Chapitre 14

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Mine de rien, leur petite altercation leur avait prit toute leur fin d'après-midi, et c'est vers 18h15 que le groupe décida de se réunir dans le dortoir des garçons, se réunissant à part égales sur les couchettes des trois cryogénisés, profitant du fait qu'à l'inverse des filles, leur coin de repos était disposé dans un endroit plus à l'écart des autres habitants, et donc plus tranquille.

La salle était identique que la pièce réservée aux filles, carrée avec plusieurs lits en fer et quelques paillasses disposées au sol, comme celles que possédaient les trois garçons. Même si ce n'était absolument pas le moment, Noa se surprit à se demander pourquoi les hommes et les femmes étaient-ils séparés de la sorte, alors que plusieurs familles vivaient – ou avaient vécues – ici. Histoire de garder les choses sous contrôle, j'imagine... exactement le contraire de ce qu'il nous arrive.

Après que Marshall ait donné la photo, Ryker avait jugé bon de les laisser entre eux décider du meilleur à faire pour la suite. Lui aussi avait été étonné par la légende qui accompagnait la photo, tout comme Erin, mais avait assuré que ce nom, Radiant X, ne lui disait rien. Mais sa surprise n'était rien comparée à celle des adolescents. Tel un seul homme, ils s'étaient tous raidis, leurs visages prenant alors la pâleur habituellement réservée aux spectres, à un point que même Noa s'était sentie fléchir. Elle qui avait absolument voulu rattraper ce temps d'incompréhension, de dépasser ce moment de crise qui avait faillit l'engloutir comme un raz-de-marée, la voilà qui tremblait devant une photo et l'évocation d'une participation à... une expérience scientifique. Bien sûr, ils auraient dû s'attendre à cela, après le réveil dans les caissons et surtout, la découverte des tatouages, ils s'étaient doutés qu'on avait trafiqué quelque chose sur eux, qu'on avait pu les prendre pour des sujets de tests ou pire encore. Mais ce qui plongeait davantage Noa dans une spirale de questions et d'inquiétude était le terme « collaborateurs ». Cela voulait-il dire qu'ils avaient prit part à un projet de leur propre initiative, ou était-ce une manipulation des supérieurs de Marshall pour les faire venir ? Quoi qu'il en soit, en voyant les visages de ses camarades de galères en cet instant, elle savait qu'ils pensaient tous la même chose. Leurs esprits d'ados encore libre de penser à ce qu'ils voulaient il y'avait 13 ans étaient désormais confrontés à l'inéluctable, un fait qui leur paraissait loin et pourtant tellement vrai, la dure réalité qui ne cessait de leur revenir en plein visage, comme à chaque fois qu'ils apprenaient quelque chose qui dépassait leur limite de l'imagination.

Ils s'étaient passé la photo entre eux, avaient détaillé chaque pixel de l'image pour tenter de déceler la moindre anomalie qui pourrait expliquer ce qu'ils voyaient, qui pouvait les convaincre qu'ils ne voyaient qu'une mise en scène affreusement réelle, pour ne voir que, même si le terme « expérience scientifique » n'était pas employé dans la légende, la photo le représentait parfaitement. C'était une photo d'eux six, allongés sur des tables de fer tandis qu'un simple drap recouvrait leurs peaux nues. Ils avaient fermés les yeux, et semblaient dormir paisiblement, comme s'ils étaient de retour dans leur ancienne vie. Mais pour Noa, cette image lui donnait une autre vision, bien plus morbide et surtout qui lui donnait des frissons que jamais auparavant elle n'avait éprouvés depuis le début de leur « aventure ».

Elle avait l'impression d'être morte.

C'était comme si on venait de lui verser un seau d'eau glacée sur la tête, et qu'elle sentait le liquide glisser sur son corps, jusqu'à atteindre ses veines pour venir les glacer, l'enfermant dans un cocon invisible qui l'empêchait de faire le moindre geste, de prononcer la moindre parole. On l'avait déposée sur une table de dissection (ou ce qui y ressemblait), dans le plus simple apparat, l'éclairage présent dans la pièce à ce moment-là reflétant la pâleur spectrale de son corps livide ; on lui avait fait des choses – car c'en était désormais certain, on l'avait touchée, sans qu'elle ne s'en souvienne. Et ils étaient cinq dans le même cas. Six, en tout, à essayer de trouver une réponse à ces déversement intempestifs d'informations brutes, qui n'avaient pour eux aucun sens, aucune direction. Ils étaient perdus, loin de toute chaleur réconforte d'un endroit que l'on connaît, et on les appâtait avec un jeu de piste pour leur donner la réponse ; rien de plus déprimant et d'horrible à la fois, mélange de curiosité et d'appréhension.

RadioactiveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant