Simple curiosité scientifique - 2 : Simple question de pragmatisme

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Ce qui était certain en tout cas, c'était qu'ils avaient trop bu. Beaucoup trop.
Assis sur le rebord d'un lit qui s'était obligeamment présenté à son séant, le commandant Warrius Zero essayait obstinément de recaler ses idées sur la réalité. Sa tête tournait cependant trop pour que ses efforts soient couronnés de succès. D'autant qu'il n'était pas vraiment sûr si les vertiges qu'il ressentait étaient dus à l'alcool ou au dernier baiser d'Harlock.
Zero était forcé de le reconnaître, ce foutu pirate était plutôt doué en la matière. Le militaire n'avait jamais imaginé que cela puisse lui faire de l'effet avant que... eh bien, avant que cela ne lui fasse de l'effet, justement.

Son esprit vagabondant dans des contrées ouatées, le commandant terrien testa distraitement le moelleux du lit, le trouva à son goût, puis il se souvint qu'il s'agissait du lit d'Harlock, dans la chambre d'Harlock, à l'intérieur du vaisseau d'Harlock. Il rougit, se leva, tituba, se rassit.
Il y avait un dysfonctionnement au niveau de la stabilisation du vaisseau, songea-t-il. Camelote pirate, pas fichue de tenir correctement l'ancrage. Ou l'orbite. Il n'en savait rien à vrai dire, pas plus qu'il ne savait comment il était arrivé de ce bar si pittoresque jusqu'ici. Il renonça à étudier la problématique (trop compliqué), et décida finalement de profiter des oreillers, d'ailleurs beaucoup trop nombreux pour un lit décent de capitaine de vaisseau, pirate ou non.

Warrius se demanda s'il pourrait réclamer des coussins supplémentaires pour son propre lit, à bord du Karyu. Probablement pas. Il soupira.

— Et maintenant ? interrogea-t-il d'une voix pâteuse.

Harlock, sa combinaison de vol bleue ouverte jusqu'au nombril, s'assit à califourchon sur son ventre. Ou plutôt s'avachit, l'alcool ne l'avait pas laissé indemne lui non plus.

— Maintenant, va falloir qu'on discute des modalités pratiques, répondit le pirate.

Zero haussa un sourcil.

— Quoi, tu ne sais pas comment t'y prendre ?

Son cerveau embrumé réfléchissait à un sarcasme, assorti peut-être d'un sobriquet gentillet de type « jouvencelle », mais Harlock le prit de vitesse.

— Non, ce que je veux dire, c'est : « quel côté » ?
— Comment ça, quel côté ?
— Ben, dessus ou dessous ? T'as une préférence ?
— Mais... bafouilla Zero. J'en sais rien, je n'ai jamais essayé !
— Je te laisse choisir. Moi, peu m'importe.

Affirmation qui sous-entendait des tas de choses au sujet des habitudes sexuelles d'Harlock, mais Warrius préféra ne pas creuser la question.

— On joue ça à pile ou face ? éluda-t-il.

En fait, peu lui importait lui aussi. De toute façon, au point où il en était... Sa curiosité avait été éveillée, son esprit aventureux était d'avis que l'expérience était à tenter, d'un côté comme de l'autre, et il trouvait en fin de compte Harlock diablement attirant.
Et puis, vu leur état à tous les deux, ils avaient peu de chances d'en garder le moindre souvenir, alors...

Zero tenta tant bien que mal de faire abstraction des mains baladeuses d'Harlock et de raisonner froidement (pas facile). Un instant, ne nous emballons pas... Tout était-il en ordre pour procéder dans de bonnes conditions ? Le militaire hésita. De quoi avait-on besoin, déjà ? ... À part d'un peu plus d'alcool, corrigea-t-il tout en acceptant une nouvelle lampée de la bouteille de dieu sait quoi qu'il partageait avec Harlock.
... Ah, oui.

— Capotes, lâcha-t-il.

L'information ne perturba pas le pirate, très occupé à batailler pour déboutonner les boutons de l'uniforme de son vis-à-vis (Zero ne se rappelait d'ailleurs pas que son uniforme était si difficile à enlever, mais bon...).

— Eh, insista Warrius en bougeant les hanches, faisant tressauter le pirate toujours assis sur lui.

Harlock finit par daigner lui accorder un peu d'attention. Même si, considérant la façon dont il plissait les yeux, il semblait avoir quelques soucis à obtenir une image nette de son interlocuteur.

— Bah, ce n'est pas comme si on risquait de faire des enfants, hein...

Zero grimaça. Pour autant qu'il sache, ce genre de petit objet ne servait pas uniquement à ça et il trouvait la légèreté d'Harlock quelque peu déplacée. En conséquence, l'officier terrien se contorsionna, tâtonna un moment avant de retrouver sa veste (qui s'était curieusement sauvée sous le lit), puis fouilla les poches intérieures.

— C'est bon, grogna-t-il. J'ai ce qu'il faut.
— Tu t'en sers avec Marina ?

La voix d'Harlock contenait une note de curiosité. Le pirate se reprit néanmoins juste avant de sortir une bêtise et revint à ses opérations de déshabillage sans rien ajouter.

— Faut pas du lubrifiant, aussi ? ajouta Zero qui cherchait péniblement à mettre à jour sa check-list mentale.
— Ah. J'ai.

Harlock ouvrit le tiroir de sa table de chevet.

— C'est Tochiro qui l'a laissé là, se sentit-il obligé de préciser.
— Je ne veux même pas songer à ce que tu fais avec Tochiro.
— C'était une blague de sa part ! se défendit Harlock.

D'un ton qui n'était pas du tout convaincant, soit dit en passant.

Zero ricana. Le visage du pirate affichait soudain l'expression de qui vient de se surprendre en train de révéler davantage sur sa vie privée qu'il n'en avait initialement eu l'intention. Mais le militaire n'allait pas non plus compatir. Eh ! Après tout c'était Harlock qui avait commencé, non ?
Par ailleurs, le pirate n'avait-il pas parlé « d'actualiser ses éléments de comparaison », plus tôt dans la soirée ? Ah, Harlock voulait comparer ? Eh bien il allait pouvoir constater de ses yeux, s'il en était besoin, que le commandant Warrius Zero, officier supérieur des forces terriennes indépendantes, n'était pas homme à renâcler devant les obstacles. Et qu'il mettrait tout en œuvre pour réaliser la meilleure performance. Question d'honneur. Ou quelque chose d'équivalent.
Warrius se passa la langue sur les lèvres.

— Bon. Où en étions-nous ?


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