Chapitre 6: La tâche

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Le soleil était déjà haut dans le ciel quand un bruit strident rompit le calme. Les Blocards les plus proches jetèrent leurs outils en riant, posèrent les branches qu'ils charriaient, abandonnèrent leur tâche pour aller accueillir le nouveau venu.

Ils s'arrêtèrent aux bords de la trappe et se mirent à échanger des pronostics sur la réaction du pauvre adolescent qui allait débarquer dans un endroit inconnu, sans aucun souvenir.

La trappe s'ouvrit brusquement dans un grand bruit de machines et de ferrailles. Tous les Blocards plissèrent les yeux pour essayer de voir, en dépit du soleil, leur nouvelle recrue.

Entre deux bidons d'eau, des sacs, des cordages et plusieurs caisses, assis dans un coin, un garçon d'environ dix-sept ans, aux cheveux brun foncé, aux yeux noisettes, avec de longs cils, des pommettes saillantes et des lèvres anguleuses, levait son bras devant son visage pour se protéger de la lumière crue qui l'aveuglait. Il était littéralement couvert de sueur, son t-shirt était trempé.

Sa poitrine se soulevait à un rythme saccadée. Il fixait les garçons au-dessus de lui, qui l'observaient en chuchotant. La panique se lisait dans ses yeux.

L'un des Blocards quitta le groupe pour sauter sur la grille, l'ouvrir, et se laisser tomber devant le nouveau venu, le fixant de ses yeux métalliques, fronçant ses sourcils arqués. Le brun recula au fond de la Boîte rapidement, apparemment terrifié.

- Pas trop secoué ? lui demanda Gally. Amène-toi, le nouveau !

En un instant, le garçon se retrouva hors de la Boîte, face contre terre, aux pieds des Blocards qui le regardaient en riant. Il se retourna, paniqué, et jeta des regards affolés autour de lui. Ses yeux bondissaient d'un Blocard à l'autre, trahissant son désespoir.

- Je crois que ce gars va m'aider en cuisine, ricana Poêle-à-frire.

- Visez-moi ces fringues ! Elles sont trempées !
Il s'est pissé dessus, ou quoi ? s'esclaffa un autre, aux cheveux blonds, déclenchant l'hilarité des autres.

Sans crier gare le nouveau se leva d'un bond, bousculant tous les Blocards qui se trouvaient sur son passage et se mit à courir droit devant lui aussi vite que ses jambes lui permettaient.

- Eh, le nouveau est un Coureur ! s'écria Zart en riant.

Il s'éloigna à grandes enjambées, poussé par la peur qui l'envahissait et se diffusait dans ses veines comme un poison. Il était à plus de dix mètres des Blocards quand il s'affala dans l'herbe sous les éclats de rire des autres garçons.

Le brun haleta, à bout de souffle, ses poumons brûlant dans sa poitrine, et se redressa avec difficultés. Devant lui se dressait un haut mur de pierre sur lequel grimpaient d'épaisses tresses de lierre. Abasourdi, il se releva lentement, puis regarda autour de lui.

Partout, peu importe où son regard se posait, ces immenses murailles lui barraient la vue, délimitaient les contours d'une vaste praire d'herbe verte et piqueté d'arbres. Atterré, il se tourna et se retourna, fixant les murs de pierre sans pouvoir en détacher son regard. Deux Blocards le rattrapèrent, l'empoignèrent et allèrent l'enfermer dans la Fosse, comme tous les nouveaux y avaient droit.

Il reprit son souffle, épuisé par son sprint, et se rua contre la grille qui le retenait prisonnier. Dans le champs où il se trouvait, des garçons passaient en bavardant, des chèvres broutaient à côté d'une charrette. L'adolescent ne comprenait rien à ce qui se passait, ni à l'endroit où il était. Et la panique menaçait de le gagner.

- Eh. Fit soudainement une voix grave.

Le brun sursauta et vit accroupit derrière la grille un jeune homme noir qui le fixait avec un mélange d'amusement et de bienveillance.

- Ça va, le débutant ? demanda-t-il. Interdiction de se tirer maintenant, compris ?

Devant son absence de réaction, Alby conclut à un acquiescement et hocha la tête.

- Cool.

Il se leva et ouvrit la cage. Le nouveau ne put retenir un spasme de terreur, se tassant plus encore dans le coin de sa cage. Le jeune homme s'accroupit devant l'ouverture, pour le plus grand soulagement du brun.

- Je m'appelle Alby, lui dit-il. J'aimerais que tu me dises des choses sur toi. Qui tu es... D'où tu viens... Tout ce que tu peux me dire.

Le nouveau baissa la tête, la respiration sifflante. Ses épaules et ses mains tremblaient.

- Tu t'appelles comment ? insista Alby.

- Je sais pas... Je me souviens de rien...
bredouilla le nouveau en relevant la tête.
Pourquoi je me souviens plus de rien ?!

- Nan, t'inquiète. Calme-toi, lui dit-il, voyant qu'il commençait à paniquer. Ça va. C'est normal.

Le garçon leva la tête, intrigué et totalement perdu.

- On a tous connu ça. Tu te rappelleras ton nom dans un jour ou deux. ... C'est le seul truc qu'ils nous ont permis de garder.

- ... Où je suis ? Je comprends rien...

- Je vais t'expliquer, déclara Alby avec un sourire en coin, lui tendant la main.
Le nouveau n'hésita pas longtemps avant de saisir sa chance et ne le fixa, immobile, que quelques instants.

Alby sortit le nouveau de sa cage et l'emmena avec lui à travers le Bloc, déambulant entre les cabanes. L'adolescent regardait autour de lui, désemparé, entièrement déboussolé. Comme tous le furent avant lui.

- On mange ici, on dort ici, on cultive pour se nourrir et on construit nos cabanes, déclara Alby pendant qu'ils marchaient. Tout le reste, c'est la Boîte qui nous le fournit. Et nous, on gère.

- La Boîte ? répéta le nouveau.

Son regard se tourna vers la trappe d'où Gally l'avait fait sortir. Plusieurs Blocards étaient occupés à en sortir les bidons, caisses et sacs.

- Ouais, confirma le jeune homme. Une fois par mois, elle nous envoie un p'tit nouveau et des vivres. Et ce mois-ci, c'est toi. Félicitations, plaisanta-t-il.

- C'est envoyé par qui ? Et qui nous a amenés ici ? interrogea le brun.

- Ça, on n'en sait rien.

- Eh, ça va, Alby ?

Le nouveau se tourna. Un garçon venait de les rejoindre. Le brun l'observa attentivement, un peu surpris par sa dégaine de gamin trop vite grandi : ses cheveux blonds en bataille, ses grands yeux bruns, son petit nez et ses lèvres fines lui donnaient un air enfantin. Il nota également que le nouvel arrivant se tenait appuyé sur la jambe gauche, comme si la droite était trop faible pour supporter son poids qui, pourtant, était loin d'être conséquent.

- Le débutant, je te présente Newt, dit Alby en souriant. Quand je suis pas dans le coin, c'est lui, le taulier.

- Salut, fit la nouvelle recrue en serrant la main de Newt.

- Mais je te rassure, il est souvent là, répondit-il modestement. T'as poussé un méga sprint, tout à l'heure. J'ai vraiment cru que t'avais le potentiel pour devenir un Coureur ! ... Mais c'était avant que tu te vautres !

Alby se mit à rire, ses dents blanches éclatant entre ses lèvres sombres.

- Super, ta gamelle ! ajouta Newt en ricanant.

- Tu veux me rendre un service ? demanda Alby au blond. Trouve-moi Chuck.

- ... Ça marche, répondit Newt en les quittant.

- Merci.

Le nouveau suivit Newt du regard : il boitait sévèrement de la jambe droite, comme s'il avait la cheville cassée. C'est une tape d'Alby sur son épaule qui le ramena à la réalité et le détourna de la claudication prononcée de l'autre Blocard.

- Excuse-moi de te speeder... mais t'arrive un peu tard, lui dit-il. Et là, on a plein de choses à faire. On doit préparer une petite fête ! Ouais ! Tu verras.

Le labyrinthe d'Ariane {NewtxOC}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant