Après plusieurs minutes, ce fut lui qui brisa le silence en premier.
"Alors, dis moi Sofia, j'ai une question qui me titille depuis tout à l'heure...
- Je t'écoute.
- Comment t'as fait pour survivre, trois mois, il me semble, toute seule, sans personne?Celle-là, je l'attendais.
"Bah je suis allée piquer tout ce dont j'avais besoin dans les supermarchés, et...
- Oui, ça je m'en doute, me coupa-t-il, mais je veux dire comment tu as fait moralement? T'avais plus ta famille, t'avais plus tes amis, comment t'as pu surmonter ça?
- A vrai dire, je ne sais pas moi-même. Au début, j'étais désemparée, c'était impossible à surmonter, puis j'ai repris de l'aplomb, j'ai fait tout ce qui me passait par la tête, tout ce que j'avais envie de faire. J'ai fait une liste de tout ce que je voulais faire, plein d'activités et d'envies que j'avais dans la tête, pour oublier la déprime. Je voulais tout cocher. Je suis allée dormir dans des hôtels de luxe, j'ai fait su shopping, j'ai fait de la voile, j'ai visité des palais et des grandes maisons, je voulais faire un truc chaque jour. Je voulais me faire plaisir, je voulais oublier ma solitude, j'essayais de refouler la tristesse...Je levai la tête. J'avais un don pour instaurer le silence. Mais il m'avait écouté, et j'étais prête à parier qu'il avait tout retenu. Alistair me regardait avec ses yeux bruns, il me fixait, j'avais l'impression qu'il lisait en moi. Cette idée ne me plaisait pas du tout, il fallait que je coupe le silence.
"Et toi? Mis à part que tu t'appelles Alistair et que tu conduis très mal, je ne sais rien de toi. Je t'écoute.
- Ah mais moi je suis pas comme toi je n'ai pas une histoire à raconter!
- Je suis sûre que si, t'avais bien une vie avant de te retrouver là?
- Ouais, je suis, enfin j'étais au lycée, je vivais avec mes parents, et puis pas grand-chose d'autre quoi...
- Ouah! Impressionnant! fis-je, sarcastique. Bon sinon, t'as l'habitude de conduire?
- C'est ça qui t'intéresse? C'est quand t'as appris que j'avais une voiture que t'as accepté que je vienne chez toi...
- Bien vu, avouai-je, je veux me casser d'ici, voir ailleurs, si jamais il y aurait d'autres personnes à part nous...
- Ouais, mais une voiture, ça roule pas indéfiniment... on la trouve où, l'essence?
- Dans une station essence? Je crois que certaines pompes à essence ne fonctionnent pas à l'électricité
- Bon, admettons... Mais on irait où? J'ai pas la carte des autoroutes du pays dans la tête moi!
- On est pas obligés d'avoir une destination précise... On peut simplement prendre les routes, s'arrêter dans une ville, chercher, y rester quelques jours, et repartir autre part.
- Soit, c'est une idée comme une autre... Mais on dort où?
- Dans des hôtels... Tu sais, quand t'es seul, il n'y a plus aucune loi, tu peux faire tout ce que tu veux et personne ne te dit rien...Et la discussion continua comme ça pendant plusieurs dizaines de minutes, jusqu'à l'heure du repas. Je n'avais pas grand-chose à proposer à Alistair. Des conserves, des pâtes, du fromage et du chocolat, mais il ne se plaignit pas. Pour l'instant, je n'arrivai pas trop à cerner sa personnalité. J'étais un peu distante à cause de son arrogance au début.
Après le repas, je montai dans ma chambre et j'enfilai des vêtements de sport. Je voulais sortir, courir un peu. Je descendis les escaliers et je m'apprêtai à sortir lorsqu'Alistair m'interpella.
"Tu vas où?
- Je vais courir un peu, répondis-je
- Ok, si quand tu reviens je ne suis pas là, c'est que je suis allé jeter un œil dans un magasin.
- D'accord, fis-je, soulagée qu'il ne veuille pas me suivre.Il n'y avait plus beaucoup de neige sur la route, et je ne risquai pas de glisser. Je me mis donc à courir, prête à faire mon parcours habituel. Je passai toujours au même endroit, je connaissais chaque rue, chaque emplacement des maisons. Je ne m'arrêtai qu'au petit parc, et je m'assis sur le banc, pour contempler la vue... L'hiver était ma saison préférée. Ce n'était pas l'hiver, mais tout comme. Le paysage était enneigé, une couche de blanc immaculé sur les champs, les toits des maisons, dans les rues, tout était si sublime, et si calme... Je ne ressentais plus la même solitude qu'avant grâce à l'arrivée d'Alistair, mais je sentais que je n'allais pas nouer des liens forts avec ce garçon.
Le calme que je ressentais à ce moment m'apaisait, je n'avais pas ressenti une aussi grande sérénité depuis que tout le monde avait disparu. C'était un peu égoïste de me réjouir du fait que quelqu'un d'autre vive la même chose que moi, mais je n'étais plus seule, et j'étais soulagée. Lui non plus n'était pas seul, mais il l'aurait été si j'avais sauté de ce foutu immeuble. Et dire que je croyais être seule. J'étais lâche, et si j'avais mieux cherché, peut être que j'aurais retrouvé des gens comme moi, seulement j'avais sauté trop vite aux conclusions...
Je me relevai et je me remis en route vers ma maison. J'empruntai toujours un chemin différent pour rentrer, histoire de changer un peu. Me respiration était régulière, j'avais pas mal gagné en endurance durant ces trois mois.
J'arrivai chez moi environ vingt minutes après être partie du parc. J'ouvrai la porte et je retrouvai la maison vide. Je ne m'inquiétai pas, Alistair m'avait prévenue. J'allai boire un coup dans la cuisine puis je me changeai. Je descendis m'allonger sur le canapé, la cheminée marchait toujours.
Je me sentais libérée. Comme allégée d'un poids que je portais depuis maintenant trois mois. Je me rendais compte que ce poids était constitué d'angoisse, de peur et de tristesse. Jusqu'à aujourd'hui, je le trainais tous les jours derrière moi, comme prisonnière. Mais désormais ça allait mieux, j'étais détendue. Puis je fus tirée de mes pensées par le bruit de la voiture d'Alistair qui se garait devant la maison.
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Seule
AventureTous les humains ont disparu. Seule Sofia est restée. Pourquoi elle? Elle n'en a aucune idée. Mais elle est désormais seule et doit se débrouiller pour survivre. Pourra-t-elle supporter ce poids? Jusqu'où peut mener la solitude?