Chapitre 7

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Il était presque 22 heures. Les lampadaires illuminaient sinistrement les rues de Lauren's Town. L'ampoule devant le dépanneur vibrait, s'éteignait, repartait. À l'intérieur, sous l'éclairage cru des néons, Stan comptait sa caisse. Les billets de un, de deux, puis de vingt. Il attendait son relais, son collègue qui assurerait le quart de nuit. Le jeune homme laissa deux cents dollars dans le tiroir, avant de faire un rouleau avec le reste. Il glissa les billets dans un sac de plastique, avant de s'emparer des clés sur la tablette pour le comptoir. Son regard se promena dans le magasin, épluchant les rayons.

Personne.

Stan se glissa jusqu'au fond de la pièce, s'arrêtant devant une porte marquée d'un signe « personnel autorisé seulement ». Il l'ouvrit et s'esquiva dans l'arrière-boutique. Il faisait tourner le trousseau autour de son index, avant de s'arrêter en arrivant devant le coffre-fort. Il glissa une clé dans la serrure, déposa l'argent, signa le registre. Puis il verrouilla et retourna derrière son comptoir. Il égrainait les secondes en les tapant du doigt contre le comptoir.

Stan se mit à penser. Non pas à son fameux départ de Hudson, mais à la fille des ruines. Il revoyait l'éclair de douleur qui avait traversé son regard lorsqu'il lui avait dit qu'elle ne pouvait comprendre. Il l'avait vue sur la défensive, secrète, mais jamais blessée. Oui, c'était vraiment l'impression qu'elle lui avait donnée. Comme si elle avait trop souvent été mise de côté, comme si on l'avait trop souvent ignorée.

Il s'en voulait d'avoir fait remonter de vieilles blessures.

Son regard glissa vers la devanture. Les rues vides de la ville.

Il devait aller la retrouver.


22 heures tapantes, le renfort poussa la porte du dépanneur. Un homme entre deux âges, bedonnant, une barbe mal entretenue et parsemée de gris. Des dents jaunis par la cigarette et une haleine de café. Sans attendre son reste, Stan enfila sa veste en jeans et agrippa son sac. Ce dernier cogna durement contre son dos, faisant bien sentir la présence de la bouteille subtilisée au début de son quart. Il s'allégeait la conscience en se disant qu'il la rembourserait après avoir reçu sa paie.

D'un simple hochement de tête, Stan salua son collègue, avant de pousser la porte du dépanneur. La chaleur de la journée avait laissé place à une température plutôt fraiche, presque froide. Les étoiles éclairaient le ciel, Stan parvenait à en distinguer une ou deux à travers l'éclat des lampadaires.

Mais il ne s'éternisa pas devant ce spectacle céleste. Il commença par s'arrêter dans un coin sombre, sortant la bouteille de son sac. Il en dévissa le bouchon, prit une première gorgée – qui le fit frissonner –, la remit à sa place. Puis il s'éloigna sur la rue principale, en direction de cet immeuble abandonné qu'il ne connaissait que trop bien, désormais.


Il arriva là-bas sans même s'en rendre compte. Pour faire bonne mesure, il toqua une fois contre la porte avant de l'entrouvrir. Il passa sa tête dans l'ouverture, n'apercevant aucune lumière.

« Eum... Salut ? Il y a quelqu'un ? » Rien. Seulement le silence. « C'est Stan. »

Il fit un pas à l'intérieur. Était-elle là ? Stan ne pouvait croire qu'elle n'y soit pas. Elle y était toujours. Il ne l'avait jamais croisée en ville, ne l'avait jamais aperçu en dehors de cette vieille usine désaffectée. Si elle n'était pas là, où pouvait-elle bien être ?

« Je t'ai amené un petit quelque chose », continua Stan, passant son sac devant lui. « Un cadeau de paix. »

Il avait cru que cet énoncé la ferait sortir de l'ombre. Et il avait bien raison.

Kilomètre 888Où les histoires vivent. Découvrez maintenant