Chapitre 3

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   Les maisons défilaient lentement à côté de moi, toujours vides. J'étais nulle en endurance, mais j'allais parfois faire du « jogging » pour m'entrainer. Ce n'était pas pareil qu'au collège, où les profs nous disaient de courir un certain temps sans discuter. Là, je pouvais marcher, j'étais dehors, je regardais les maisons, les gens qui passaient. J'aimais aussi être seule, ça me libérait. Mais maintenant, c'était différent. J'aurais donné n'importe quoi pour avoir de la compagnie.

   J'avais commencé à courir une demi-heure plus tôt, et je commençais à avoir soif. Étant plus éloignée de ma maison que du supermarché la plus proche, je décidai d'aller me servir à celui-ci. J'empruntai la grande route qui menait au magasin et je fus rapidement arrivée devant les grandes portes vitrées. L'établissement devait déjà être ouvert quand tous les humains avaient été emportés car j'apercevais des articles sur les tapis de caisse. Il y avait aussi des chariots gisant ici et là dans les allées. Mais personne ne franchissait les portes automatiques à ce moment-là. Il allait donc falloir que je rentre par mes propres moyens. Deux solutions s'offraient à moi : je pouvais essayer de briser le verre en balançant des grosses pierres ou je pouvais essayer de forcer les portes. J'optai pour la deuxième solution. Je m'approchai et glissai mes doigts dans la fente entre les deux portes, puis je tirai vers moi. Je n'aurais jamais pensé qu'elles seraient si solides. N'ayant pas réussi, je changeai de technique. J'allai prendre une pierre assez lourde, je la soulevai et la lançais contre les portes. Une grosse fissure se créa, mais le verre tint bon. Je recommençai et cette fois-là, la vitre se brisa.

  A l'intérieur, tout était sombre. Seules les grandes baies vitrées laissaient passer la lumière du jour. Vers le fond, les rayons semblaient plonger dans une obscurité sans fin. Mais il n'était pas question que je renonce. J'allai prendre une lampe de poche, je la déballai puis l'allumai. Se déplacer dans un magasin à l'aide d'une seule lampe de poche, ça donnait une ambiance lugubre qui mettait mal à l'aise. J'allai au rayon du goûter, qui était mon préféré, et j'entamai un paquet de biscuits que je mangeai sur place. Je pris le reste ainsi que trois autres boites que je déposai dans un chariot vide que j'emmenai avec moi.

   J'allai me charger en eau et en produits pas trop frais. J'eus mal au cœur en passant devant toutes ces glaces qui allaient fondre d'ici un jour ou deux. Quel gâchis ! Je me servis aussi en conserves, soupes en sachet, pâtes, riz et tous les aliments dans le genre. Je repartis donc sans passer par la caisse et pris le chemin de la maison, toujours accompagnée de mon chariot.

   Tout en marchant, je réfléchis à ma situation. Un matin, en me réveillant, je n'avais trouvé personne. Tout le monde avait disparu en une nuit. Ça n'était pas logique. Si les humains disparaissaient, c'était qu'il y avait eu une catastrophe naturelle. Or, Il n'y avait aucune trace d'un éventuel tremblement de terre ou d'une éruption volcanique, ni quoi que se soit d'autre. Le climat n'avait pas changé, il n'y avait as d'énormes crevasses traversant champs, routes et forêts. Il n'y avait pas non plus de cadavres. Et puis, j'étais toujours là. La solution la plus rapprochée de ma situation était que le gouvernement aurait décidé d'enlever tout le monde, une sorte de géant kidnapping, et qu'ils m'auraient oubliée. Cette idée idiote me fit sourire.

   Il allait falloir que j'arrête de me faire des nœuds au cerveau et que j'accepte mon sort tel qu'il est.


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