Chapitre 3

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Seuls.

C'était exactement le mot qui les décrivait en cet instant même, dans cette maison en ruine, face à cette ville désertée. Près de Noa, accroupi, Evan ne bougeait plus, trop abasourdi par cette dure réalité. Seules ses lèvres remuèrent pour ne murmurer que deux petits mots :

« Comment... ? Pourquoi ?.... »

Personne ne lui répondit, pas même Noa, qui l'avait très bien entendu. Sous le choc, la jeune fille lâcha le carnet, qui retomba mollement sur le sol mousseux de l'ancienne bâtisse. Il y'a quelques instants, émettre l'idée qu'ils avaient été cryogénisés lui avait paru... totalement folle, mais plausible, et même avec cela, elle avait eu du mal à y croire. Et à présent que cette hypothèse était confirmée, elle ne savait plus comme réagir. Devant elle, Emma tomba à genoux, ses poings frappant le sol avec une violence qui s'accordait mal avec son corps frêle.

« 13 ans ! On a passé 13 ans à croupir dans ce... ce sous-sol, enfermés comme des bêtes ! »

Elle releva la tête, relâchant ses bras le long de son corps, contemplant l'unique témoin de leur découverte : le ciel. Elle semblait lâche, dénuée de tout sentiments, en cet instant vertigineux, comme si elle implorait silencieusement le ciel de la renvoyer en arrière, loin de cette horrible histoire de temps.

« J'ai toujours voulu partir, commença-t-elle plus doucement, mais jamais de cette façon... » Une larme coula le long de son visage fin, traçant un sillon cristallin sur sa joue rose. 

D'une manière qui ne lui ressemblait pas, Damien s'assit à ses côtés et posa une main réconfortante sur son épaule, se sachant que dire. Les deux compères regardaient la Toison Argentée, cherchant à se perdre dans l'immensité bleue pour oublier l'affreuse trouvaille, sans se soucier des autres, qui attendaient toujours. Alex, par exemple, et Joshua, semblaient les plus pied-à-terre, bien qu'ils soient tout autant choqués. Face au vent, debout, ils avaient baissés la tête et contemplaient leurs pieds, les poings serrés, le corps tremblant pour Alex, rigide pour Joshua. Noa ne savait à quoi ils pensaient, à quoi leurs esprits voulaient se raccrocher, un souvenir heureux, peut-être... elle, elle n'en avait pas, de toute façon, alors autant voir la réalité en face. A ses côtés, Evan bougea enfin, comme sortit de sa torpeur, et se leva, se dirigeant vers Emma et Damien, qui étaient toujours assis, la main de Damien ayant quitté l'épaule de la jeune fille pour aller retrouver le sol. Evan, donc, les rejoignit et s'assit près d'eux, en silence, comme pour montrer qu'ils étaient dans le même pétrin, et qu'il comprenait, qu'il partageait la même douleur. Il fut bientôt rejoint par les deux blonds, qui s'assirent à leurs tours, formant une ronde silencieuse dans le vent, dans ces ruines inconnues. Ils n'étaient même pas chez eux, dans leurs villes natales ! Noa hésita à les rejoindre. Elle ne les connaissait pas, ne savait pas d'où ils venaient, quels étaient leurs antécédents, leurs vies. Certes, ils s'étaient tous réveillés au même endroit, avaient tous été cryogénisés pour une raison quelconque, mais cela ne faisait pas d'eux des meilleurs amis, si... ? Elle soupira, et jeta un coup d'œil au carnet qui était tombé de ses mains. Laissant les autres dans leur sorte d'hommage silencieux, elle rattrapa le journal à la couverture froissée, et tourna les pages à un rythme effréné. Ils avaient pu lire une date, elle pouvait trouver des renseignements sur leur situation ! L'écriture était fine, en patte de mouche, comme autrefois, et les pages humides à cause du temps, qui décrépissaient dans sa main. Noa eu un mal fou à décrypter les fines lignes qui s'étendaient sur les pages jaunies et déchirées du carnet, qu'elle avait approché à moins d'un centimètre de son visage. Ses mains étaient agrippées dessus, elles ne voulaient plus le lâcher, de peur qu'il s'envole et disparaisse loin d'elle, emportant pour toujours le secret de l'enfermement des six jeunes. Elle ne voulait pas se laisser aller, elle ne voulait pas laisser entrer en elle la crise de nerf qui attendait depuis si longtemps déjà. Elle voulait savoir, juste comprendre pourquoi on leur avait supprimé 13 années de leur vie d'ados, et que, pendant ce temps là, les gens avaient déserté leurs villes. Une main attrapa le carnet du dessus, et le détacha du visage crispé de Noa, laissant apparaître Alex, un pauvre sourire étirant ses lèvres. Ses longs cheveux couleur paille semblaient flotter dans le vent, encadrant un visage fin, aux traits délicats. Depuis leurs sorties des caissons, c'était la première fois qu'elle pouvait la détailler d'aussi près, et en profita. Ses iris étaient d'un bleu profond, comme l'océan, où on pouvait s'y perdre en douceur, et c'est ce que Noa aurait voulu, en cet instant même. L'objet de son attention, agenouillé près d'elle, se rapprocha, et posa ses mains sur ses épaules, le regard franc –et un peu humide.

RadioactiveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant