                                  What the phoque

                                                  —————

— J'espère que vous avez une bonne explication.

Depuis les profondeurs de son fauteuil de commandement, Harlock toisa lentement ses interlocuteurs de son meilleur regard de capitaine pirate implacable. En face de lui, Tadashi baissa les yeux en marmonnant une phrase inintelligible, Tochiro haussa les épaules d'un air désabusé, et Kei pouffa. Harlock fronça les sourcils. Ce n'était pas drôle, bon sang !

— On pense qu'elle est montée en même temps que le dernier chargement en vivres, lâcha Tochiro. Il y en avait plein à proximité de notre mouillage.

Le petit ingénieur haussa à nouveau les épaules.

— Celle-là devait être plus curieuse que les autres.

Harlock pinça les lèvres. Il restait très sceptique quant à cette hypothèse. Entrée par inadvertance, hein... Non, c'était impossible. Tochiro n'avait pas bâclé le travail lors de la conception, et l'Arcadia était en conséquence bien défendue contre ce genre de problèmes. Le capitaine irait tout de même vérifier par acquit de conscience, mais il était à peu près sûr que le dispositif anti-intrusion n'avait jamais cessé de fonctionner à la perfection.

— Curieuse ou pas, il va bien falloir nous en débarrasser, grogna-t-il. Vous avez demandé à Masu s'il est possible d'en faire un ragoût ?
— Capitaine ! protesta Kei avec une moue mi-réprobatrice, mi-dégoûtée. Je ne peux pas croire que vous pensiez à la manger, elle est si mignonne !
— Mignonne ? Kei, enfin, c'est un gros phoque ! Je me demande d'ailleurs comment vous avez pu penser une seule seconde que cette bête passerait inaperçue dans...
— Une otarie, l'interrompit Tochiro.

Coupé dans son élan, Harlock ne trouva rien de mieux à répliquer qu'un « quoi ? » perplexe, ce qui cassait net son effet. Zut. Comment pouvait-il engueuler efficacement son équipage s'ils n'étaient pas un minimum intimidés ?

— C'est une otarie, pas un phoque, répéta l'ingénieur d'un ton docte. Rapport aux oreilles, tu vois...

Harlock balaya la précision de la main. Non, il ne voyait pas du tout.

— Peu importe, trancha-t-il. En attendant, vous êtes priés de déménager cette chose du hangar.

Tadashi marmonna encore quelques syllabes. Le capitaine le fixa sans ciller. Il sentait pointer l'exaspération.

— Oui ? Quoi encore ?
— Je disais : il lui faut de la place et un bassin d'eau, reprit le jeune garçon à peine plus fort. Le hangar, c'est le meilleur endroit.

Harlock croisa les bras.

— Le hangar, on le dépressurise à chaque fois qu'on fait sortir un spacewolf, corrigea-t-il. Je ne pense pas que ta bestiole apprécie. Et je pense que tu aurais mieux fait de la laisser où elle était, d'ailleurs.

À la façon dont Tadashi rougit, Harlock déduisit que sa supposition était juste. Peut-être l'animal s'était-il montré plus téméraire ou plus curieux, mais il n'était pas arrivé jusqu'au hangar à spacewolfs sans aide.

Le capitaine soupira. Il ne pouvait pas en vouloir à Tadashi – il n'y avait pas mort d'homme, après tout. Mais franchement... C'était un gros phoque ! Le garçon n'aurait-il pas pu se prendre d'affection pour une bestiole plus petite ? Un crabe, par exemple ? Ou un poisson rouge ?

Anecdotes interstellairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant