Confrontation avortée

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Syrah avait tenté au mieux d'atténuer ses cernes violacés à grand renfort d'eau froide sur son visage.

Elle s'était pourtant endormie dès que sa tête avait touché l'oreiller, mais des cauchemars l'avaient assailli toute la nuit. Elle avait poursuivi un Argo fait de fumée à travers des labyrinthes de glace et avait trouvé le corps sans vie de Yuraïa à chaque intersection. Elle s'était éveillée en pleurs, son coussin trempé de larmes.

Il avait été convenu la veille au soir qu'ils se retrouveraient tous à la bibliothèque. Cependant, quand elle descendit, elle tomba sur Argo. Celui-ci la détailla un instant, puis demanda, gêné :

- Tu as l'air fatiguée... Tu vas bien ?

Syrah sentit son cœur se serrer et des sanglots menacés de s'échapper de nouveau. La veille, elle était parvenue à maintenir ses émotions à distance le temps de le conduire jusqu'à Livaïa. Mais, ce matin, il l'avait pris par surprise. Elle se concentra pour empêcher sa voix de trembler :

- Oui, oui. Tout va bien. Allons trouver Livaïa.

Argo la retint par le bras, son seul œil valide semblait tourmenté :

- Attends !

Syrah sursauta à ce contact. Il poursuivit :

- Je suis désolée, Syrah. J'ai... Je ne voulais pas te faire de mal... J'espère qu'un jour tu pourras me pardonner.

Syrah se contenta de hocher la tête. Le moindre son qui serait sorti de sa bouche aurait trahi sa détresse.

Leurs prunelles restèrent aimantées l'une à l'autre, les doigts d'Argo brûlaient la peau de Syrah comme des tisons.

- Bonjour, vous deux !

Hestia descendait les marches Willem dans les bras. Syrah lui fut reconnaissante de briser la tension ambiante. Argo relâcha son emprise.

- Nous allons être en retard. Allons-y.

Hestia se plaça entre eux deux, elle coula un regard rapide vers Syrah puis enchaîna :

- J'ai hâte d'en savoir plus. Pas vous ? Nous sommes partis dans la précipitation de la province de Turquoise avec ma famille, mais j'aimais beaucoup cette province.

- C'est vrai que tu viens de cette province, comment était-ce ? s'enquit Argo.

- Très agréable. Nous habitions dans un petit village sur la côte, mais nous avons dû fuir après que des membres de la milice locale aient été informées que ma mère possédait des livres interdits. Nous avons été dénoncés par des voisins jaloux... Alors nous avons pris nos affaires et nous avons emménagé dans la province de Jade.

Hestia laissa son regard vagabonder. Syrah était reconnaissante à son amie d'avoir détourné la conversation, mais elle pouvait voir que celle-ci l'avait rendue nostalgique.

- J'entends déjà Livaïa, elle doit être furieuse, déclara Syrah.

Effectivement, des éclats de voix provenaient de la porte de la bibliothèque entrouverte.

- Nom d'un charognard décérébré ! Les prêtres de Gaïa étaient des êtres d'exception à mon époque ! Mais il semblerait que respirer l'air vicié par l'haleine des prédateurs pendant toutes ces années ait ramolli leur matière grise ! Plus d'un mois ! Pourquoi ne pas les livrer directement aux lords ? Envoyez un messager immédiatement !

- Bien, prêtresse Livaïa.

Un grand prêtre au visage émacié, un corbeau sur l'épaule les dépassa, la mine soucieuse.

Symbiose - Les parangons Où les histoires vivent. Découvrez maintenant