Capitale – Province du diamant – salle de réception du palais impérial
L'empereur semblait décidément avoir une certaine appétence pour les décapitations sommaires en pleine audience.
Et, cette fois-ci, ce n'était pas pour déplaire au grand chancelier. Il regarda la tête rouler au pied de l'estrade impérial et s'immobiliser lentement avec une sensation de joie sauvage. Il se fit la réflexion qu'il avait l'exacte même expression de surprise sur ses traits que le messager quelques semaines plus tôt. Il se demanda vaguement pourquoi celui-ci avait l'air si étonné. Firath avait voulu trop se rapprocher du pouvoir et son dernier coup de bluff lui avait coûté la vie. Le grand chancelier espérait que cela servirait de leçon aux intrigants de la cour, bien qu'il fallut de toute façon être fou comme Firath pour s'attacher les services de toute une bande d'assassins-renégats.
On disait qu'un seul avait survécu à l'expédition et que tous les autres avaient été décimés. Le grand chancelier n'avait jamais entendu parler d'une personne qui avait survécu à un assassin-renégat à fortiori une meute...
Il avait décidément sous-estimé cette porteuse d'âmes qui n'avait rien de l'enfant décrite avec dédain par le lord Voluris. Un frisson le parcourut à cette pensée : son instinct lui chuchotait que cette version colérique de Jazaris XI chercherait bientôt un nouvel exutoire et qu'il serait alors facile de l'accuser d'un manque de discernement.
Le grand chancelier leva les yeux vers l'empereur : bien que personne ne puisse observer son visage, tout son corps exultait d'une rage destructrice. Ses épaules musculeuses cintrées dans un haut en empiècement de cuir noir tressautaient au rythme de sa respiration saccadée et ses poings gantés étaient serrés. Enfin, son tigre grondait de façon sourde et menaçante, son poil hérissé.
Il se tourna brusquement vers le grand chancelier et celui-ci sursauta, il ne pouvait pas voir ses prunelles, mais il sentait le regard perçant de son empereur se visser dans le sien. Il n'avait visiblement pas eu son comptant de sang versé et le grand chancelier comprit qu'il ne s'était pas trompé.
– Grand chancelier !
Le courtisan s'inclina aussi bas que lui permettait son embonpoint marqué et son ours polaire baissa la tête en signe de soumission.
– Votre Altesse Impériale.
– Arrête-moi si je me fourvoie, ton travail est de me conseiller au mieux.
– C'est exact, votre Grandeur. Je m'emploie depuis bientôt trente ans à servir au mieux Sa Majesté et la noble lignée des Jazaris.
Le chiffre était remarquable. Jamais grand chancelier n'avait duré aussi longtemps sans finir la tête au bout d'une pique ou mystérieusement empoisonné. Cela faisait tant de temps que nulle âme vivante dans le palais ne se souvenait de son véritable prénom. Il était le grand chancelier et incarnait la fonction jusqu'à effacer l'homme derrière elle. Cependant, le grand chancelier sentit que sa chance était en train de tourner.
Le ton de l'empereur changea et se fit doucereux, ce qui était bien plus inquiétant que sa colère initiale :
– Trente ans ! Je vois... tout s'explique... Tu te fais vieux, voilà tout ! Tu deviens sénile, tu n'es plus le prédateur retors que tu étais... Oui, je ne conçois pas d'autre explication à ton incompétence... Je devrais donc te remplacer au plus vite !
Le grand chancelier accusa le coup et recula d'un pas comme s'il avait été giflé. Un murmure s'éleva dans la salle. Tous déjà se repaissaient de son cadavre en pensée et l'on scrutait son voisin avec suspicion en échafaudant des plans pour être le nouveau grand chancelier.
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Symbiose - Les parangons
FantasySyrah n'a plus le choix : pourchassée par les Jazaris , elle va devoir rassembler les parangons pour espérer vaincre le plus vicieux de leur limier. Privée des précieux conseils de Yuraïa elle devra discerner les signes de Gaïa sans tomber dans le p...