Consultation sans rendez-vous - 1 : Medical blues

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Le capitaine Harlock s'était réveillé avec la désagréable impression de ne pas avoir fermé l'œil de la nuit, ce qui était probablement assez proche de la réalité s'il en jugeait par le champ de bataille qu'était son lit. Bon sang, il avait vraiment espéré que la demi-bouteille de brandy d'hier soir aurait amélioré les choses. Il renifla, envisagea brièvement la possibilité de rester couché au chaud, et y renonça après avoir étudié son horloge d'un air mauvais. Non, il était déjà beaucoup trop tard.

Il s'assit à contrecœur et se massa les tempes en soupirant. Alors... Ce cognement sourd sur l'arrière de son crâne pouvait, à la rigueur (et avec beaucoup de mauvaise foi, il devait le reconnaître, car il savait très bien qu'il n'avait pas assez bu pour obtenir de tels effets), être attribué à la gueule de bois. Peut-être même pouvait-il y inclure cette barre au niveau des sinus... Il déglutit. En revanche, il était tout à fait impossible d'imputer à l'alcool cette sensation de brûlure qui lui déchira le fond de la gorge lorsqu'il avala péniblement sa salive. De toute évidence, l'ennemi était plus coriace qu'il n'avait cru.

La situation devenait critique.

Il grogna. Il détestait devoir l'admettre, mais il était actuellement impuissant à combattre. Il lui fallait l'aide d'un spécialiste.

Il mit encore cinq bonnes minutes pour se persuader de se lever, puis cinq autres pour s'habiller. Sans son holster ni sa cape, qui gisaient sur le sol à l'endroit où il les avait laissés la veille au soir – la seule idée de se pencher pour les ramasser faisait empirer son mal de tête. Il hésita, se passa la main sur le visage en se demandant ce qu'il faisait debout alors que son oreiller lui lançait des appels enjôleurs, se rappela à temps pourquoi il endurait tout ça et réussit finalement à se mettre en route, légèrement vacillant. Il avait le curieux sentiment d'évoluer dans du coton, et parvint à sa destination après un trajet qui lui parut beaucoup plus long que d'habitude.

— Tiens ? Bonjour, capitaine. Vous vous êtes égaré ? lança l'occupant des lieux d'un ton bonhomme.

À l'intérieur de l'infirmerie, le docteur Zero, la cinquantaine bien tassée, le cheveu grisonnant et la main prompte à saisir n'importe quel verre de saké passant à sa portée, souriait d'un air innocent. Quiconque le connaissait un tant soit peu savait qu'il éprouvait en réalité un plaisir vicieux à piéger dans son antre son patient le plus récalcitrant – à savoir : son capitaine.

— 'jour, grommela Harlock en retour, ce qu'il regretta aussitôt (apparemment, ses cordes vocales s'étaient mises en grève, et sa monosyllabe se transforma en un borborygme rauque, puis en une quinte de toux douloureuse).
— Houlà, vous n'avez pas l'air en forme, fut la seule réaction de Zero.
— Je... Je ne sais pas ce que j'ai attrapé exactement, mais je crois que j'ai besoin d'un traitement de choc, répondit Harlock après deux tentatives infructueuses et une crise d'éternuements.

Le médecin croisa les bras posément, se planta devant lui et le toisa calmement.

— Je diagnostique une rhinopharyngite aiguë, lâcha-t-il.
— Une quoi ?
— Un rhume. Les gars l'ont ramené de Kryptis il y a trois semaines, et depuis les microbes se baladent dans la ventilation.

Harlock eut une moue dubitative.

— Un rhume ? Doc, je sais à quoi ressemble un rhume. Ça... – le capitaine s'interrompit le temps d'éternuer une nouvelle fois – ce n'est pas un rhume.
— D'accord, admit Zero. C'est un gros rhume.

Le médecin fit un geste nonchalant de la main.

— J'ai déjà vu passer la moitié du bord avec les mêmes symptômes. Vous voulez m'apprendre mon boulot, capitaine ?
— Attendez... Je ne me suis pas déplacé ici pour un rhume ! s'exclama Harlock tandis qu'il envisageait avec angoisse que cela puisse effectivement être le cas (et tout ce que cela impliquait quant à sa réputation). Vous avez pensé... je ne sais pas... à une arme biologique, par exemple ?
— Pas une seule seconde, trancha le doc. C'est un rhume.

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