Préparation

25 3 3
                                    


Jeffrey Peel était noyé dans les papiers, littéralement. Il avait une pile de dossiers de près d'un mètre à lire, et il ne pouvait en ignorer aucun. C'étaient les rapports des analystes, des scientifiques, des soldats, des experts en balistique, en biologie... Tout cela concernait la bataille contre le Dévoreur. Cette créature était tellement imprévisible que chaque détail comptait. L'inspecteur avait entre autre lu un rapport d'experts théorisant quelles améliorations le Dévoreur pourrait encore obtenir, et c'était assez inquiétant. Peel était conscient que leur adversaire avant l'avantage du temps. Plus le temps passait, plus il évoluait, plus il devenait imprévisible, et plus il devenait fort. Peel avait lu la plupart des dossiers importants (Astown lui avait classé par ordre de priorité), et il hésitait de plus en plus à finir la pile. De toute façon, sa stratégie avait déjà pris forme, et maintenant, ses supérieurs lui avaient donné carte blanche, y compris pour tuer le monstre (sans doute incités par l'Ordre). Alors qu'il se replongeait dans une étude estimant le temps de réaction du Dévoreur, on toqua à sa porte.

"Entrez !"

Astown et Marcus Hampston, le responsable de l'équipement, entrèrent. Ce dernier avait été très frustré en apprenant que ses munitions anesthésiantes améliorées n'avaient pas pu percer la carapace du Dévoreur, et s'était remis au travail. Sauf que cette fois, c'était une arme létale que Peel lui avait demandé, capable de tuer l'ennemi d'un coup. En effet, même si le monstre était sensible aux balles, elles ne semblaient pas lui faire suffisamment de dégâts. En recoupant les témoignages, on avait pu estimer qu'il avait été atteint entre 30 et 60 fois, et cela n'avait pas suffi à le tuer.

L'armurier, aidé par Astown, posa une longue mallette en cuir sur le bureau de Peel. Elle était plus longue que le bureau lui-même, environ un mètre quatre-vingt, et semblait assez lourde.

"V'la vot' commande !"

L'inspecteur l'ouvrit. Il découvrit à l'intérieur ce qui lui sembla être un fusil, mais bien plus gros que ce qu'il avait manié dans l'armée. L'objet mesurait bien un mètre cinquante de long, et son canon était assez impressionnant : sa base était plus large que le bras de l'inspecteur, et s'affinait au bout. Il n'avait pas de crosse, mais une espèce d'arc de cercle de plastique doublé de mousse à la place, laissant penser à l'inspecteur qu'il se posait sur l'épaule, et que la poignée sous le canon servait à le tenir. En fait, cette arme semblait être un mélange de bazooka et de fusil.

"J'vous présente le HPKR-01", dit Hampston, tout sourire. "Moi j'l'appelle le Driller mais la tradition veut qu'ce soit l'supérieur qui décide de son p'tit nom."

Il semblait très fier de sa création. Cela indiquait qu'il l'avait vraiment réussie, et c'était une bonne nouvelle. Dans le plan de Peel, les tirs n'étaient prévus que pour blesser le Dévoreur, et cette arme pour lui donner le coup de grâce. L'inspecteur se leva de son bureau.

"Je lis de la paperasse depuis trois heures, un peu d'action me fera le plus grand bien".

Il souleva l'arme. Elle pesait bien vingt kilos, mais une fois posée sur l'épaule, elle n'était pas très difficile à manier pour peu qu'on ait un peu de force. Les trois hommes descendirent par l'ascenseur vers la salle de tir en sous-sol, après que Peel ait passé un appel pour qu'on la prépare selon les instructions de Marcus. Ce dernier n'était pas bavard en temps normal, mais pour décrire son arme, il était intarissable.

"Là vous avez l'viseur. J'ai mis la fonction infrarouge pour si vous voulez tirer dans l'noir. Y'a un zoom, pour les cibles à longue distance, y peut afficher un papillon à trois miles, et si vous savez viser, vous pouvez l'descendre..."

Finalement, ils arrivèrent dans la salle. C'était un grand espace éclairé par des néons. Un peu partout, on trouvait toutes sortes de cibles, de la silhouette humaine en carton trouée comme une passoire au pilier de béton criblé d'impacts de balles. Sur des tréteaux, on avait installé une sphère de métal d'un mètre de diamètre (deux demies-sphères liées ensemble en fait), et Peel la savait doublée de gélatine pour simuler la chair. L'inspecteur prit place à l'autre bout de la salle, à plus de quarante mètres, et visa. Même s'il n'avait jamais fait la guerre, ayant fait partie du renseignement en 39-45, il avait depuis longtemps appris à se servir d'armes de tout genre, et il tira sans hésitation.

Le DévoreurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant