Syrah s'éjecta de son lit improvisé avec une telle violence que chacun de ses os craqua. Elle manqua de peu la patte avant de Vagha qui ne dût son salut qu'à ses réflexes félins.
Contaminé par l'excitation de sa sœur d'âme, le puissant tigre poussa un rugissement qui tira du sommeil l'ensemble des parangons et de leurs gardiens.
Svalantia bondit la main sur son arc :
– On nous attaque ? Protégez la porteuse d'âmes !
Mais Syrah était loin. Elle ne prit pas la peine de détromper la redoutable assassin et courut vers le bassin et l'arbre centenaire.
Un concert d'exclamation l'accueillit et elle crut un instant qui lui était destiné. Elle se rendit vite compte que les sages n'avaient même pas remarqué sa présence. Ils fixaient le bassin et plus précisément Argo et Dagueria. Le jeune homme se tenait au milieu des eaux, debout et ruisselant : son corps auparavant cachectique avait regagné sa musculature noueuse, Dagueria à ses côtés avait retrouvé son poil blanc tacheté.
Le bel asiatique était hagard, il tournait la tête en tous sens dans une tentative vaine de recoller les morceaux manquants des événements qui avait pu le mener ici.
Syrah sentit une chaleur bienveillante entourer son cœur, elle inspira profondément : il lui semblait que l'air lui avait fait défaut pendant des jours. Elle bouscula une petite sage replète sans s'excuser et sauta directement dans le bassin : ses bottes de fourrure et son pantalon s'imbibèrent de l'eau fraîche, mais elle remarqua à peine que ses mouvements fussent entravés.
Elle se jeta dans les bras d'Argo et serra son torse de toutes ses forces : le contact de son corps enfin chaud sous ses doigts lui arracha des larmes de joie. Après ces semaines de ténèbres, elle voyait la lumière, Argo lui rendit son étreinte avec maladresse, comme un geste longtemps oublié dont il retrouvait doucement les réflexes.
Elle se recula pour mieux admirer ses traits : c'est alors qu'elle remarqua son œil droit : lui qui était auparavant marron était à présent bleu pâle.
– Ton iris... murmura Syrah en caressant son visage.
Il saisit sa main et l'arrêta au niveau du menton, il la tira alors jusqu'à son regard et Syrah comprit que celui-ci ne fixait que le vide.
– Je crois... débuta Argo d'une voix rauque.
Il s'éclaircit la gorge comme après un long sommeil et reprit :
– Je suis aveugle à droite.
Syrah sentit sa joie se tempérer : Gaïa avait prévenu des conséquences, la perte de l'œil droit d'Argo en faisait-elle partie ?
Elle s'approcha doucement de ses lèvres en prenant bien garde de rester dans son champ de vision : il ne recula pas. Elle se percha alors sur la pointe des pieds pour l'embrasser.
Il se tendit d'abord puis finalement lui rendit son baiser.
– Tu es vivant... j'ai cru te perdre... souffla Syrah à son oreille.
– Je suis vivant... répéta Argo comme un mantra.
Il reporta son attention derrière Syrah qui suivit son regard : leurs amis se tenaient là, bouche bée. Dagueria, la première, tituba hors du bassin, l'eau montait jusqu'aux épaules de la panthère des neiges dont le poil épais n'était guère adapté à ce bain forcé. Hestia et Adrast se précipitèrent pour l'aider à enjamber la margelle.
La belle féline resta ensuite un moment au pied du bassin, hagarde.
Elle reniflait l'air avec nervosité et un petit chuintement plaintif sortait de sa gorge. Les anim'âmes l'entourèrent : Vagha entreprit de lécher le pelage dégoulinant bientôt rejoint par les canidés d'Adrast : Apsara et Ramos. Même Joukio et Jasper y allèrent de leurs coups de langues râpeuses. Quand Dagueria risqua quelques pas supplémentaires dans la nef, c'est tout le reste des anim'âmes qui lui prodiguèrent leur attention. Rien n'aurait pu être plus singulier que le spectacle d'une puissante panthère des neiges câliné par une biche, un ours, un pangolin et un serpent.
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Symbiose - Les parangons
FantasíaSyrah n'a plus le choix : pourchassée par les Jazaris , elle va devoir rassembler les parangons pour espérer vaincre le plus vicieux de leur limier. Privée des précieux conseils de Yuraïa elle devra discerner les signes de Gaïa sans tomber dans le p...