Un officier si prometteur - 1 : Acte 1

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— Par ici, commandant. En cas de problème, deux droïdes de neutralisation seront parés à intervenir. Vous n'avez rien à craindre.

Tout en introduisant son passe magnétique dans une borne de contrôle, le commandant Warrius Zero remercia d'un geste agacé son guide, un soldat de première classe obséquieux jusqu'à la nausée. Évidemment qu'il n'avait rien à craindre ! Le bagne de Terra Ultima était réputé pour la qualité de ses infrastructures, la rigueur de son personnel et l'inviolabilité de ses quartiers de haute sécurité. Ce n'était pas pour rien qu'on y envoyait les prisonniers les plus dangereux.

Zero retint une grimace. À tout bien prendre, il aurait plutôt préféré avoir quelque chose à craindre. L'atmosphère fortifiée et ultra-militarisée du lieu finissait par lui donner la chair de poule. D'autant que ce n'était pas comme s'il avait eu la conscience tranquille, hein... Il hésita. Nom de Dieu, qu'était-il en train de faire, au juste ?

Et surtout, pourquoi ?

— Faites-nous signe quand vous avez terminé, commandant, précisa le soldat tandis qu'une lourde porte blindée coulissait lentement devant eux.

Zero ne prit pas la peine de répondre. La bouche soudain sèche, l'officier terrien s'aperçut qu'il s'agissait en réalité de la dernière occasion qui lui serait donnée de faire marche arrière. S'il entrait dans cette pièce, il ne pourrait plus reculer. Quitte ou double.

Mais pourquoi ? se répéta-t-il. Pourquoi ?

Il ne cessait de se poser cette question. Il n'avait pas encore trouvé de réponse qui le satisfasse. Pourtant, au plus profond de lui-même, il n'avait jamais douté des décisions qu'il avait prises, des choix qu'il faisait et des chemins qu'il s'apprêtait à emprunter.

D'aucuns auraient appelé cela « le Destin ». Avec un grand « d », car d'aucuns étaient le plus souvent exagérément mélodramatiques. Warrius retint un soupir en se remémorant d'interminables tirades sur le Futur, la Paix Universelle et le Monde Idéal. D'aucuns étaient aussi de foutus doux rêveurs. Impassible, le commandant du Karyu observa le prisonnier pour lequel il s'était déplacé en personne sitôt qu'il avait appris la nouvelle de sa capture. Quel monde idéal pouvait-il donc bâtir maintenant qu'il était menotté à une chaise, enfermé derrière d'innombrables épaisseurs de blindage, chacun de ses clignements de paupières impitoyablement scruté par les caméras ? Et surtout, pourquoi Zero s'obstinait-il à croire que ce genre de rêve un peu dingue méritait de perdurer ?

L'officier prit une longue inspiration et, d'un pas assuré, entra dans la pièce dans laquelle se joueraient à huit-clos les prochaines pages de sa vie. S'y trouvaient une table métallique et deux chaises boulonnées au sol. Celle qui était occupée faisait face à un miroir sans tain couvrant la totalité d'un mur. Zero s'installa posément sur la deuxième.

Allons, trêve de tergiversations. C'était parti pour le grand jeu. À lui de s'assurer à présent que la représentation ne tourne pas au drame.

— Commandant Warrius Zero, se présenta-t-il du ton le plus militaire qu'il ait jamais employé. Capitaine, je suis chargé de votre interrogatoire. Vous êtes autorisé à requérir l'assistance d'un avocat pour vous conseiller dans vos réponses. Dans le cas où vous ne souhaiteriez aucune aide, un avocat commis d'office vous sera toutefois attribué pour votre procès.

Zero savait ces formalités verbeuses inutiles, mais il ne pouvait y couper. Il ignorait combien de hauts gradés s'étaient entassés dans la mezzanine derrière le miroir sans tain, mais on pouvait sans trop se tromper estimer que tout le gratin de la garnison disséquerait ses moindres paroles. Tout écart à la procédure apparaîtrait donc suspect.

Anecdotes interstellairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant