le temps qui passe est assez contradictoire dans ma tête. Si il m'a l'air de filer à vitesse grand V dans les bras d'Ingrid, il s'étire avec une lenteur désespérante quand je regarde le ventre de Jessy. J'ai l'impression que les neuf mois de grossesses durent depuis des années et je suis tellement impatient de rencontrer ma fille. J'ai encore du mal à réaliser tout ce qui m'arrive, Ingrid et moi vivons enfin ensemble, dans un appartement non loin de la caserne. Elle a retrouver un boulot de secrétaire, pas dans un établissement scolaire cette fois, mais à la clinique Saint Hilaire.  Lorsque j'ai retrouver Ingrid et que j'ai du lui annoncer la grossesse de Jessy je dois dire que j'ai eu très peur, quel meilleur moyen de la faire fuir que d'avoir un enfant avec une autre, mais bien au contraire, elles passent des heures toutes les trois à préparer l'arrivée de la petite, entre chambrée et garde robe, leur nouvelle complicité va bien au delà de mes espérances. Le mois de novembre touche bientôt à sa fin, dans un mois nous fêteront Noël. La ville a déjà commencée à revêtir ses illuminations.  C'est le 23 novembre que tout bascule, le téléphone qui sonne de bonne heure et Sabine qui m'annonce, paniquée, que Jessy perd les eaux. Je reste comme un couillon, le cul dans mon lit à l'écouter. Ingrid me prend le téléphone des mains pour lui dire qu'on les rejoint. Elle saute du lit et fonce dans la salle de bain. Elle sort la tête au bout de quelques secondes, visiblement étonnée que je n'ai pas déjà rejointe:

"- Bah alors? Dit elle, qu'est-ce que tu attends?"

A quatre pattes elle me rejoint sur le lit:

"- Si tu ne te remues pas tu vas rater la naissance de ta fille, souffle t'elle contre mes lèvres.

- Ma fille, dis je incrédule."

Je l'attrape par la taille et la fait rouler sur le côté en riant. Tout en m'habillant, je compose le numéro de ma mère. Quand je lui annonce, un cri strident vient me vriller les tympans, si moi je ne profite que d'un mon pauvre père, lui, doit le subir au centuple. Je lui dis de nous rejoindre au service maternité du CHU Charles Nicole. J'ignore par quel miracle, mais mes parents arrivent quasiment en même temps que nous, je pourrais presque soupçonner ma mère de dormir habillée pour être sur de ne rien rater. Je fonce vers l'accueil quand je vois Sabine arrivée, une blouse enfilée par dessus ses vêtements et une charlotte sur la tête. Je la serre dans mes bras:

"- Comment va Jessy?

- Très bien, ils viennent de lui faire la péridurale.

- Déjà? S'étonne ma mère, ils ne lui font pas un peu tôt? Une première naissance n'est jamais aussi rapide, elle risque de ne plus faire effet quand...

- Jessy est une femme de caractère, sourit Sabine, si elle décide qu'elle doit sortir, croyez moi, elle va sortir."

Je ne peux qu'acquiescé. Une infirmière nous rejoint alors:

"-  Le travail a commencé, qui vient assister la maman?"

Je sens bien le regard insistant de l'infirmière, et je ne suis pas le seul à le ressentir, elle cherche le papa. Je prend Sabine par les épaules:

"- Allez fonce rejoindre ta femme, elle a besoin de toi. "

Sabine disparaît au pas de course. Ingrid me prend la main:

"- C'est vraiment bien de ta part de...

- La question ne s'est même jamais posée, lui dis je en souriant. Ma place n'est pas aux côtés de Jessy mais aux côtés de ma fille et pour le moment elle n'est pas encore là."

Nous nous installons tous les quatre dans la salle d'attente, je crois que je pourrais vider la machine à café tellement je suis nerveux. Tom et Laura nous rejoignent à leur tour. Après presque une heure d'attente, Sabine arrive, un sourire jusqu'aux oreilles:

"- Jessy est remontée en chambre avec la petite, elle est magnifique.Elle mesure 53 cm et pèse 3 kg 700"

Je serre Ingrid contre moi:

"- Ça y est, dis je, je suis papa."

Je sens la main de mon père sur mon épaule:

"- Félicitations."

Je me tourne vers lui pour échanger la traditionnelle accolade père/fils. A cet instant, dans le regard de mon père je ne suis un petit garçon, je deviens son égal, à cet instant, je deviens un homme. Sabine ouvre la porte de la chambre ou nous la suivons tous, Jessy a les traits fatigués, mais elle est radieuse. Dans ses bras, se niche une petite forme coiffée d'un petit bonnet rose, ma fille. Je m'approche et m'assois sur le bord du lit. Elle la positionne de façon à ce que je vois sa bouille:

"- Tu veux la prendre?"

J'hésite, elle a l'air tellement bien, là, pelotonnée contre la poitrine de sa mère, que j'ai peur de la déranger. Jessy se redresse et ne me laisse pas réfléchir plus longtemps, elle me l'installe dans les bras:

"- Alors, dis je, quel prénom avez vous choisi?

- Dany, dit-elle, un diminutif de Danielle en hommage à ma maman."

Nous avions plusieurs choix, mais la décision finale revenait aux filles et je suis ravi qu'elles aient fait ce choix. J'adore. Dany ne pleure pas du tout, au contraire, elle cale sa minuscule tête dans le creux de mon coude. Ingrid vient me rejoindre et pose sur le bébé un regard attendrie:

"- Elle est magnifique mon chéri."

Ma mère s'approche à son tour, je la vois s'essuyer le coin des yeux. Je me lève et lui pose Dany dans les bras. Mon père, pose les mains sur ses épaules. les voir ainsi tous les deux, le regard baissé vers ce petit être...je veux que cette image reste graver dans ma mémoire à jamais. Laure pose son téléphone portable sur une tablette à roulette et le cale en mode photo:

"- Serrez-vous bien, que j'ai tout le monde."

Sabine s'installe à la droite de Jessy, Dany caler entre elles deux. Je me met à sa gauche, Ingrid serrer dans mes bras devant moi. Mes parents se placent sur le côté, Tom avec eux. Laure enclenche le retardateur  et se dépêche de rejoindre Tom avant le flash. Je crois qu'à cet instant, je peux affirmer qu'il n'y a pas plus heureux que moi. 





Ben (les loups 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant