La marche à suivre

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Figurez-vous que j'ai utilisé une liste de mots imposés pour construire ce qui tient lieu de scénario à cette fic. Puis j'ai jeté la liste. Ça s'appelle « ne pas suivre les consignes ». En revanche, ça me donne quelque chose de très long. C'est d'autant plus impressionnant que je n'avais pas tant de mots que ça. Je pense que le fait de les avoir utilisés dans leur sens littéral a dû jouer.

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Objet/ Ordre de mission n°009-09-2972
A/ 091800 LT // B/ 100600 LT // C/ 12 (1/2/9) //
D1/ 5303.7N-11845.5E // D2/ 5279.1N-11745.6E //
E/ Marche de nuit // F/ Navette de transport JP-8842 //
G/ Code de récupération EK-3 //

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La nuit s'annonçait rude. Ce n'étaient pas tant la météo capricieuse, les chemins inégaux, la carte imprécise ou les innombrables kilomètres restant encore à parcourir jusqu'au point de ralliement qui gênaient le plus Warrius Zero. Non, le souci venait de son équipe. Un groupe composé de cadets du premier cycle de l'Académie Astronavale Terrienne (c'est-à-dire de première, deuxième et troisième année), répartis soi-disant de manière homogène « pour équilibrer les groupes entre les différents postulants ».

Warrius eut un reniflement agacé. La bonne blague. Si l'état-major ne lui avait pas refilé un handicap dès le départ avec ces tocards, il voulait bien être pendu. Il les aurait tous plantés là avec plaisir et aurait terminé en solo si seulement il ne s'était pas agi de l'ultime évaluation avant l'attribution de son brevet de commandement. Après un mois ininterrompu d'épreuves théoriques en tous genres, il était à présent jugé sur ses capacités à tenir son rôle de commandant en situation réelle, laquelle consistait donc à amener son équipe d'une position A en pleine nature (ils avaient été parachutés dans une région isolée d'Amérique du Nord trois heures auparavant) à une position B une cinquantaine de kilomètres plus loin à vol d'oiseau. Une simple formalité après le calvaire des tests écrits, mais qui excluait toutefois d'égarer dans les bois la douzaine de cadets qu'il avait à sa charge.

D'autant qu'il y avait des ours, dans le coin, s'il se remémorait bien le briefing sécurité qu'un ranger accrédité avait débité à tout le monde avant leur départ.

— Cap'taine ! Hey cap'taine ! Capitaine Zero !

Warrius ralentit le pas et espéra que l'obscurité empêchait quiconque de distinguer la mimique exaspérée qui avait un instant déformé ses traits. Son interlocuteur était un enseigne à bout de souffle, et dont la carrure imposante était due à la graisse plutôt qu'aux muscles. Oh, bordel. Ils ne peuvent pas déjà lâcher maintenant, on vient de partir !

— On s'était dit qu'on pouvait peut-être faire une pause, cap'taine, haleta-t-il. J'sais pas vous, mais moi j'suis crevé.

Zero pinça les lèvres. Que ne lui avait-on confié une escouade de jeunes volontaires motivés, sportifs et enthousiastes ! Hélas, il avait déjà eu maintes fois l'occasion de constater que la réalité de l'Académie était bien loin de ses naïfs idéaux de gamin. Point de preux chevaliers désintéressés ici, mais plutôt un panier de crabes où l'on se disputait la place la plus prestigieuse à coups de manœuvres souterraines et de manigances politiques. Les cadets apprenaient vite que le « chacun pour soi » prévalait : son « équipe » le regarderait donc se démener tout seul sans faire le moindre effort pour l'aider. Son échec augmenterait d'autant leurs chances de progresser.

— Il paraît qu'il y a un abri sensass pas loin, capitaine ! insista l'autre avec une note d'espoir dans la voix.

Il paraît... Putain ! Zero se retint à temps de jurer tout haut. Son échec serait d'autant plus rapide si l'on sapait son autorité derrière son dos. Pourquoi n'avait-il pas envisagé cette possibilité plus tôt ?

Anecdotes interstellairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant