les larmes de la bibliothécaire

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Syrah n'avait pas eu la nuit reposante à laquelle elle avait aspiré.
Après l'assaut, les prêtres-soldats avaient longuement inspecté la cité avant de les autoriser à rejoindre leurs quartiers. Malgré les protestations de la porteuse d'âmes, Leyia Grant, qui avait été profondément choquée par l'attaque, avait exigé qu'un prêtre armé soit posté devant chaque porte de la demeure des invités.

Syrah n'avait pas eu le cœur de s'énerver devant le beau visage torturé de la prêtre suprême. Une ecchymose fleurissait sur sa pommette droite à l'endroit où un assassin-renégat l'avait frappé et ses yeux humides imploraient son soutien. Elle avait acquiescé en silence avant de monter les marches de la maison.

Syrah avait poussé un profond soupir de soulagement quand la porte de la chambre s'était refermée sur Argo et elle.

Elle avait entrepris de faire couler un bain pour effacer les stigmates de l'attaque-surprise.

Le bruit de l'eau qui ricochait sur l'étain de la baignoire eut un effet inattendu : Argo sursauta et se mit en position de combat, Dagueria feula, les oreilles basses et le poil hérissé.

Syrah scruta la chambre et la salle de bain, en alerte. Elle crut à une nouvelle attaque et resta immobile de longues secondes. Puis, comme aucun danger ne surgissait, elle se rapprocha d'Argo et lui effleura la main.

– Que se passe-t-il ?

Il ne répondit pas, les muscles de ses mâchoires jouaient sous la peau de son visage.
Syrah suivit son regard et se rendit compte qu'il fixait l'eau. De petites volutes de fumée s'échappaient de la baignoire.

Syrah ferma les robinets :

– Il n'y a aucun danger. Regarde.

Elle mit sa main dans l'eau et laissa le liquide se défiler doucement entre ses doigts.

Argo frissonna, mais se détendit un peu.
Syrah remarqua que Dagueria avait arrêté de feuler, mais que les poils de son dos demeuraient dressés.

Elle dut faire preuve de trésors de patience pour le convaincre de se déshabiller et de se laver. Il consentit finalement à pénétrer dans la baignoire, mais y resta droit comme un I, sur le qui-vive. Il refusa tout net d'immerger sa tête et Syrah dû nettoyer ses cheveux à l'aide d'une tasse.
Il sursauta quand l'eau entra en contact avec son visage.
Syrah tenta de comprendre ; mais ses questions n'obtinrent pas de réponse. D'ailleurs, Argo n'avait pas prononcé un mot depuis qu'il l'avait sauvée.
Ils se couchèrent donc en silence les anim'âmes au pied du lit.

Cependant, le repos fut de courte durée : si Argo était muet éveillé, ce n'était pas le cas pendant son sommeil et il se réveilla plusieurs fois en proie à des hallucinations terrifiantes. Syrah eut du mal à le maîtriser et à le ramener à la réalité. Elle n'était pas aidée par le prêtre-soldat qui déboulait en trombe à chaque nouvelle crise, arc au poing. À la troisième alerte, Syrah qui se débattait déjà avec Argo, le congédia avec froideur et lui interdit formellement de revenir.

Le matin trouva donc Syrah épuisée, assise dans son lit et prête à bondir : de profonds cernes violacés avaient fleuri sous ses yeux en même temps que des ecchymoses foncées autour de ses bras et de son cou. Syrah n'aurait su dire quelle marque pouvait être imputé à l'attaque des assassins-renégats et lesquelles provenaient de la nuit et des gestes désordonnés d'Argo.

Celui-ci s'était un peu calmé à présent et il n'avait pas fait de nouveau cauchemar depuis bientôt deux heures. Malgré tout, son visage restait contracté et une fine pellicule de sueurs collait ses cheveux noirs sur sa peau de bronze.

Symbiose - Les parangons Où les histoires vivent. Découvrez maintenant